Désastre climatique, pollution de la planète, cocktail toxique pour l’organisme… Il y a un an, je vous ai sérieusement déprimés en vous révélant que le plastique n’était pas aussi magique que l’industrie voulait nous le faire croire (lire la saison 1, Les plastiqueurs). Le problème est que je n’aime pas faire pleurer les gens, surtout quand ils lisent Les Jours. C’est pas humain. Me revoilà donc, une année de pandémie plus tard, avec une dose(tte) d’espoir et quelques alternatives pour vous aider à divorcer du tout-plastique. Autant être honnête, je ne viens pas avec un cargo de solutions
Mais après soixante-dix ans de vie commune, je suis consciente que le défi est de taille. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à écouter notre bon ami Tony Radoszewski. Mais si, souvenez-vous, le sympathique patron de Plastics, le puissant lobby américain de l’industrie qui, au début de la crise sanitaire, avait sommé le gouvernement des États-Unis d’interdire aux collectivités de proscrire les sacs plastique, présentés
De là à affirmer, comme Tony, qu’il n’y a pas de substitut, il y a un pas de géant que je ne franchirai pas. À défaut de rouler ou de téléphoner sans plastique, on peut apprendre à vivre avec moins de plastique, ne serait-ce que quelques grammes qui ne contribueront pas au changement climatique, ne pollueront pas la planète ni n’intoxiqueront notre organisme. Les emballages représentant 46 % du plastique consommé en France, apprendre à simplement les réduire peut faire une énorme différence. Récemment, un scientifique expert en plastiques me confiait que ce qui le désolait, c’est qu’en cherchant à tout prix à éviter le plastique, les gens adoptaient souvent de fausses solutions, en contradiction totale avec notre ambition de départ. « Mais ce n’est pas leur faute, on leur fait croire que tout est recyclable, compostable ou biosourcé, alors que ce n’est pas vrai ! »

Un exemple issu de mon expérience personnelle : récemment, à la fin d’un déjeuner en terrasse, la restauratrice, très amène, me demande si je suis satisfaite. « Parfait, lui dis-je alors. Avec toutefois un petit bémol : que la nourriture ait été servie dans de la vaisselle jetable. » « Ah, mais ce n’est pas du plastique !, s’empresse-t-elle de me rassurer. C’est totalement écolo, vous savez : c’est du carton biocompostable, biorecyclable [sic], et ça évite de consommer de l’électricité car on n’a pas besoin de lave-vaisselle ! » Magique, non ? Sauf que l’assiette en carton était parfaitement étanche et sans tache de gras, ce qui suggérait qu’elle était traitée avec des perfluorés (des composés chimiques préoccupants qui subsistent des centaines d’années dans l’environnement), qu’elle avait nécessité la coupe d’un arbre, de l’énergie (et l’émission de CO2) pour être fabriquée et acheminée et que, souillée, elle ne serait pas recyclée en une nouvelle assiette. Je doutais enfin qu’elle soit compostable dans des conditions naturelles.
Les insuffisances du recyclage mécanique nous ont déjà appris que la technologie seule ne résoudra pas et ne peut pas résoudre la crise de la pollution plastique. Il n’existe pas de solution miracle.
Les fausses bonnes idées, ou « FBI », sont malheureusement légion. Les bonnes solutions sont souvent les plus simples, mais elles demandent un petit temps de (ré)adaptation. Celui de se déshabituer du « plastique-pratique » pour adopter une nouvelle routine, plus saine, qui, au bout de quelques semaines, vous semblera évidente

Et quid du recyclage ? Bonne ou mauvaise solution ? Depuis trente ans, l’industrie promeut le recyclage comme unique porte de sortie alors que les chiffres nous crient de ne le considérer qu’en tout dernier recours. Dans un numéro spécial plastique publié récemment, le très sérieux magazine Science reconnaît lui-même que « les insuffisances du recyclage mécanique nous ont déjà appris que la technologie seule ne résoudra pas et ne peut pas résoudre la crise de la pollution plastique. Il n’existe pas de solution miracle ». L’Europe se targue d’être la championne du recyclage, avec 32 % de ses déchets plastiques « collectés en vue d’être recyclés », mais de nombreux rapports attestent que trier n’est pas recycler : en effet, une bonne partie de nos déchets sont soit expédiés à l’étranger (Asie, Turquie…) pour y finir brûlés ou enfouis, soit « sous-cyclés » en matériau de moindre qualité et transformés en cintres, canalisations ou bancs de jardin. La France, pour sa part, affiche un taux de recyclage des emballages plastique de 28 %. Cela signifie qu’à ce jour, plus de sept emballages sur dix ne sont pas recyclés, mais incinérés ou mis en décharge. Alors, quand vous avez un emballage vide entre les mains, jetez-le bien sûr dans la poubelle de tri. Mais l’essentiel est d’agir plus en amont pour éviter d’avoir cet emballage vide entre les mains.
Si les emballages font partie de ce qu’on appelle les « plastiques à usage unique », il faut y ajouter toute une kyrielle de produits : des masques anti-Covid aux filtres des cigarettes, en passant par les pailles. Les pailles en plastique ? Mais on ne s’en est pas déjà débarrassé ? Alors oui, c’est vrai, il y a deux ans, l’Union européenne a ébloui le monde

