Corentin : Ca va faire quoi, environ un an, maintenant, que les auditeurs peuvent t’écouter sur les Croissants, Thomas ?
Thomas : Oui, quelque chose comme ça, je dirais. Pourquoi ?
Corentin : Bah je faisais un point, c’est tout. Et on a bien compris que tes passions comprenaient l’histoire, la cuisine et la BD. Et comme par hasard, ta chronique du jour porte sur DEUX de ces passions, la bouffe et la BD ! Je trouvais ça marrant.
Thomas : ...OK…
Corentin : Oui, bon, ploum ploum, alors de quoi tu viens nous parler aujourd’hui ?
Thomas : Aujourd’hui, on va parler d’un manga que j’aime beaucoup : La Cantine de Minuit, de Yaro Abe, connu sous le titre Shinya Shokudo au Japon. Au moment où nous enregistrons, le volume 4 est sorti en France, au Lézard Noir.
Corentin : Et de quoi ça parle, La Cantine de Minuit ? Attends, non… laisse-moi deviner… C’est une cantine qui ouvre à minuit ?
Thomas : Bingo ! Dans le quartier tokyoïte de Shinjuku, une gargote qui ne ressemble pas à grand chose n’ouvre que de minuit à 7 heure du matin. Au menu, il n’y a que de la bière, du shochu - qui est un alcool japonais - et du tonjiru, une soupe à base de porc. Mais le patron le garantie : s’il a les ingrédients disponibles pour le préparer, vous pouvez commander n’importe quel plat.
Du fait de ses horaires d’ouverture, on pourrait penser qu’il n’y a pas foule. Mais détrompez-vous : la nuit, on y croise bien plus de personnes qu’on pourrait le croire. Vieux du quartiers, chauffeuses de taxi, policiers en pause, strip-teaseuses, joueurs professionnels, criminels… tout le monde se croise et échange dans ce restaurant.
Corentin : Voilà une présentation bien intrigante, mais qui tient davantage à la mise en place d’un décor qu’à un synopsis à proprement parler. Il n’y a donc pas d’histoire, dans La Cantine de Minuit ?
Thomas : Non… et oui. Fondamentalement, il n’y a pas d’histoire continue. Les fils rouges ne sont pas narratifs, comme on a l’habitude dans la plupart des récits, mais plutôt de décor. On a le restaurant, le personnage omniprésent du patron, et une foule de personnages récurents, habitués de l’endroit.
Car s’il n’y a pas une histoire, il y a bien des histoires. Chaque volume de l’édition française de La Cantine de Minuit compte une trentaine de chapitre. Et chaque chapitre est l’occasion d’une historiette autour d’un client - qu’il soit habitué ou juste créé pour les besoins de cette histoire précise - autour d’un plat. Chaque récit construit ainsi un monde en soi : elle peut ne durer que le temps d’une soirée et d’un passage au restaurant, ou s’étaler sur plusieurs années. On est dans une des formes les plus littérales de ce qu’on appelle le récit “tranche de vie”.
Corentin : Et du coup, cette BD parle davantage de la clientèle que les plats ? Non parce que s’il s’agit d’une BD qui est supposée parler de nourriture et qu’au final elle n’est pas présente, c’est assez décevant…
Thomas : La nourriture y occupe une place variable, mais toujours importante. Parfois elle va jouer le rôle de madeleine de Proust et éveiller des souvenirs chez les personnages principaux de l’historiette. Parfois elle va servir à souligner les ressemblances ou différences entre deux situations. Parfois encore elle sert de point de départ, pour lancer le récit, avant que l’intrigue ne dérive vers autre chose. On découvre des plats de bistrot (ou plutôt : d’izakaya), de la nourriture du quotidien et saisonnière, ce qui nous sort des sempiternels sushis et ramen auxquels on associe généralement la gastronomie nippone (même si j’aime beaucoup les sushis et les ramen).
Corentin : Maintenant que j’y pense, ça me fait penser à une série disponible sur Netflix, Midnight Diner. Il y a un lien ?
Thomas : Il y a complètement un lien, puisqu’il s’agit d’une adaptation de la BD ! En fait, au Japon, la série a connu 4 saisons de 10 épisodes chacunes, et 2 films.
[01 - midnight diner.mp3]
Il s’agit du morceau Omohide, de Tsunekichi Suzuki, qui ouvre chaque épisode de la série.
Corentin : Attends, 40 épisodes et 2 films… Mais il n’y a que 10 épisodes disponibles en France !
Thomas : Eh oui, c’est la dure loi des droits de diffusion internationaux. En fait, Netflix a commandé la 4e saison. Du coup, c’est celle qui est disponible chez nous. Mais les autres ayant été commandées et diffusées par la chaîne japonaise TBS, il y aura peu de chances qu’on les voit débarquer en France. A moins d’un rachat de droit de diffusion par Netflix, évidemment.
La série, a un tel succès en Asie que des adaptations coréennes et chinoises ont vu le jour, avec une atmosphère similaire, mais où des plats coréens et chinois ont pris la place des japonais.
Corentin : Ah, je savais bien que tout ça me disait quelque chose. Mais revenons au manga ! Tu nous as parlé du scénario, mais pas du dessin. Alors : qu’en est-il du dessin ?
Thomas : Eh bien le dessin est particulier. On est loin d’un dessin réaliste. On se rapproche davantage du cartoon. Le trait de Yaro Abe est fin, et assez rond. Sans être raté, certains pourraient le considérer comme grossier. On est bien loin des canon du manga actuel. Mais cette touche ajoute à l’ambiance de la série, un peu hors du temps.
Si vous aimez ce style, par ailleurs, je vous invite à découvrir l’autre oeuvre de Yaro Abe éditée en France, toujours chez le Lézard Noir, Mimikaki, qui prend place dans un salon de nettoyage d’oreilles.
Corentin : Mais c’est de La Cantine de Minuit dont on parle aujourd’hui, donc on va se concentrer là-dessus pour la conclusion. Donc du coup, c’est validé ?
Thomas : Pour moi, c’est un grand oui. Et pas que pour moi, en fait, puisque le manga a reçu le prix Shogakukan, qui récompense les meilleurs mangas chaque année, en 2009. Et la même année, il était nominé au Manga Taisho, un autre grand prix.
Corentin : Merci pour ces précisions. On récapitule : La Cantine de Minuit, de Yaro Abe, est disponible chez le Lézard Noir, au prix de 18€ le volume. On compte 4 volumes à ce jour. On sait quand sort le 5e ?
Thomas : Oui, c’est prévu pour courant avril 2019. Notez que le manga est toujours en cours de publication au Japon, donc on va en avoir pour un petit moment.
Corentin : C’est bien noté. Merci Thomas, et à bientôt !
Thomas : A bientôt !
« La Cantine de minuit » : des histoires à nourrir debout
« La Cantine de minuit » raconte les péripéties d’un petit boui-boui nocturne en plein Tokyo. Ça peut paraitre ennuyeux dit comme ça, mais l’établissement est l’écrin parfait pour accueillir les petites histoires du quotidien. Notre amateur de manga et de gastronomie Thomas Hajudkovicz nous en parle !
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