“Mon Ket” : François Damiens réussit son pari d’une comédie tournée en grande partie en caméra cachée
C : Aujourd’hui, c’est une expérience cinématographique pour le moins barrée que nous propose Morgane Giuliani.
M : Salut Corentin ! Aujourd’hui je viens vous parler de Mon Ket. C’est le premier film réalisé par François Damiens, acteur belge connu pour ses caméras cachées poussives et où le malaise est infini. Vous l’avez peut-être aussi vu dans la comédie culte Dikkenek, ou dans La Délicatesse, une comédie romantique assez mignonne, adaptée d’un best-seller de David Foenkinos.
C : Pour son premier long-métrage derrière la caméra, François Damiens à ses premières amours : la caméra cachée.
M : Mon Ket, qui veut dire “mon gamin” en argot belge s’articule d’une intrigue fictive. François Damiens incarne le personnage principal, David Versavel, un truand, s’échappe de prison, aidé par son frère, et retrouve son fils de 13 ans, Sullivan. Il enchaîne les situations plus absurdes les unes que les autres, dans l’espoir d’échapper à la police. Si le film comprend une poignée de vrais acteurs, la majorité des figurants sont en fait des anonymes. Ils ont été filmés en caméra cachée et ont par la suite donné leur autorisation pour que les images soient utilisées.
EXTRAIT 1
C : Si je comprends bien, Mon Ket, c’est à la fois de la fiction et de la réalité.
M : Exactement. Le film joue sur les 2 tableaux, et de manière plutôt maligne. La réalité est au service de la fiction, et inversement. C’est presque un travail intellectuel. D’ailleurs, le film a été tourné chronologiquement. C’était une volonté de François Damiens, pour choisir quelle interaction piégée lui avait le plus plu, et se baser sur elle pour écrire la suite. Du coup, ça a pris du temps : le tournage s’est déroulé sur un an et demi, en Belgique. En tout, 300 personnes ont été piégées, 25 ont été gardées à l’écran. Mais tout le monde a été payé, c’est en tout cas ce que jure François Damiens.
C : Comment on sait qui est en train d’être filmé en caméra cachée ?
M : Leur nom s’affiche au bas de l’écran au début de la séquence, tout simplement. Le problème, c’est qu’on a tendance à s’ennuyer pendant les quelques scènes où il n’y a que les “vrais” acteurs, car elles n’ont pas la même saveur. Celles avec des gens piégés retiennent plus l’attention parce qu’inconsciemment, on s’imagine à leur place. On se demande comment on aurait réagi si nous aussi, on s’était retrouvé dans une salle d’attente d’hôpital avec un homme en fuite, dont le visage est diffusé sur les écrans autour de nous. Est-ce que nous aussi, on serait intervenu face à un homme qui apprend à son gamin de 13 ans comment fumer pour avoir l’air cool.
EXTRAIT 2
C : L’un des points forts du concept de caméra cachée, c’est la possibilité de la surprise.
M : C’est ça qui rend le genre si addictif, pour ceux qui sont sensibles à cette forme d’humour. Dans Mon Ket, les gens n’ont pas toujours la réaction à laquelle on pourrait s’attendre. De manière générale, ils sont très patients et gentils face à l’individu vulgaire, odieux et dangereux interprété par François Damiens. Même les gardiens de prison ou son avocate ! Le décalage est parfois très drôle. C’est là qu’on constate aussi la capacité de l’acteur à improviser. S’ils sont trop gentils et patients, il en fait des tonnes pour essayer de les énerver. Mais il va quand même moins loin que dans ses caméras cachées cultes, où son personnage de François l’Embrouille n’avait aucune limite. Là, l’idée n’est pas de pousser les gens au bout mais d’essayer d’obtenir des réactions réalistes, qui s’articulent bien avec l’histoire.
C : Pour apprécier Mon Ket, il faut aimer l’humour qui repose sur le malaise.
M : Les gens dans la salle étaient souvent choqués, mais c’est ce qu’on vient chercher avec Mon Ket. La gêne atteint son paroxysme lorsque François Damiens invite un footballeur pour l’anniversaire de son faux fils, et lui demande je ne sais combien de fois de lui chanter “Happy birthday”.
M : La maison est décorée mais vide, sans invités, François Damiens a l’air franchement inquiétant, le gamin dit qu’il ne joue pas au foot, et son parrain est saoul sur la terrasse. Il y a même un moment de blanc très long, ce qui n’existe que très rarement au cinéma. On se sent vraiment mal pour ce jeune footballeur pris au piège, qui a l’air de se demander ce qu’il a bien pu faire au karma pour se retrouver dans cette situation.
EXTRAIT 3
C : D’un point de vue purement esthétique, c’est pas désagréable de regarder un film tourné en grosse partie en caméra cachée ?
M : Figure-toi que non. Les séquences en caméra cachée ont été tournées avec une qualité “cinéma”. Du coup, on s’y croit vraiment et globalement, le film a une certaine homogénéité esthétique.
C : Est-ce qu’on va voir Mon Ket ?
M : Si vous êtes fan de François Damiens, courrez-y. Vous retrouverez le maître de la caméra cachée dans un registre un peu différent, mais avec toujours la recherche du malaise en étendard. Si vous ne le connaissiez pas, laissez-vous surprendre. Mon Ket est très drôle, et contient quelques scènes qui ont le potentiel à devenir cultes. Même si l’intrigue est bien trop grosse pour paraître plausible, elle reste cohérente. Mais si vous n’êtes pas amateur de caméra cachée, et que l’humour basé sur la gêne vous donne des boutons, vous risquez de vraiment souffrir. Passez votre chemin.
C : Mon Ket est déjà en salles un peu partout en France. Merci Morgane Giuliani et à très vite !
« Mon Ket » : François Damiens signe une comédie réussie tournée en grande partie en caméra cachée
Le maître belge du canular, François Damiens, passe devant et derrière la caméra dans « Mon Ket ». Un étonnant long-métrage qui mêle fiction et caméra cachée, scénario et improvisation, vrais acteurs et anonymes…
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