Washington, D.C., 23 avril 1984. Margaret Heckler, secrétaire d’État américaine à la Santé, se présente devant une nuée de journalistes pour tenir une conférence de presse. Trois ans auparavant, les premiers cas de sida sont apparus aux États-Unis. Aucun traitement ne permet encore d’empêcher les malades de mourir et la panique monte. Robert Gallo, célèbre chercheur en virologie, se tient à ses côtés. « D’abord, la cause probable du sida a été trouvée », annonce Margaret Heckler ce jour-là. Avant d’ajouter que les avancées sur la caractérisation du virus permettront de « développer un vaccin pour prévenir le sida dans le futur ». « Un tel vaccin sera prêt à être testé dans environ deux ans [ … ] Une autre maladie terrible est sur le point de céder à notre patience, à notre persévérance et à notre génie », prédit-elle même. Quarante ans après, le sida est devenu une maladie chronique grâce aux trithérapies. Mais aucun vaccin n’a pu être mis au point malgré de réguliers effets d’annonce. Pourquoi un tel échec, à ce jour, alors que non pas un mais plusieurs vaccins contre le Covid-19 ont été développés en moins d’un an ? La question est souvent soulevée par les antivax et autres suspicieux, qui pensent voir dans ce décalage la preuve que les vaccins disponibles contre le coronavirus ont été conçus et produits à la va-vite.
Mauvaise piste. Le Sars-Cov-2 et le VIH ont beau être deux virus à ARN, ils n’ont que très peu à voir l’un avec l’autre. En comparaison avec le coronavirus, le VIH fait figure d’adversaire terriblement coriace. Pourtant, au début des années 80, la confiance de Margaret Heckler est celle de toute une communauté scientifique. En quelques décennies, vaccins et antibiotiques sont parvenus à maîtriser bon nombre de maladies infectieuses et tout porte à croire que les succès, notamment contre les virus, vont continuer à s’enchaîner. D’autant que les techniques vaccinales se perfectionnent. « Dans les années 1970 et 1980, la mise au point de vaccins basés sur des protéines, et non plus uniquement sur des micro-organismes entiers est venue renforcer cet élan d’optimisme. Le vaccin contre l’hépatite, découvert en 1982, est basé sur ce principe, note le professeur Jean-Daniel Lelièvre, immunologue et chef de service à l’hôpital Henri-Mondor. Mais la complexité du virus était alors très loin d’être envisagée à sa juste mesure ». Les chercheurs allaient réaliser avec les années la difficulté de l’entreprise.

Partons d’un constat simple : l’immense majorité des personnes contaminées par le coronavirus se rétablissent.