Corentin : Avec tous les reboots qu’on voit en ce moment, que ce soit à la télé, au cinéma, dans le jeu vidéo, même, j’ai l’impression de les créateurs ont perdu leur imagination et qu’on ne va plus devoir se contenter que de reprises. T’en penses quoi, Thomas ?
Thomas : J’en pense, mon cher Corentin, que oui, y’a beaucoup de choses pas terrible dans ces reboots dont tu parles. Mais on a aussi des trucs pas trop mal.
Corentin : Tu penses à quelque chose en particulier ?
Thomas : Oui, sinon, je serai pas là pour faire une chronique, tu sais bien. Et donc je pense au reboot qui a été fait de la licence Archie Comics, en 2015. Et les premiers chapitres de ce reboot sont disponibles depuis juillet chez Glénat, sous le titre Riverdale présente Archie.
Corentin : Ouh là, il y a beaucoup d’éléments de culture américaine que tous nos auditeurs et auditrices n’ont peut-être pas. Pour le contexte, est-ce que tu peux nous rappeler ce qu’est Archie Comics ?
Thomas : Evidemment. Archie Comics - et son personnage phare Archie Andrews - fait ses début dans les années 1940. Le concept de la BD est simple : présenter la vie quotidienne d’un adolescent dans une petite ville américaine. La ville s’appelle Riverdale, et Archie y évolue, en lycéen lambda. Rapidement, une clique de personnages récurrents se forme autour de lui, parmi lesquels on compte Jughead, son meilleur ami, Betty et Veronica, avec qui il forme un triangle amoureux, et bien d’autres.
Assez rapidement, Archie Comics s’est installé dans le paysage culturel américain. En effet, après la Seconde Guerre mondiale, le public - essentiellement adolescent - délaisse les superhéros pour des histoires et des personnages plus en ligne avec son quotidien. Avec ses gags potaches et son dessin accessible, Archie Comics gagne un lectorat tant masculin que féminin. De nombreux spinoff vont naître de cet univers : Sabrina l’apprentie sorcière, et Josie et les Pussycats sont les plus connus.
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Ce morceau est un des symboles du succès de Archie Comics, puisqu’il s’agit de Sugar Sugar, interprété par le groupe fictif The Archies dans la série animée adaptée de la BD, datant de 1969. Il est considéré comme étant le tube de cette année aux Etats-Unis.
Corentin : Merci pour ce rapide récapitulatif. Du coup, pourquoi est-ce que la série avait besoin d’un reboot ? C’était la même continuité depuis les années 40 ?
Thomas : A peu de choses près, oui. Evidemment, pour rester en ligne avec son lectorat, les personnages ne vieillissaient pas (ou peu). Ce qui n’empêchait pas l’univers d’évoluer, avec l’intégration au fil des chapitres de personnages de couleur, LGBT ou en situation de handicap. Cependant, le dessin rond des débuts commençait vraiment à faire daté, et les intrigues bon enfant commençaient à avoir du plomb dans l’aile, à une époque où les héros, même s’ils n’ont pas de superpouvoirs, se doivent d’avoir une part d’ombre.
Ajoute à cela quelques pétages de plomb avec des crossovers invraisemblables comme Archie contre Predator ou Archie rencontre le Punisher, et tu comprendras que la licence avait besoin d’un bon coup de frais.
Du coup, en 2015, la licence renaît sous le titre sobre de Archie. Et c’est de ça que l’on parle aujourd’hui.
Corentin : Du coup, qu’est-ce qui a changé par rapport aux anciennes versions ?
Thomas : Tout d’abord, et c’est le plus flagrant, le dessin. Les trois premiers chapitres sont le fait de la géniale Fiona Staples, à qui l’on doit également les dessins de Saga, par exemple. Depuis, une multitude d’artistes se sont relayés pour donner vie aux personnages de Riverdale, dont Veronica Fish et Joe Esma. Globalement, on a délaissé le côté cartoon des dessins de la série originale pour se diriger vers quelque chose de plus réaliste et dynamique.
Ensuite, évidemment, le scénario a été dépoussiéré. Un truc qui gênait, particulièrement dans les années 2000 et 2010, c’était l’atmosphère très “Happy Days” de l’Amérique des années 1950. Là, la BD est bien dans son temps, grâce à une bonne mise à jour du scénariste Mark Waid, sommité dans le milieu du comics. On lui doit entre autre Kingdom Come et 52, deux chouettes explorations de l’univers DC Comics. Avec Archie, il maintient certaines grandes trames narratives - notamment le triangle amoureux Archie, Betty et Veronica - tout en les contextualisant dans le monde d’aujourd’hui, où l’on communique davantage via les réseaux sociaux, où l’on joue davantage aux jeux vidéo qu’au bowling et où les assistants vocaux comme Siri sont légion. En bref, il prend moins son lectorat pour de vieux enfants un peu neuneu et davantage pour de jeunes adultes.
Corentin : Ce que tu me racontes-là, ça me fait furieusement penser à un autre élément de l’univers d’Archie Comics…
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Thomas : J’imagine que tu veux parler de la série télé Riverdale dont on vient d’entendre le générique de fin.
Corentin : Oui, tout à fait.
Thomas : Eh bien on peut considérer qu’elle fait partie de la stratégie de relance de l’ensemble des éditions Archie Comics. Dans la série, on retrouve la ville de Riverdale, évidemment, mais aussi l’ensemble des personnages, adolescents comme adultes. Après, d’un point de vue ambiance et scénario, on s’éloigne très vite de la BD, puisque Riverdale est une sorte de mix entre Twin Peaks et Gossip Girl. Mais l’idée est assez originale. Les deux premières saisons sont disponibles sur Netflix, si vous souhaitez y jeter un oeil.
Corentin : Je vois je vois. Bon, du coup, à qui s’adresse ce reboot d’Archie ?
Thomas : A tout le monde, en fait. Le reboot a été bien pensé, de manière à être accessible à toutes et tous, que l’on connaisse ou non l’univers de départ. Après, c’est sûr, il ne faut pas avoir d’a priori négatif sur les petites villes de Nouvelle-Angleterre et la culture américaine en général. Mais sinon, c’est agréable à lire, ça raconte assez justement les relations sociales et les enjeux de pouvoirs chez les lycéens américains, et c’est assez bien rythmé.
Corentin : On le rappelle, Riverdale présente Archie, c’est disponible chez Glénat, pour 12€50. Merci Thomas, et à bientôt !
Thomas : A bientôt !
Glénat apporte enfin à la France un reboot « Archie » attendu
Véritable institution depuis 1939, Archie Comics procède enfin à un reboot de sa franchise. À l’occasion de la sortie française de ce retour aux sources intitulé « Riverdale présente Archie », Thomas Hajdukowicz nous parle de cette saga bien peu connue en France.
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