Corentin : Oui, les agressions sexuelles et les harcèlements peuvent aussi toucher les hommes. Asia Argento, figure de l’affaire Weinstein, est aujourd’hui accusée d’avoir agressée sexuellement l’acteur Jimmy Bennett. Cela remet-il en cause le mouvement #MeToo ? Bien sûr que non ! Et Angèle Chatelier nous dit pourquoi.
Angèle : 21 ans. C’est l’âge qu’avait Asia Argento lorsqu’elle aurait été violée par Harvey Weinstein. Figure important de l’affaire qui avait explosé en octobre 2017, là où des centaines de femmes accusent le producteur de viols et actes sexuels non consentis, l’actrice Asia Argento est aujourd’hui dans la tourmente. L’acteur Jimmy Bennett accuse à son tour l’actrice d’agression sexuelle. Les deux acteurs s’étaient rencontrés en 2004 lors du tournage du film Le Livre de Jérémie, réalisé par la comédienne. Jimmy Bennett n’avait alors que 7 ans (EXTRAIT 1)
Dix ans après, Asia Argento l’aurait donc violé. Le New York Times dévoilait aussi qu’à cette époque, Asia Argento a versé presque 400 000 euros au jeune homme.
C : Certains disent que c’était pour le faire taire
A : Sauf que dans les documents réunis par le New York Times, rien ne stipule que un silence obligatoire de l’acteur sur cette affaire. Pour justifier la donation d’une telle somme, l’actrice, elle, a déclaré vouloir l’aider par amitié face à ses difficultés financières, niant alors avoir eu toute relation sexuelle avec lui.
C : Pourtant, l’accusation de Jimmy Bennett est réelle
A : Effectivement. L’acteur accuse Asia Argento de l’avoir forcé à avoir une relation sexuelle avec lui alors qu’il n’avait que 17 ans. Aujourd’hui âgé de 22 ans, il déclarait au New York Times que ses souvenirs ont refait surface lorsqu’Asia Argento a été mise en avant lors de l’affaire Weinstein. Il a aussi déclaré sur son compte Instagram ne pas l’avoir dit plus tôt par honte.
C : Sauf que tout de suite, des détracteurs ont mis en cause la légitimité du mouvement #MeToo
A : Ce mouvement qui a libéré la parole des femmes sur les agressions sexuelles et harcèlement dont elles sont victimes au quotidien. Si Asia Argento, accusatrice, et elle aussi accusée, alors il faut douter de chacun des témoignages, dit-on. Notamment ceux proférés à l’encontre d’Harvey Weinstein, comme le déclarait son avocat. Le journaliste Franz-Olivier Giesbert a tweeté, lui : « on ne se méfie jamais assez des marchands de vertu, des donneurs et des donneuses de leçons. Ce sont les pires ennemis de leur cause ».
C : Alors dès l’annonce de l’affaire Asia Argento/Jimmy Bennett, de nombreuses représentantes du mouvement #MeToo ont fait part de leurs peurs
A : L’actrice Rose McGowan tout d’abord, qui a tweeté : « personne d’entre nous ne connaît la situation, et je suis sûre que d’autres choses vont être révélées. Soyez mesurés ».
La fondatrice du mouvement #MeToo, Tarana Burke, a rappelé quant à elle le 20 août dernier était pour tous y compris, je cite, pour ces jeunes hommes courageux.
C : Selon elle, la violence sexuelle concerne le pouvoir et les privilèges
A : Du moins, il est grand temps de penser qu’il faut voir les violences sexuelles comme quelque chose qui n’est pas genré - même si elles touchent principalement les femmes - et provient de notre société.
Au lieu de penser que les femmes se font agresser parce que femmes, il faut plutôt voir les violences sexuelles comme quelque chose qui provient de la domination elle-même. Qu’un homme, par exemple, soit ou se sente supérieur à une femme de part son travail ou sa réputation.
C : C’est là tout ce que dénonçait l’affaire Weinstein.
A : De nombreuses femmes ont accusé l’homme de viols et agressions sexuelles mais ce n’était pas toujours au sens où un viol peut être imaginé : nous parlons bien ici d’un rapport sexuel forcé de part la réputation du producteur et sa capacité à pouvoir détruire une carrière. Dans la vie, c’est la même chose : une femme harcelée sexuellement par son manager est dans une position difficile pour porter plainte. Perte de son travail, image des collègues…
Les agressions sexuelles touchent tout le monde sans exception car elles sont un symbole de pouvoir. Mais comme le rappelle le JDD, en France en 2017, sur 22 300 personnes mises en causes dans des crimes ou des délits de violences sexuelles ou harcèlement sexuels, plus de 20 000 étaient des hommes.
C : L’affaire Asia Argento/Jimmy Bennett ouvre donc une autre question
A : Celle que oui, les hommes aussi peuvent être victimes d’agressions sexuelles, cela n’a jamais été remis en cause. Et cela n’en est pas moins grave et c’est tout aussi abject. Mais c’est aussi et surtout un problème de femmes comme en témoigne ces chiffres. Avant d’être mise en cause, Asia Argento est elle-même une victime, ne faut-il pas l’oublier. Cela ne justifie pas son acte s’il est prouvé bien au contraire, mais le recul doit aussi être pris là-dessus.
Surtout, le mouvement #MeToo et les paroles des victimes - hommes ou femmes, dois-je le rappeler - ne doivent pas être remis en cause dans cette affaire. Car comme nous le disions, les violences sexuelles sont une affaire de pouvoir et de domination. Cela nous touche tous, nous, êtres humains.
Reste encore à noter que pour l’heure, Harvey Weinstein, accusé par des centaines de femmes, a été libéré sous caution, dans l’obligation de porter un bracelet électronique et de limiter ses déplacements aux États de New York et du Connecticut.
Asia Argento quant à elle a nié avoir eu une relation sexuelle avec Jimmy Bennett. Sauf que 24h plus tard, le mannequin Rain Dove, en couple avec l’actrice Rose McGowan a dévoilé des sms qui remettent en doute son innocence. Dedans, elle avoue avoir eu une relation sexuelle avec Jimmy Bennett, disant ne pas avoir su à ce moment là qu’il était mineur. Alors tout le monde s’interroge : pourquoi Asia Argento aurait pris un tel risque de se mettre en avant comme victime d’Harvey Weinstein ?
C : Affaire à suivre, donc, car c’est encore tout frais. Merci Angèle Chatelier d’avoir décrypté pour nous cette affaire et à très vite !
#MeToo à l’épreuve de l’affaire Asia Argento
Après les révélations du « New York Times », Asia Argento, une des figures de #MeToo, est soupçonnée d’avoir agressé sexuellement le jeune acteur Jimmy Bennett. Angèle Chatelier nous résume l’affaire et nous dit pourquoi cela ne contredit en rien ce mouvement féministe.
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