Corentin : Rédaction des Croissants bonjour ?
Benjamin : Bonjour ! Je suis un auditeur ou une auditrice des Croissants ! Je trouve que vous envoyez trop Benjamin Benoit voir des films qu’il n’aime pas. Vite ! Faites quelque chose !
C : Ok pas de problèmes ! Je vous laisse, je dois l’appeler ! A bientôt, et merci de votre retour ! Bon ! Allo Benjamin !
B : Oui Corentin ! Bah ça tombe très que tu m’appelles là ! Je fais la queue pour Captain Marvel ! J’ai pas aimé dix des douze Marvels précédents, je suis sûr que cette fois ça va la bonne ! J’en suis sûr !
C : Vite va dans la salle d’à côté ! T’as pas le choix !
B : Ok ! En avant Guiguamps !
[NARRATION : DEUX HEURES PLUS TARD]
B : Oh la la tout est horrible le monde est pourri la civilisation s’écroule le capitalisme est une illusion Dieu est mort et Noël est une fête païenne.
C : Oh non ! J’aurais pas dû te faire changer de salle, alors ?
B : Je me suis retrouvé devant Exfiltrés, d’Emmanuel Hamon. Alors c’est bien, pour être précis c’est honorable, donc dans mon vocabulaire c’est 13 sur 20 quoi. Mais c’est pas ce film qui va rendre une chronique plus, comment dire. Enthousiaste ? Enthousiaste. On écoute un morceau de bande-annonce pour voir de quoi il en retourne.
[EXFILTRES 1]
Alors Exfiltrés est un film avec un casting de gueules sérieuses, déjà vues dans d’autres films assez sombre. Swann Arlaud que vous avez vu dans Petit Paysan et Grâce à Dieu, Finnegan Oldfield que vous avez peut-être vu dans Nocturama, excellent film mais sombrissime. Mais aussi Charles Berling qu’on ne présente plus et Jiska Kalvanda, présente dans Divines. Je vous raconte le scénario.
Exfiltrés se présente d’office comme une « histoire vraie ». Sylvain, c’est Arlaud, accompagne sa copine Faustine, incarnée par Kalvanda, à l’aéroport. Elle va atterrir en Turquie, rejoindre une copine pour faire de l’humanitaire, on ne sait pas trop, c’est un peu vague, c’est pour aider des gens. Sylvain la laisse partir un peu à contre coeur, et en traînant dans l’aéroport il tombe sur la copine qui était sensée être là-bas. Faustine, récemment convertie à l’Islam, va passe la frontière vers la Syrie, se retrouver enfermée à Rakka et se rendre compte qu’elle est désormais dans la mouise, quelle surprise mes aïeux.
C : S’engage une opération d’exfiltration racontée comme le faisait Ben Affleck avec Argo.
B : C’est à la fois très proche et pas du tout la même chose, c’est bizarre. Coïncidence stupéfiante, Sylvain est infirmier pour un chirurgien dont le fils bosse dans une ONG sur la frontière turco-syrienne. C’est Gabriel, et tout ce beau monde va faire son possible pour tenter une opération d’exfiltration de bric et de broques, au nez à et la barbe d’une DGSE pas du tout aidante. Donc oui, il y a un quelque chose d’Argo, mais…
C : … en beaucoup plus d’actualité, et surtout avec un prisme français.
B : Voilà, c’est ça. Le cinéma français a toujours du mal à parler de son histoire immédiate. C’est une prise de risque. Ozon l’a fait avec Grace A Dieu, avant même que le volet judiciaire du sujet soit clot, mais c’est François Ozon, c’est un cador. Rien que le geste est louable, et le traitement du film va graduellement se diluer sur deux fronts. La femme et son fils, qui se rendent compte qu’ils sont dans la gueule du loup et qui vont progressivement tenter de s’en tirer, mais aussi à Paris, où ça essaie de coordonner des cellules d’activistes et de rebelles pour tenter de monter quelque chose. Je ne l’ai toujours pas dit, mais Rakka, c’est le nombril de l’Etat Islamique où être une femme c’est déjà être morte vivante.
C : Mais tu disais pas que Gabriel était dans une ONG Syrienne ?
B : En fait il va faire un aller-retour et matérialiser un pont entre les deux intrigues. Il va tenter de faire passer un réfugié syrien à la frontière française, je vous dit pas s’il y arrive, mais ça fait un lien entre les deux factions, entre guillemets. C’est une petite respiration dans un scénario un peu trop présenté comme une fiction sérielle, comme Homeland quoi, mais où raccroche toujours le spectateur avec des petits points de réel qui te rappellent de quoi en parle.
[BANDE ANNONCE 2]
B : Par exemple, Gabriel est obsédé par les vidéos filmées à l’arrache de conflits armés, ça sera très important pour la suite. Et le réalisateur à l’élégance de ne pas tout montrer : pourquoi Faustine s’est-elle soudainement radicalisée ? Qu’est-ce qui attendent ceux qui rentrent en France, quelle genre de tape sur les doigts c’est ?
C : D’aucuns pourraient parler de « puissance évocatrice ».
B : C’est ça. Exfiltrés est un film qui raconte, qui pose, et qui ne répond pas à ce à quoi il ne peut pas répondre. Avec un peu de retard, il constate, il retranscrit une forme de réel et il le fait avec les formes. Surtout à une époque où on commence à concrètement se poser des questions sur ceux qui reviennent de Syrie. Les deux dernières scènes… sont pas les plus romantiques que j’ai pu voir cette année, mais elles résument bien l’ensemble : froides et sans concessions.
C : Est-ce qu’Exfiltrés est recommandé par Les Croissants ?
B : Oui bien sûr ! Ce n’est pas du tout un film familial du samedi matin et pas la fresque ambitieuse de terrorisme et de contreterrorisme que le cinéma français n’a pas encore, mais c’est suffisamment carré, avec son édifiante palette de personnages, son efficacité dans la structure et la manière de dérouler un récit… j’appelle ça un bon film de concours de journalisme. Parce que dans certains d’entre eux, on te demande de voir un film et de raconter ce qu’il s’est passé par écrit sous le prisme d’un personnage. Ca oblige de choisir un film particulièrement clair et fluide. C’est le cas d’Exfiltrés. L’écueil potentiel du film c’était le scénario, il est bon, bien joué, franchement.
C : Merci Benjamin pour cette critique, et à la prochaine !
« Exfiltrés » : retour de force
Ce n’est pas « Argo », mais on s’en approche un peu sur la thématique du sauvetage en milieu hostile. Avec « Exfiltrés », Emmanuel Hamon nous raconte l’organisation d’une mission risquée pour porter secours à une femme et son fils, partis et coincés en Syrie. Benjamin Benoit nous parle de ce film froid, mais très efficace.
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