Après la parution par Challenges d’une information révélant la mauvaise santé financière de Conforama, placé sous mandat ad hoc, la chaîne de distribution a attaqué le magazine devant le tribunal de commerce et obtenu le retrait de l’article. Argument invoqué par la justice : le mandat ad hoc est confidentiel et la presse doit respecter le secret des affaires. En réaction à cette décision de justice, Les Jours publient le communiqué d’Informer n’est pas un délit. Présidé par le journaliste Édouard Perrin, ce collectif s’est créé en 2015 en réaction à un projet de loi sur le « secret des affaires » qui menaçait gravement la liberté d’informer. Il intervient depuis pour lutter contre les censures faites aux journalistes et aux médias.
La liberté d’enquêter sur les entreprises en difficulté s’arrête aux portes des tribunaux de commerce
Peut-on encore enquêter en France sur les entreprises en difficulté ? Pour la justice française, c’est non. Le secret des affaires prévaut sur le droit de savoir. Et sur le devoir d’informer. Le tribunal de commerce de Paris vient de censurer le magazine Challenges qui avait eu le malheur de faire son travail, c’est-à-dire de révéler que Conforama avait été placé sous mandat ad hoc, une procédure normalement confidentielle et qui permet aux entreprises craignant un dépôt de bilan d’être épaulées par un administrateur judiciaire.
Saisi en référé, le tribunal a jugé que le magazine devait retirer l’article litigieux de son site internet sous astreinte de 10 000 euros au motif non pas que cette information était fausse, mais parce qu’elle n’était pas « une question d’intérêt général ». Et ce pour la raison qu’« aucun autre support d’information écrite » ne l’avait « relayée », avalisant de fait sa « confidentialité ».
Plus grave, ces attendus s’appuient sur une jurisprudence récente de la Cour de cassation qui considère les entreprises comme des personnes à protéger face aux enquêtes journalistiques. En décembre 2015, la haute juridiction mettait en avant « les droits et libertés des entreprises recourant à [des procédures de prévention des difficultés] » et estimait que le « caractère confidentiel » de ces procédures pouvait faire « obstacle à leur diffusion par voie de presse ». En mars 2014, elle estimait que « la divulgation d’informations confidentielles » sur une entreprise pouvait causer de « profondes perturbations » à « la liberté d’entreprendre ».
Rappelons, à toutes fins utiles, que les entreprises font partie de la société et qu’informer sur leur – mauvaise – santé ne relève pas de l’espionnage industriel (argument souvent brandi par les défenseurs du secret des affaires). Ce n’est pas au juge saisi par l’entreprise de devenir le rédacteur en chef de la nation, et de décider de l’intérêt ou non d’une information.
En espérant que cette jurisprudence change et que Challenges obtienne gain de cause en appel, il y a un moyen très simple d’inciter les entreprises à ne pas vouloir censurer les journalistes : les exposer.
Le collectif Informer n’est pas un délit