C : C’était le grand favori des Golden Globes, où il a raflé 4 statuettes : meilleur film dramatique, meilleure actrice dans un film dramatique pour le premier rôle pour Frances McDormand, meilleur acteur dans un second rôle pour Sam Rockwell et meilleur scénario. Aujourd’hui, Morgane Giuliani vient nous parler de 3 Billboards : les Panneaux de la Vengeance, réalisé par Martin McDonagh, dans les salles françaises le 17 janvier. Bonjour Morgane !
M : Bonjour Corentin ! Et je peux te dire que ces prix étaient mérités. 3 Billboards est l’un des premiers coups de poings sur grand écran de ce début d’année. Le scénario, original, a été écrit par Martin Donagh, le réalisateur du film, donc, connu pour l’excellente comédie policière Bons Baisers de Bruges. L’histoire s’intéresse à Mildred Hayes, une quinquagénaire divorcée, dont la fille a été violée puis assassinée et brûlée 7 mois plus tôt. Désespérée que l’on trouve le ou les coupable.s, cette femme au caractère très fort décide de louer 3 panneaux publicitaires à l’entrée de la ville, et d’y faire placarder le message : “Violée et assassinée. Toujours pas d’arrestations ? Comment c’est possible, chef Willoughby ?” Son but est simple : provoquer le chef de la police locale, dont elle n’a pas de nouvelles.
[EXTRAIT BA 1 - conversation avec Willoughby]
C : L’initiative a l’effet escompté, puisque le chef de la police, Willoughby, rend visite à Mildred Hayes. Mais dans la ville, la pose de ces panneaux fait polémique.
M : Exactement. Ils sont vus comme irrespectueux, car le chef Willoughby est très apprécié de ses concitoyens. Il s’avère, effectivement, que c’est un mec “bien” : un bon père de famille, un bon patron qui traite bien ses équipes, et qui sait faire la part des choses. Il comprend le désarroi de Mildred Hayes et même s’il est un peu choqué par les panneaux, il ne lui en veut pas. Il est incarné à merveille par Woody Harrelson, l’un des acteurs les plus en vogue du moment grâce à la trilogie The Hunger Games et la série policière True Detective. Les rôles de flic au grand coeur commencent à lui coller à la peau.
C : Frances McDonagh, qui incarne Mildred Hayes, est époustouflante en mère-courage.
M : Le terme paraît usé, parce que vu et revu aussi bien au cinéma qu’à la télévision, mais cette mère-courage là n’est vraiment pas comme les autres. Mildred Hayes est portée par l’énergie du désespoir. Elle remballe, insulte et frappe quiconque se met en travers de son chemin, très souvent avec humour, et c’est tout simplement jouissif pour le spectateur. Frances McDonagh est incroyable de charisme, alors même que son personnage exprime peu d’émotions.
[EXTRAIT 2 - journaliste]
C : On vient de l’entendre, ce qui fait de Mildred Hayes un grand personnage de cinéma, c’est sa verve.
M : Elle se moque royalement de ce que les autres peuvent penser d’elle. Dans un monologue hilarant, elle fustige le pasteur de la ville, venu lui dire que la communauté est choquée par la présence des panneaux. Dans une autre scène, elle frappe à l’entrejambe des adolescents ayant jeté une cannette sur sa voiture. Sans parler du moment où elle enfonce une fraise tournante dans le pouce de son dentiste, lui aussi opposé à ses panneaux.
C : C’est même toute une panoplie de personnages fins et réalistes que le film propose.
M : Si Mildred Hayes est le pilier de 3 Billboards, les personnages secondaires n’ont pas été bâclés pour autant. Le plus impressionnant étant Jason Dixon, joué par Sam Rockwell. Relativement bête et réputé raciste, ce policier compile les gaffes, protégé par sa direction. Alcoolique notoire, il est souvent l’objet de railleries car il vit encore chez sa mère et lit des BDs à son poste au lieu de travailler. Mais au fur et à mesure de l’intrigue, il évolue dans une direction intéressante et inattendue, laissant croire qu’il y a du bon en chacun, pour peu qu’on arrive à lui faire ouvrir les yeux.
[EXTRAIT 3 - nana à l’oeil de traviole]
C : 3 Billboards offre aussi une plongée dans l’Amérique rurale et conservatrice.
M : L’intrigue policière n’occupe finalement pas une place si importante. C’est avant tout un film sur la misère sociale, et les tensions économiques et raciales qui rongent les États-Unis. Mildred Hayes vend le truck de son ex-mari, récupéré lors de leur divorce, pour payer le premier mois de location des panneaux, et travaille dans une petite boutique de souvenirs sans prétention, en bordure d’un chemin de fer. Son ex-époux est violent et en couple avec une jeune femme de 19 ans, aussi belle que crédule. Les habitants d’Enning se retrouvent autour d’une bière ou d’un billard pour passer le temps. Le centre-ville, avec des immeubles bas se faisant face de part et d’autre d’une route à 2 voies poussiéreuse, donne l’impression d’être dans un western. 3 Billboards montre bien le dénuement d’un monde rural à la marge, oublié, où l’alcool et la violence sont souvent des refuges pour tromper la pauvreté et le manque de perspective.
C : Une vraie fresque sociale, donc. Mais est-ce qu’on n’en ressort pas un peu usé ?
M : Pas du tout. On aurait pu s’attendre à un film lourd, plein de pathos, comme c’est souvent le cas des thrillers traitant de meurtres ou viols d’enfants et adolescents, mais il n’en est rien. 3 Billboards prend le spectateur à sa merci en alternant comique de situation, dialogues au vitriol et scènes aussi belles que violentes. Le scénario est une mise en pratique de la théorie du papillon, qui veut que le moindre petit acte peut avoir des conséquences énormes. En mettant en place ces panneaux, Mildred Hayes provoque un bouleversement dans la petite ville de Ebbing, perdue dans le Missouri profond, et personne n’est épargné. Le film s’intéresse avant tout à ces répercussions, et à la place de l’empathie face à des situations exceptionnelles qui dépassent facilement tout un chacun.
C : À l’heure d’enregistrer cette chronique, les nominations aux Oscars n’ont pas encore été révélées, mais on retrouvera certainement 3 Billboards dans les catégories les plus prestigieuses. 3 Billboards : les Panneaux de la Vengeance, est au cinéma à partir du 17 janvier. Merci Morgane Giuliani et à bientôt !
M : Merci et à bientôt !
«3 Billboards » : le combat puissant d’une mère face au meurtre de sa fille
Voilà un film qui a reçu quatre Golden Globes et qui est pressenti pour être une des sensations des prochains Oscars. « 3 Billboards » narre l’histoire d’une mère de famille qui réclame justice après le meurtre brutal de sa fille. Morgane Giuliani l’a vu et nous dit ce qu’elle en a pensé.
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