Plutôt que de miser sur le seul recyclage ou d’attendre que ça bouge (vraiment) au plus haut niveau, que pouvons-nous faire pour reprendre le pouvoir et réduire tant notre empreinte plastique
La gourde, ce n’est pas une anecdote, un totem ou un marqueur symbolique, mais bien l’une des meilleures portes d’entrée de la décarbonation de la poubelle des Français.
Pour le Breton Alexandre Solacolu, cette solution simplissime est un des leviers les plus efficaces pour réduire la pollution plastique. Du temps où il accompagnait des projets sportifs à la voile, sponsorisés par de grands noms de l’industrie, ce fou d’océan a découvert la magie du greenwashing, qui permet aux marques d’associer plus volontiers leur image à un bateau et à un propos écologique qu’à des actes concrets : « Il y avait bien plus d’argent qui allait dans le projet sportif que dans la cause elle-même. » Morale de l’aventure : sensibiliser, c’est bien ; agir, c’est beaucoup mieux. Pour éteindre sa frustration, Alexandre Solacolu a créé Hoali, une start-up ambitieuse basée à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) dont l’objectif est « de donner les moyens aux individus de réduire leur impact sur l’environnement ». Un de ses projets-phares est le programme « gourde friendly », qui vise à « faire disparaître la bouteille d’eau en plastique de nos habitudes de consommation », afin qu’elle ne soit plus le déchet le plus répandu dans les cours d’eau et sur les rivages d’Europe. Sa méthode ? « Faire qu’il soit plus facile de remplir une gourde que d’acheter une bouteille en plastique. » Comment ? En convainquant magasins, hôtels, bars et restaurants de remplir gratuitement la gourde des assoiffés de passage… et en mettant à disposition de tous et toutes une carte des établissements convaincus et des points de remplissage publics.

« La gourde, ce n’est pas une anecdote, un totem ou un marqueur symbolique, mais bien l’une des meilleures portes d’entrée de la décarbonation de la poubelle des Français », défend Alexandre Solacolu. Une étude menée par WWF a en effet montré qu’éliminer la bouteille d’eau pouvait aider à réduire de moitié le volume plastique de notre poubelle de tri et de 75 % son empreinte carbone. Le gain économique est lui aussi non négligeable : en France, l’eau du robinet revient 100 à 300 fois moins cher que l’eau en bouteille. Malgré tous ces arguments, vous n’arrivez toujours pas à sauter le pas ? Pas de panique, Alexandre Solacolu a réponse à (presque) tout. Vous craignez que l’eau du robinet ne soit pas sûre ? Réponse : c’est le produit alimentaire le plus contrôlé. Selon la dernière étude d’UFC-Que choisir, « 98 % des Français bénéficient d’une eau de très bonne qualité ». Dans leurs publicités, complète le fondateur de Hoali, les vendeurs d’eau minérale « font croire que l’eau vient de la montagne, qu’on y ouvre un robinet et qu’on remplit directement la bouteille, mais ce n’est pas le cas, elle est traitée elle aussi ». Vous trouvez que l’eau du robinet a « un petit goût » ? C’est normal. « Les gens pensent que s’il y a du goût, c’est qu’il y a un loup : en réalité, elle a un goût parce qu’elle est traitée au chlore pour être rendue potable. » Mettez-la dans une bouteille ou une carafe en verre et laissez-la reposer une heure au frigo, le goût de chlore s’évaporera. Il reste un goût désagréable ou vous avez encore un doute sur la qualité de votre eau ? Utilisez un charbon actif qui retiendra le chlore et les micropolluants. Et si vous êtes un inconditionnel de l’eau pétillante, pas de problème : investissez dans une machine à eau gazeuse (avec des bouteilles en verre, c’est mieux) et le monde sans plastique vous ouvrira les bras.
La question suivante est généralement : quelle est la meilleure gourde ? Alors d’abord, on cesse de réutiliser sa bouteille d’eau minérale et on bannit les gourdes en plastique du commerce qui peuvent relarguer des bisphénols et autres joyeusetés dans l’eau que vous boirez. On choisit une gourde en verre ou en inox. La plus inerte et la plus écolo : la gourde en verre, fabriquée en France. La plus légère et la plus solide : la gourde en inox, le plus souvent fabriquée en Chine, mais si vous la gardez au moins cinq ans, le gain écologique sera quand même réel. On peut éventuellement en avoir une pour la ville et une autre pour le sport. Mais quelle que soit la gourde que vous choisissez, l’essentiel est de la garder le plus longtemps possible. « Une bonne gourde, c’est celle qu’on garde dix ans », témoigne Alexandre Solacolu, qui prévient : « Ne tombez pas dans le piège des marques qui voudraient vendre des gourdes comme d’autres vendent aujourd’hui des bouteilles en plastique et vous voir acheter une nouvelle gourde tous les trois ou six mois parce que la saison ou votre garde-robe a changé… »