La Favorite et les drôles de dames de Lanthimos (97 - 07/02/19)
Corentin : Chronique ciné de février, chronique qui se rapproche… des Oscars ! La saison des récompenses est là, et ça tombe bien puisqu’on va parler d’un nommé pour le Best Picture de 2018 qui n’a strictement aucune chance. Mais on aime le ton pince-sans-rire de son réalisateur. C’est La Favorite, et j’appelle Benjamin Benoit. Notre journaliste, pas la Favorite.
Benjamin : J’ai toujours rêvé de rien glander en me poundrant le nez. Je crois que je survivrais une demi-journée sans Internet mais passons. Oui, bientôt les Oscars, et cette liste de shortlistés est toujours intéressante à décortiquer, et qu’on se le schtroumpfe : si Bohemian Rhapsody remporte la timbale, tu liras mes prochaines chroniques tout seul Corentin. Dans la shortlist ultime, il y a des archétypes très faciles à classer. Parmi eux, le film indépendant produit par Fox Searchlight Pictures. Et cette année, c’est La Favorite, du réalisateur Grec Yorgos Lanthinos. Bande annooooooonce !
[BANDE-ANNONCE]
B : C’est le nouveau film de Yorgos Lanthimos. Après Canine en 2009, The Lobster en 2015 il est disponible sur Netflix, et Mise à Mort du Cerf Sacré fin 2017. Des films particulièrement loufoques, très cérébraux, qui ont toujours un sens de l’humour noir et du romantisme. Je parle du courant littéraire, celui qui célèbre la mort de la raison. Mais là on se retrouve dans un carcan un peu plus facile à cerner, et plus facile à pitcher que ses précédents films. Là on rentre dans le film d’époque et costumes.
C : C’est marrant, j’ai déjà l’impression de retrouver Phantom Thread.
B : Tu vois, je t’avais dit qu’il y avait des archétypes. Et c’est marrant parce que les deux films sont très intenses, tournés autour d’une rivalité et il y a un plat empoisonné dans les deux. Et La Favorite aussi se passe au Royaume-Uni, mais à la Cour royale en plein 18è siècle. La Cour de la reine Anne, interprétée par Olivia Colman, et elle a de très sérieuses chances pour gagner l’Oscar de la meilleure actrice. Et justement, les deux autres rôle majeurs, Emma Stone et Rachel Weisz, sont toutes deux nommés dans celui du second rôle féminin. Il n’a pas que des femmes poudrées dans ce film, vous y retrouverez Nicholas Hoult. Mais si, vous savez, ce petit con de Tony dans Skins.
C : Tu nous racontes ce que c’est cette histoire ? C’est sans doute un peu plus que des intrigues de cour.
B : Non. Mais des intrigues SAPPHIQUES ! Donc la guerre fait rage avec les froggys et on se demande s’il faut signer un traité de paix ou envoyer d’autres soldats au casse-pipe. La reine Anne est au centre de ces décisions, mais comme vous le savez, la Reine d’Angleterre c’est comme un chat de compagnie, il est là et pense avoir de l’importance mais sans vous il serait incapable de manger. D’ailleurs, Anne est diminuée par la goutte, et est heureusement assistée par Favorite 1, c’est Rachel Weisz. Et elle est un peu plus qu’une femme de chambre. Quand soudaine apparaît Future Favorite 2, c’est Emma Stone. Son père l’a vendue en perdant aux cartes, elle se retrouve ici, se fait bizuter par les cuisinières et obtient vite les faveurs de la Reine. Et à partir de là s’installe une terrible rivalité. T’entends ? Terrible. Un catfight, comme on dit. C’est embêtant, avec tous les 17 lapins de la Reine Anne.
C : T’as pas l’air super enthousiaste sur le dosse.
B : J’aimerais aimer davantage ce film mais je le trouve un peu vain et précieux. Les scènes de nuit sont éclairées à la bougie et ça me faisait penser à Barry Lyndon. Le réal s’amuse beaucoup avec ses grands angles et ses caméras en fisheye, une manière improbable de filmer une esthétique assez moche et TORVE. Tout le monde est en contre-plongée, tout le monde est veule et cruel, tout le monde se veut du mal… je comprends l’idée mais fondamentalement, ce n’est pas très intéressant. Ok, c’est un concours de mauvaise foi et de mindgame mais ça suit un carcan que vous avez déjà vu à moult reprises, dans de moults genres. Ou alors c’est juste mon désamour des Liaisons Dangereuses qui parle. Parfois ça marche : la relation entre la Reine et Rachel Weisz est assez drôle : leur première interaction c’est la Reine qui se fait dire cash qu’elle est maquillée comme un blaireau.
[EXTRAIT GENERIQUE DE FIN ELTON JOHN]
B : Donc j’en tire un humour noir un peu jouissif qui fait mouche de temps à autres, du symbolisme rigolo et, de temps en temps, cet esprit loufoque qui aboutit à un véritable dispositif comique. Parfois, le film est drôle, mais il déploie un peu trop d’efforts pour l’être. La critique aime bien replacer les films de Lantinos dans un contexte historico-sociétal. Moi je crois qu’il voulait surtout se faire plaisir et faire un film de genre filmé comme Kubrick. J’en tire le rôle tragique de la reine et son interprétation. Et des métaphores bizarres, je suis sûr que vous avez toujours rêvé de voir un gros bonhomme nu à qui on jette des fruits pourris.
C : Alors, est-ce qu’on va voir la Favorite ? C’est mitigé cette histoire.
B : Mouais… ne vous sentez pas obligés, disons. Une reine cyclothomique, une favorite super autoritaire qui tire les ficelles de l’état et une jeune promise aux dents longues, beaucoup de roulés boulés dans l’herbe et la boue, des mâles fantoches et un triangle amoureux chelou, c’est une recette un peu pompeuse et qui laisse un peu trop de talc dans la gorge. J’ai envie de tousser Corentin ! C’est trop chargé cette histoire ! Si vous hésitez, je vous recommanderai peut-être The Lobster sur Netflix, il est plus clivant, vous vous ferez une idée.
C : Merci Benjamin ! On note que les films de costume c’est pas ton truc… ni Tony dans Skins.
B : Petit con !
« La Favorite » : beaucoup de poudre sur le nez et beaucoup de poudre aux yeux
Avec des films comme « The Lobster » ou « Mise à mort du cerf sacré », Yorgos Lanthimos est connu pour son cinéma loufoque et anticonformiste. En ce début d’année, il est de retour avec « La Favorite », film d’époque où les intrigues se jouent autour de la reine Anne et de ses servantes. Benjamin Benoit en est ressorti un peu déçu.
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