C : Le monde court à sa perte ! Les réseaux sociaux provoquent destruction et désolation ! Votre cousine poste des photos de ses gosses sur Facebook tous les jours et ils naissent sans même avoir de vie privée ! Catastophe Benjamin ! On parle déjà de la nouvelle saison de Black Mirror ?
B : Pas encore, mais aujourd’hui je vais vous parler d’un petit avant-goût dans les grandes salles. Aujourd’hui c’est une chronique sur un film hybride, très très américain, qui parle de pop-culture, de pop tout court, de futur pourri mais déjà présent ! C’est un drôle d’objet, c’est Assassination Nation, et il a gagné le prix du jury du dernier festival des Utopiales de Nantes.
BANDE ANNONCE 1
B : D’ailleurs, aucun rapport avec Assassination Classroom, qui est un chouette manga shonen.
Alors les campagne de pub commencent sur Youtube, et vous les allez probablement très bientôt en voir sur l’espace urbain. Et vous allez constater que ce film mise avant tout sur ce qu’il projette, avant son contenu. Et c’est dommage parce que c’est pas le meilleur du cinéma américain qui est convoqué : notamment The Purge, ou American Nightmare. Moi, je parlerai plus de Sofia Coppola, de Black Mirror ou de Pretty Little Liars.
C : Donc Assassination Nation parle d’une amérique qui détraque.
B : Amérique où elle a connu une distribution super confidentielle depuis son passage au festival de Sundance d’ailleurs. Ce film nous transporte à Salem, Oregon. Un peu plus bas que Seattle, mais en moins sophistiqué - puisque la ville va connaître un tournant très Black Mirroresque, où la technologie va rendre tout le monde dingue. On suit la vie d’une poignée de lycéennes plus superficielles les unes que les autres. Et soudainement, les hashtag #SalemLeaks commencent. Toutes les données du maire sont rendues publiques sur Internet.
Corentin, comment tu réagirais si tout tes messages, mails, photos, voir contenu de ton ordinateur ou historique de navigation serait public ?
C : Je serai pas bien.
B : C’est sûr, comme environ TOUT LE MONDE HEIN. Et le maire de Salem, très conservateur, a son image torpillée par ses frasques sexuelles. Il y a un drame, et c’est au tour du proviseur du lycée où vont les personnages. Il y a d’autres drames, et à ce stade c’est la moitié de la ville qui a toute sa vie privée déballée et consultable par tout le monde. Il n’en faut pas plus pour arriver en guerre civile généralisée. Une guerre civile très « cinéma américain des années 2010 » : avec du patriotisme ironique, des masques, des fusils à pompe et moult objet contondants. Le film commence par une liste de « trigger warnings », qu’on pourrait traduire par sujets sensibles : elle se termine par « égos fragiles d’hommes ». C’est assez marrant et ça joue avec ce que fait Gaspar Noé.
C : Je constate un paradoxe, parce que tu parles d’un film violent mais second degré à la fois. Et c’est un diagramme de Venn qui marche très peu.
B : Je le redis encore une fois : Assassination Nation est gore et opressant, je pense qu’on va lui coller une interdiction aux moins de 16 ans pour sa violence. Et je pense qu’il se démarque de toutes ces productions automatique et neuneu comme The Purge ou tout ces films d’horreur un peu débiles comme Action ou Vérité. J’ai du mal à croire que je viens de référencer ce film dans une chronique. Assassination Nation. C’est un peu plus que ce genre là, aussi dans son propros, sommes toutes simple. Il y a une gageure technique dans ce film. Quelques plans-séquence, de belles prouesses qui étonnent et racontent à la fois, une ambiance opressante bien rendue et crédible.
BANDE ANNONCE 2
Il n’y a que la toute toute toute fin qui fait un peu punchline et sentencieuse… et mal traduite, d’ailleurs, c’est dommage. Mais le générique défile sur une fanfare - c’est le genre d’objet qui radiographie bien cette amérique très pop-culturelle, celle des ploucs et des cheerleaders. Moi je l’aime bien. Je vous recommande l’albume Treats des Sleighs Bells, c’est exactement le même esprit. Préparez-vos oreilles, ça décoiffe.
INFINITY GUITARS
C : Un jour, quelqu’un va se plaindre Benjamin. Tu aura un désabonnement sur la conscience.
B : Moi j’y peux rien, tout l’album est volontairement mixé comme ça. Mais c’est le résultat d’une esthétique, celle de l’amérique classy et trashouille à la fois.
Bref retour au film, qui parle d’empowerement aussi. Il y a les deux plus beaux coups de pelle et de batte de l’histoire récente du cinéma. Bonk. Derrière le cynisme et le nihilisme, on y trouve de vrais trucs. Des émotions vives, l’horreur, et un très bon montage, c’est toujours appréciable.
C : Alors est-ce que Assassination Nation est recommandé par les Croissants ?
B : Oui vraiment ! C’est un petit bonbon très sanglant et très ludique. Si vous n’avez pas peur de ces démarches qui esthétisent la violence ou la vacuité, si vous avez aimé The Bling Ring de Sophia Coppola… ou si vous avez aimé Spring Breakers… mais là je crois qu’on est bien au dessus. Assassination Nation, c’est vraiment sympa, c’est péchu et impertinent. Je vous le recommande volontier. Je vous préviens, la critique américaine n’en est pas folle, c’est un délire un peu personnel… mais je vous propose de lui donner sa chance, c’est une bonne expérience de cinéma.
Ah et tu sais quoi ? Il y a le meilleur carton de production de tous les temps au début du film.
C : Ah bah ça c’est une sacrée bonne raison d’y aller dis donc.
« Assassination Nation » : violence gra-tweet
Que feriez-vous si toutes vos activités en ligne étaient consultables par n’importe qui ? Ça vous rendrait dingue, non ? Parce que c’est justement ce qui arrive à tous les protagonistes d’« Assassination Nation », film dans lequel la vie privée de tous les habitants d’une ville est ainsi mise à nu. Compte rendu avec Benjamin Benoit.
0:00
5:46
Vous êtes sur une page de podcast. En cas de difficulté pour écouter ce document sonore, vous pouvez consulter sa retranscription rapide ci-dessous.