Corentin : Est-on en train d’assister à la naissance d’un nouveau duo acteur/réalisateur inséparable ? Peut-être bien. Le 17 octobre sort First Man, le nouveau film de Damien Chazelle. C’est à cet Américain d’origine française que l’on doit la comédie musicale La La Land, énorme carton de 2016, où jouent Ryan Gosling et Emma Stone. Les deux hommes collaborent à nouveau dans un tout autre registre. First Man raconte la préparation de Neil Armstrong pour son voyage sur la Lune. Il est le premier homme à y avoir posé le pied, le 20 juillet 1969. Morgane Giuliani l’a vu pour nous, bonjour Morgane !
Morgane : Bonjour Corentin ! First Man suit la carrière, et la vie familiale de Neil Armstrong quelques temps avant qu’il soit admis au programme de la NASA préparant cette expédition sur la Lune, jusqu’à l’aboutissement du voyage. Ryan Gosling est fascinant en pilote méticuleux, obstiné, accro au travail, taiseux, dont la fascination pour la Lune est sans limite. Cette fascination n’est d’ailleurs pas expliquée d’emblée, ce qui est une bonne chose. On ne tombe pas dans l’écueil du film 100% patriotique, et c’est tant mieux. Ça aurait été redondant et peu moderne. Damien Chazelle a préféré parsemer des éléments de réponse tout au long du film, qui est aussi un jeu de piste pour tenter de comprendre la psychologie compliquée de Neil Armstrong. Un homme qui a aussi dû faire face à un drame personnel : la perte de sa fille d’une tumeur au cerveau, à peine âgée de 2 ans, en 1962, soit 7 ans avant son arrivée sur la Lune.
EXTRAIT 1
M : Des blockbusters sur l’espace, on en a soupé ces dernières années : Gravity, thriller angoissant qui a valu un Oscar du meilleur réalisateur à Alfonso Cuarón ; Interstellar, où l’espace se mêle de questions philosophiques et métaphysiques sur l’environnement, la famille et le temps qui passe. Il y a aussi eu Seul Sur Mars, où Matt Damon est un astronaute… seul sur Mars. Littéralement. Sans oublier, plus récemment, le merveilleux Premier Contact, avec Amy Adams, incarnant une linguiste qui tente d’entrer en communication avec des extra-terrestres posés sur Terre. Life avec Ryan Reynolds et Jake Gyllenhaal, n’a quant à lui pas eu le succès escompté en 2017. L’espace est l’une des obsessions tenaces du 7e art et c’est normal, puisqu’elle tient à notre place dans l’Univers, notre rapport au fini et donc, à notre propre mortalité. En mêlant l’intime et le politique, qui dépassent tous deux Neil Armstrong, First Man apporte un nouveau point de vue.
C : En quoi le film parvient à tirer son épingle du jeu ?
M : Même si c’est un registre nouveau pour Chazelle qui a auparavant surtout filmé la scène jazz, il y a une certaine cohérence dans ce choix d’histoire. En portant à l’écran cette partie incroyable de la vie de Neil Armstrong, le réalisateur appuie sa fascination pour les légendes vivantes. Là où les personnages principaux de Whiplash et La La Land travaillent d’arrache-pied pour être connus et reconnus dans leur milieu artistique, Neil Armstrong, tel que présenté, n’en a rien à faire d’être une légende, il est imperméable aux compliments, à l’admiration. Lorsqu’un journaliste lui demande ce qu’il a ressenti en apprenant qu’il était sélectionné pour aller sur la Lune, il répond : “J’étais content”, sans même sourire.
EXTRAIT 2
M : Même si on connaît le résultat, on se surprend à presque l’oublier, et on est happé par le suspense du film, où la tension grimpe en flèche, aussi bien vis-à-vis de la NASA car de nombreux pilotes meurent dans des entraînements, que vis-à-vis des médias et du grand public, qui critiquent qu’autant d’argent soit dépensé dans cette mission. La vie privée de Neil Armstrong est aussi un terrain miné. Sa femme, jouée par la merveilleuse Claire Foy, se sent de plus en plus abandonnée, alors que le couple est basé sur une alchimie évidente. Les scènes de vol sont incroyablement intenses, et c’est aussi là que First Man se distingue.
C : Visuellement, le film se détache de l’hyper-modernité des longs-métrages sur l’espace sortis ces dix dernières années.
M : Chazelle fait le pari du gros plan extrêmement serré, et d’une image au grain fort, ce qui donne un filtre vintage et texturé à l’image, une manière de vraiment nous plonger dans les années 60. On n’est pas dans l’hyper-modernité visuelle, donc, avec des scènes tournées sur fond vert et agrémentées d’effets spéciaux. On est dans du concret, du physique, du palpable, des décors, très bien conçus, filmés de plain pied et dans un silence assourdissant, pour nous donner l’illusion d’y être. À plusieurs reprises, d’ailleurs, l’image prend le point de vue de Neil Armstrong, et on devient lui. Quand il subit un entraînement très dur de résistance en étant attaché à un siège puis secoué dans tous les sens, une caméra fixe montre son visage devenir de plus en plus rouge, avec le décor qui bouge à une vitesse phénoménale. Mieux vaut avoir le coeur bien accroché.
C : D’accord, mais c’est un film sur l’espace quand même, on s’attend à en prendre plein les yeux !
M : Et c’est le cas, mais d’une manière différente. L’espace est peu représenté dans son immensité. On le voit surtout à travers le hublot des navettes. C’est impressionnant parce que c’est suggéré, et qu’on se place à échelle d’homme. Là aussi, c’est un nouveau point de vue, et un pari réussi pour Damien Chazelle, un choix qui lui ressemble : rester toujours au plus près des personnages, avec des caméras très mobiles. La musique joue un rôle essentiel dans la mise en scène des sorties dans l’espace : elle accompagne les moments dangereux avec des montées stridentes, très stressantes, sûrement, aussi, pour simuler la pression phénoménale de l’air sur les oreilles.
EXTRAIT 3
C : Si je te comprends bien, on court voir First Man ?
M : Si vous êtes fan de film sur l’espace : courrez-y, vous serez surpris. Si vous aimez Ryan Gosling : courrez-y car la stature du rôle, sa prestation fine où une forte sensibilité se cache sous des couches de retenue, lui vaudra sûrement une nomination aux Oscars. Si vous avez aimé le travail de Damien Chazelle avec La La Land, vous devriez aimer son approche humaine de l’espace. Et si vous avez envie de voir la grande histoire mêlée à la petite, préparez-vous à être touché en plein coeur.
C : First Man est en salles le 17 octobre. Merci beaucoup Morgane et à très vite !
« First Man » : l’envolée palpitante de Ryan Gosling et Damien Chazelle
Après avoir allègrement abordé le sujet du jazz, Damien Chazelle s’attaque à la conquête spatiale ! Morgane Giuliani de « Marieclaire.fr » est allée voir « First Man » avec Ryan Gosling dans le rôle de Niel Armstrong et nous dit si ce film est un bond de géant dans l’histoire du cinéma.
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