C : Aaaaah... c’est ce genre de chronique. Elle est rare, mais elle arrive, Benjamin Benoit est content d’un truc. Qu’est-ce qui se passe Benjamin ?
B : Oui ! Bonjour à tous ! On va parler d’un évènement qui me tient particulièrement à coeur - puisque, malgré ses innombrables biais, c’est la célébration majeure du divertissement américain. Les Oscars ont fêté leur 90è édition dans la nuit du 4 au 5 mars et, truc de dingues, The Shape Of Water de Guillermo Del Toro a remporté la timbale du meilleur réalisateur et du meileur film. C’est une assez grosse surprise, et une grosse victoire pour l’imaginaire, la science-fiction, l’horreur et l’amour entre une femme muette et un homme-poisson... je rappelle que l’amour n’a pas de frontières. Je rappelle aussi que la critique du film par Morgane Giuliani est dans le Brunch.
C : Mais je t’arrête tout de suite. Il ne s’est pas passé quelque chose à Hollywood ? Quelque part vers mi 2017 ? Quelque chose qui aurait profondément rebattu les cartes, ou qui pourrait y contribuer ?
B : Ohlala Corentin mais quel art de la prétérition ! Tu sais induire des trucs sans les dire vraiment ! C’est formidable. Eh oui, tu fais référence à tout ce qui entoure Harvey Weinstein. Ce producteur surpuissant d’Hollywood s’est rêvélé être un agresseur sexuel notoire, ayant ruiné la vie d’innombrables actrices de l’industrie du cinéma américain. La parole s’est progressivement libérée sur ses agissements, et les mouvements #MeToo, #TimesUp et #BalanceTonPorc ont explosé. Ça a même fini part dépasser les limites de l’industrie cinématographique pour dénoncer les agissements des prédateurs partout dans la société. Moult acteurs ont été, depuis, accusés d’attouchements, d’agressions sexuelles et de comportement déplacés.
C : Ce qui apporte la question : cela a-t-il eu une influence sur la cérémonie ?
B : Oui et non, il faut contextualiser en deux temps. C’est sur la sélection et les nominations où il y a eu un impact radical, donc en amont de la cérémonie. C’est parti pour une petite liste ! Harvey Weinstein était nommé « le faiseur d’Oscars », autant dire que c’est fini. Chacune de ses productions a été copieusement ignorée. Par exemple, Wind River a beau être très très très bon, c’est une production Weinstein, Game Over. Pour aggraver le contexte malheureux, je précise aussi qu’il parle d’un meurtre dont l’origine est un deuxième crime : viol. Bon. Wonder Wheel, de Woody Allen, a été exclu. Woody Allen est coutumier des accusations d’agression. The Current War, aussi de Weinstein, est repoussé à 2018. Kevin Spacey aussi est hors-jeu, remplacé au pied levé dans Tout L’argent du Monde par Christopher Plummer, nommé mais pas lauréat. Dans une autre chronique que vous aurez déjà entendu ou que vous entendrez bientôt, je vous parlerai de The Disaster Artist. L’académie a retenu la meilleur adaptation, mais pour James Franco ? C’est niet. Dernier exemple : le lauréat du meilleur acteur remet le trophée de la meilleur actrice l’année d’après et vice-versa. Casey Affleck a renoncé, acculé par une pétition à son encontre.
C : Il y a donc eu un véritable impact lors des sélections. Et pendant la Cérémonie ?
B : Et ben on écoute.
[EXTRAIT OUVERTURE JIMMY KIMMEL]
Le discours d’ouverture de Jimmy Kimmel, présentateur-phare des talks-show américain, n’a pas oublié ce bouleversement. Il a enchaîné quelques vannes, entre piques et humour noir. Voici quelques morceaux choisis :
« L’Oscar est toujours la récompense la plus prestigieuse, même après toutes ces années. Oscar est aussi l’homme le plus respecté à Hollywood. Pour une raison simple : il garde ses mains là où on peut les voir, il ne dit jamais un mot déplacé et surtout, il n’a pas de pénis ». Le maître mot était humour noir et réalisme, donc. « Si Hollywood parvient à se débarrasser du harcèlement sexuel, "les femmes auront seulement à y faire face le reste du temps et dans tous les autres endroits où elles iront »
Ce n’est pas tout. Ashley Judd, Salma Hayek et Annabella Sciorra ont remis un Oscar ensemble. Pourquoi ce trio ? Car ces trois stars font partie des 80 qui ont libéré la parole sur Harvey Weinstein. Elles ont été les premières et n’ont pas hésité a directement écorcher le producteur et saluer, je cite, « le courage de celles et ceux qui ont bravé les préjugés sur leur genre, leur race et leur ethnie pour raconter leurs histoires. ». La cérémonie s’est poursuivie sur quelques piques subtiles. Pour remettre la statuette de la meilleure réalisation, l’actrice Emma Stone a fait référence au manque de parité de la sélection, en évoquant “quatre hommes et Greta Gerwig. Le public est devenu DINGUE d’enthousiasme !
C : Quelque chose à dire sur le reste des prix ?
B : Bien sûr, toujours. Le français Alexandre Desplat a gagné son deuxième oscar de la meilleure bande originale pour The Shape Of Water, quatre ans après avoir été récompensé dans la même catégorie pour The Grand Budapest Hotel. Jordan Peele a gagné le meilleur scénario original pour Get Out, thriller fameux qui prend le racisme comme angle d’attaque. Et Guillermo Del Toro a gagné le trophée du meilleur réalisateur, l’occasion de rappeler qu’avec Alfonson Cuaron et Alenjandro Innaritu, des immigrés d’origine mexicaine se partagent la timbale, si on exclut Damien Chazelle pour La La Land l’année dernière. Au moins, ils y a pas mal d’inclusivité dans les gagnants.
[EXTRAIT DESPLAT]
C : Allez, tu as droit à trente secondes de critique pour ce que tu veux.
B : Allez voir The Shape Of Water, mais je recommande d’autres films encore exploités : Phantom Thread, d’une intensité remarquable. Mais aussi 3 Billboards, une bonne grosse histoire d’abnégation, de vengeance et de rédemption portée par Frances McDormand, qui a gagné l’Oscar de la meilleure actrice.
C : Merci Benjamin. Hé ! Est-ce que The Emoji Movie a gagné un truc du coup !
B : MAIS OUI CORENTIN ! Il a gagné le Razzie Award du pire film. Le contre-Oscar, donc. Aaaaah…
On fait le debrief des Oscars 2018 : une cérémonie très engagée après l’affaire Weinstein
Après la bombe qu’a représentée l’affaire Weinstein à Hollywood et partout dans le monde, la cérémonie des Oscars 2018 était particulièrement attendue au tournant. On fait le point ce qu’il s’est passé avec Benjamin Benoit.
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