Cinéma, musique, Time’s Up, Super Bowl : comment Justin Timberlake a planté sa rentrée 2018

Corentin : Justin Timberlake avait mis le paquet pour qu’on ne voie que lui en ce début d’année 2018 : un film avec Woody Allen, Wonder Wheel, en salles depuis le 31 janvier, un nouvel album, Man Of The Woods, sorti le 2 février et il a même assuré le concert très regardé de la mi-temps du Super Bowl le 4 février. Mais la popstar américaine ne s’est pris que des retours de bâton. Morgane Giuliani va nous décrypter tout ça aujourd’hui, bonjour Morgane !
Morgne : Bonjour Corentin ! Tout a commencé avec Wonder Wheel, le nouveau film de Woody Allen, dans lequel Justin Timberlake joue un sauveteur de Coney Island faisant chavirer le coeur de Kate Winslet, dans les années 50. À Hollywood, les contrats peuvent être signés longtemps à l’avance, et Justin Timberlake n’avait certainement pas anticipé ce qui s’est passé dans les mois précédant la sortie du film, à savoir l’affaire Harvey Weinstein.
[EXTRAIT 1]
C : Fin octobre, le New Yorker et le New York Times publient deux énormes enquêtes sur le producteur le plus puissant d’Hollywood, Harvey Weinstein.
M : Des dizaines de femmes, dont des actrices, l’accusent de les avoir violées, agressées, harcelées ou menacées. Parmi elles, Salma Hayek, Léa Seydoux ou Uma Thurman. Ces révélations ont eu un effet domino : d’autres actrices ont parlé, Harvey Weinstein a démissionné, et une enquête est en cours. Un débat mondial sur les violences faites aux femmes en a découlé, via le hashtag #metoo. À Hollywood, de nombreuses stars se sont alliées pour créer Time’s Up, un fond pour soutenir les victimes de harcèlement sexuel.
C : [Demander quel est le rapport avec Justin]
M : Les Golden Globes ont eu lieu le 7 janvier. Si les stars voulaient montrer leur soutien à Time’s Up, elles devaient porter une tenue noire. Justin Timberlake a joué le jeu, et arborait même un pin’s du nom du mouvement.
C : [Noter que ça parait bien, demander où est le problème]
M : Le problème, c’est qu’il est à l’affiche du dernier Woody Allen, accusé par l’une de ses filles, Dylan Farrow, de l’avoir attouchée sexuellement quand elle était avait 7 ans.
C : Justin Timberlake a donc essayé de jouer sur 2 tableaux.
M : Comble du malaise : il a posté un selfie de lui et son épouse, Jessica Biel, avec la légende : “Ma femme est canon ce soir #timesup”. Sa démarche semble, au mieux, maladroite, au pis, hypocrite, voire, opportuniste. On dirait qu’il n’a pas conscience du bouleversement qu’Hollywood est en train de connaître. Il s’est attiré les foudres de plusieurs célébrités, dont Dylan Farrow, et Rose McGowan, l’une des victimes présumées de Harvey Weinstein.
C : En terme d’images, c’est en effet très négatif. [demander si du côté musical,ça ne se passait pas mieux] ?
M : Eh non. Le 7 février est sorti son 5e album studio, Man of The Woods, descendu aussi bien par Pitchfork que le New York Times. Ça devait être un hommage à ses racines - il a grandi dans le Tennessee, dans le Sud des États-Unis. Sauf que ce disque n’est qu’un ramassis de touches pauvres d’harmonica, de banjo, de guitare acoustique. Les morceaux sont creux, souvent bâclés, et les paroles, sans intérêt, comme le single « Say Something ». Le morceau est sauvé par l’extraordinaire clip live, réalisé par la Blogothèque, maison de production française :
[EXTRAIT 2] (baisser le volume à 4 secondes)
C : La popstar s’était pourtant entourée des mêmes alliés que d’habitude : les producteurs Max Martin, Timbaland, et The Neptunes.
M : Et c’est peut-être ça le problème. Justin Timberlake essaie d’être moderne et n’y arrive pas, lui qui a longtemps été un avant-gardiste. Son précédent album est sorti il y a 5 ans et entre-temps, le hip-hop alternatif a pris des galons avec des gens très doués comme Kendrick Lamar, A$AP Rocky ou Childish Gambino. Le morceau « Supplies » cristallise très bien ce malaise. On dirait un papa essayant d’imiter ce qu’écoute son ado :
[EXTRAIT 3] (baisser le volume à 6 secondes)
C : Mais Justin Timberlake a quand même pu défendre cet album lors de la mi-temps du Super Bowl, la grande finale de la ligue de football américaine, qui a eu lieu le 4 février. [remarquer que c’est quand même bien !]
M : C’est même énorme puisque l’événement est regardé par environ 110 millions de téléspectateurs. Mais avant-même le jour-J, deux polémiques lui sont tombées dessus. Souvenez-vous : en 2004, Janet Jackson se produit à la mi-temps du Super Bowl, justement, et elle invite Justin Timberlake en duo. Sauf qu’il lui arrache un bout de son corset, et dévoile un de ses tétons. L’Amérique est scandalisée. Ça devient le “Nipplegate”, qui a coûté sa carrière à Janet Jackson. 2 ans plus tard, chez Oprah Winfrey, elle regrette que Justin n’ait pas pris ses responsabilités. Le public est de son côté :
[EXTRAIT 4]
C : Résultat, le 4 février 2018 [jour du Superbowl], le hashtag #JanetJacksonAppreciationDay a été dans les top tendances de Twitter.
M : Les fans de Janet Jackson ont voulu célébrer son talent et voulaient surtout dénoncer que Timberlake aie, 14 ans plus tard, son propre Super Bowl. Une partie du public a même estimé qu’il aurait dû inviter Janet Jackson, pour lui renvoyer la balle. Mais ça ne s’est pas produit.
C : [Rappeler qu’elle parlait de deux polémique]
M : Elle concerne cette fois Prince, décédé en 2016. Le Super Bowl avait lieu dans sa ville, Minneapolis. On savait que Timberlake allait lui rendre un hommage. Mais Prince détestait les duos posthumes, et il a toujours méprisé Timberlake. Il y avait une vraie animosité entre eux. Lors du Super Bowl, Justin Timberlake a quand même repris « I Would Die 4 U », un tube de Prince sorti en 1984. Il n’y a pas eu d’hologramme, mais des images de Prince en train de chanter. C’était donc une sorte de duo posthume, et ça a vraiment enragé ses fans.
[EXTRAIT 5] (baisser à 6 secondes)
C : [quid de sa prestation ?]
M : Ce n’était pas mirobolant. Quand on fait le Super Bowl, on est censé mettre le paquet au niveau de la mise en scène, et là c’était très plan-plan. Il y avait une fanfare, ce qui n’a rien de révolutionnaire. À titre d’exemple, en 2017, Lady Gaga était arrivée par les airs, suspendue à des câbles. Bref, entre le Super Bowl, Man of the Woods et Wonder Wheel, Justin Timberlake s’est planté sur tous les plans. Pourquoi ? Parce qu’il est à côté de la plaque et se repose sur ses lauriers. Wake up Justin !
C : Merci pour cette analyse Morgane ! Qu’on aie aimé ou pas Man of the Woods ou Wonder Wheel, Justin Timberlake se produira en tout cas à l’AccorHotel Arena de Paris le 22 juin prochain. À très vite !