Corentin : Ca fait quelques années qu’on se connaît maintenant, Thomas, et je sais que si tu ne devais garder qu’un manga dans ta bibliothèque, ça serait celui dont tu vas nous parler dans la chronique qui vient. J’ai pas raison ?
Thomas : Mais enfin Corentin, je ne vais pourtant pas parler de Tokyo Mew Mew aujourd’hui…
Corentin : Que ?
Thomas : Non, cette fois, on parle de Yotsuba&, du mangaka Kiyohiko Azuma, plus communément appelé Yotsuba, et qui en plus d’être certainement mon manga préféré est, tout simplement, le meilleur manga du monde. Et donc j’en parle aujourd’hui parce qu’à l’heure où nous enregistrons cette chronique, le volume 14 vient de sortir en français, chez Kurokawa.
Corentin : Bon, commençons par le plus simple : ça parle de quoi, Yotsuba ?
Thomas : On suit le quotidien relativement banal de Yotsuba Koiwai, petite fille de 5 ans très enthousiaste aux cheveux verts, qui au début de la série déménage dans une ville avec son père. Jusqu’ici, tous les deux vivaient chez les parents de ce dernier, à la campagne. Yotsuba va donc découvrir la vie citadine, le plus souvent seule, avec son père ou en compagnie de ses voisines, les Ayase.
Si le titre officiel du manga est Yotsuba&, c’est parce que chaque chapitre évoque une nouvelle découverte pour la petite fille : Yotsuba et la mer, Yotsuba et le réchauffement climatique, Yotsuba et Halloween… Et chacune de ces découverte est l’objet d’une historiette qui peut se transformer en aventure extrêmement réjouissante en dépit de sa banalité.
Enfin, la chronologie de la série est importante, puisque chaque chapitre se déroule sur une portion de journée. Leur succession linéaire permet la construction d’un récit au jour le jour, où l’on retrouvera des éléments ayant eu lieu quelques chapitres précédents. Et si le manga a débuté en 2003, l’auteur l’a bien précisé : l’action se déroule toujours au temps présent. Cela explique la présence d’iPhone ou de 3DS dans cet univers.
Corentin : Ben tiens, puisque tu parles de l’auteur, est-ce que tu peux nous dire quelques mots sur Kiyohiko Azuma ? Yotsuba n’est pas son premier manga, il me semble…
Thomas : Tu as raison. Avant Yotsuba, il est l’auteur d’un autre manga best seller, Azumanga Daioh. Ce manga est une série de yonkoma, ces histoires - le plus souvent humoristiques - en quatre cases. Et, comme dans Yotsuba, on suit le quotidien de différents personnages, ici des lycéennes tout au long de leur cursus dans le secondaire. Si le manga est initialement passé assez inaperçu en France, il a gagné en notoriété grâce à son adaptation animée :
[01 - azumanga daioh.mp3]
Déjà à l’époque, Azuma a un trait relativement simple mais très expressif. Avec le temps - on le voit au fil des chapitres de Yotsuba - il s’est arrondi et adouci. D’ailleurs, l’auteur a passé une partie des dernières années à redessiner intégralement Azumanga Daioh avec ce nouveau style parce que, eh, pourquoi pas.
Parmi les autres caractéristiques de son dessin, on notera qu’il utilise assez peu les trames…
Corentin : Si vous voulez savoir ce que sont les trames, je vous invite à écouter la chronique sur Beastars, disponible dans le brunch…
Thomas : Abonnez-vous… Donc une utilisation assez modeste des trames en faveur de hachures à la main, lui permettant de mieux contrôler la texture et le relief qu’il donne à son dessin.
Enfin, dernier point notable : si le design des personnages peut sembler simpliste au premier regard, c’est peut-être aussi parce qu’il est contrasté par des décors terriblement détaillés, ancrant le récit dans une réalité tangible.
Corentin : OK, je comprends les enjeux esthétiques du manga, mais pourquoi est-ce qu’il te plaît autant, alors que ça fait quand même plus de deux ans que l’on attendait ce quatorzième volume ?
Thomas : Alors, oui, ça fait quelques années qu’Azuma prend bien son temps pour sortir ses chapitres. C’est pourquoi à présent, la sortie d’un nouveau volume est un peu un événement pour moi. Je sais que je ne vais pas avoir de nouveau Yotsuba avant plusieurs années, donc j’en profite pleinement.
Et donc il y a de nombreuses raisons pour lesquelles je continue à lire ce manga qui sort désormais avec la régularité rythmique d’un morceau de free jazz. Tout d’abord il y a évidemment le personnage de Yotsuba et tout ce qu’elle représente. A 5 ans, elle est suffisamment grande pour pouvoir échanger avec les adultes, mais encore relativement naïve, n’ayant pas atteint ce que certains appellent l’âge de raison.
Corentin : Aux alentours de 7 ou 8 ans, je crois.
Thomas : C’est bien ça. On voit le monde qui se dévoile à elle à travers ses yeux. Donc le plus souvent, tout est merveilleux, car neuf. Mais il peut aussi être parfois effrayant. Yotsuba va s’enthousiasmer pour des colliers de perles en plastique cheap, tout comme elle va être terrifiée par un groupe d’adolescentes déguisées en extra-terrestres.
Cet état d’esprit de constante découverte positive est résumé par ce qui est devenu au fil du temps le slogan du manga : “enjoy everything”. Le monde est un endroit suffisamment anxiogène et cynique comme ça pour que n’ayons pas à en rajouter. Alors au contraire, profitons de tous les petits moments de joie que l’on peut.
En outre, Yotsuba est un personnage plein de surprises, comme les enfants de son âge en fait. Si elle est prompte à faire des bêtises hilarantes - comme repeindre volontairement et sans consultation de son père une table en bleu - elle frôle aussi parfois le génie, pouvant citer le nom d’une multitude d’espèces de grenouilles exotiques parce qu’elles sont jolies, ou capable d’effectuer des positions de yoga particulièrement difficiles.
Yotsuba fait partie de ces mangas à mettre entre toutes les mains. Chacune et chacun y trouvera son compte, pour des raisons différentes. Lire Yotsuba, c’est la garantie de rire de bon coeur, d’être parfois touché par certaines situations, et de faire “awwwwww” devant l’innocence de la gamine. Bref, c’est un manga parfait pour les personnes qui affirment qu’elles n’aiment pas le manga.
Corentin : Bon, on l’aura compris, tu recommandes plus que chaudement Yotsuba. Pour rappel, le 14e volume du manga de Kiyohiko Azuma est disponible chez Kurokawa, pour 7€65. A bientôt Thomas !
Thomas : A bientôt !
« Yotsuba » : le manga bon enfant
C’est d’une institution du manga dont vient nous parler Thomas Hajdukowicz. « Yotsuba » raconte l’histoire d’une enfant de 5 ans qui découvre toutes les petites choses de la vie avec son père. Un récit attendrissant dont le 14e tome, qui vient de sortir, est à mettre entre toutes les mains.
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