Benjamin : Bon ! Les impétrants du Bac Philo ! Vous connaissez la formule : Quand tu regardes l’abîme, l’abîme te regarde en retour. C’est l’ami Friedrisch qui disait ça. Quel homme !
Corentin : Ouhla Benjamin, tu vas pas t’en tirer sans expliquer ce que ça veut dire.
B : Eh ben j’en sais rien. Comme ça vous pourrez passer le reste de votre journée tranquille.
C : (Perplexe) D’accord...
B : Attend. On va parler d’abysse quand même. Et d’un manga qui parle de ce que le moustachu voulait dire. Une sorte de « qui s’y frotte s’y pique » un peu sophistiqué, tu vois. Et là je vous dégaine la même formule qu’à chaque fois avec une chronique manga - on va parler de ruptures de ton et de dissonance cognitive. ALORS. Accrochez-vous. Mettez vos bottes. Abreuvez votre cheval, c’est parti... pour Made In Abyss.
[EXTRAIT ANIME 1]
B : J’ai besoin de poser un peu le décor. C’est un peu plus important que d’habitude, ici on lorgne vers un univers imaginaire de fantasy. Nous sommes à Orse, dans une cité sans âge, vaguement proche de nous mais technologiquement c’est sans électricité, par exemple. Et au centre de cette cité, un gigantesque trou. Sans fond repertorié. Des caverniers sont formés dès le plus jeune âge pour l’explorer et rapporter des artéfacts dont la valeur monte si on les trouve au plus profond, et ils font vivre la cité comme ça. Et là on rejoint un lieu commun de fiction que j’adore. La fuite en avant... vers le bas.
C : Ah, je vois, un peu comme les Fourmis de Werber, les jeux SteamDig ou les jeux flash qu’il imitait. Tu creuses, tu rapportes des matériaux de plus en plus précieux, mais plus tu t’enfonces et plus les enjeux et les risques sont grands.
B : Ce genre d’ambiance est fantastique. Spéciale dédicace au jeu Paper Mario 2 et à son puits au 100 étages... qui avait une sacrée surprise à son fond. Mais oui, Made In Abyss, c’est ça. Un trou gigantesque, avec sept niveaux repertoriés. Chacun ont leur biodome et sont le foyer d’une faune et d’une flore de plus en plus mortelle. C’est pour ça que les caverniers gamins ont un sifflet rouge autour du coup. Si leur niveau augmente, on leur donne un sifflet bleu, puis mauve, puis noir. Les cinq sifflets blancs repertoriés sont tous des légendes qui ne remontront jamais.
[EXTRAIT EVA]
C : Bah pourquoi ? Ils sont peut-être à dix kilomètres sous terre, mais avec un peu de corde et d’huile de coude...?
B : Et là vient un élément crucial du scénario. L’abysse est maudite. Le problème, ce n’est pas descendre, c’est remonter. Plus tu remontes de loin, plus la malédiction est forte : étourdissements et nausées au niveau 1, hallucinations et grosso modo perte de sang par tous les orifices possibles au 4 et au 5, perte d’humanité probable au 5 et 6 et après c’est une morte certaine donc à partir d’un certain stade c’est sans retour.
C : Ça c’est l’univers, mais le scénario, finalement ?
B : Riko, douze ans à tout péter, une sifflet rouge un peu écervelée, reçoit un message de Lisa, sa maman, une sifflet blanc présumée morte au fond de l’abysse. Je vous épargne les détails, mais elle va y foncer bille en tête et sans trop réfléchir ou se préparer. Elle sera tout de même accompagnée de Reg, un gosse-robot bien utile pour se défendre des grosses bêtes. Tel un Pokémon, il peut lancer un gros laser mortel de temps en temps... mais il sera endormi quelques heures après. Made In Abyss, c’est l’histoire de deux petits êtres qui foncent vers le bas dans une mission-suicide. Et rien que là, on a déjà le potentiel d’une méga saga de littérature en 20 tomes.
C’est Akihito Tsukushi qui fait ce manga-là. Aujourd’hui je vous parle de cette version mais si j’ai attisé votre curiosité, une excellente première saison en anime est disponible chez Wakanim. Je parlais de dissonance cognitive car Made In Abyss est un gros piêge. Une plante carnivore. Son dessin est tout rond, ultra crayonné, détaillé et charmant. Ses personnages infantiles, insouciants, pérpétuellement ramenés à leurs état de gosses. C’est très bizarre d’ailleurs, il y a beaucoup de touche-pipi et de nudité infantile, bon... le Japon a d’autres standards par rapport à ça. Donc ça Colchique dans les près de l’Abysse péperlito le gland à l’air.
[EXTRAIT TINY TIM]
B : ET SOUDAINEMENT.
C : Soudainement ?
B : Je vous dis pas quand, mais à un moment ça change de genre de manière bien BIEN sévère. La réalité ratrappe les personnages, ils sont confrontés à une faune sauvage de plus en plus imposante et BAM. Un accident majeur va remettre les pendules à l’heure. Les personnages de Made In Abyss souffrent beaucoup. Ils subissent, ils pleurent, ils ont mal. Ils sont tout cassés. C’est une thématique prédominante avec l’excellent manga l’Ère des Cristaux que je vous conseille d’amour ardent, d’ailleurs. Made In Abyss est un manga piêgeux, mais développer ce serait spoiler. Toujours est-il qu’encore une fois, on va parler de la fin de l’innocence.
C : Toi qui est un aficionado de ce thème, parle-nous en.
B : Joli manga, plus grand que la moyenne pour respecter son format original. Je suis pas fan du lettrage fait par Ototo et disons que... par exemple le graphisme et la direction artistique ne sont pas leur point fort ou juste pas encore à leur portée.
C : Bon, retour au contenu alors.
B : Ouais donc ce manga est fascinant parce qu’il pose un univers, le codifie et l’exploite bien. C’est tout ce qu’il devrait faire. Le duo va rencontrer des personnages, qui ont aussi une histoire souvent tragique, et puis ils vont vous retourner la tête une ou deux fois - et je m’arrête là parce qu’il y a vraiment matière à spoiler. Donc si vous dépassez ce coté touche-pipi très bizarre, c’est un univers qui sort des sentiers battus. Recommandation du chef.
C : Made In Abyss, c’est un manga en cours de publication chez Ototo. Et la version animée est disponible sur Wakanim.
B : Yéyé. À la prochaine.
C : Bon, Benjamin, jamais tu nous parles d’un truc sympa avec des enfants qui, genre, restent en vie ou en un seul morceau ?
B : Hey tu connais Bonne Nuit Punpun ?
C : J’ai rien dit.
« Made in Abyss » : l’innocence au fond du trou
Ils sont à la mode, ces mangas et animes qui jouent avec vos attentes. Les personnages sont mignons et l’ambiance est détendue ? Méfiez-vous, le drame absolu pourrait être au coin de la page suivante. Nouveau cas pratique avec « Made in Abyss », manga dont va nous parler Benjamin Benoit.
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