Corentin : Le film The Disaster Artist est sorti le 7 mars en France. Un film qui raconte l’histoire du tournage d’un autre long-métrage : The Room. Un improbable navet indépendant sorti en 2003. Son histoire est d’ailleurs bien plus intéressante que le film de James Franco car c’est une histoire qui se passe avant tout... sur Internet. Aujourd’hui, j’acceuille Benjamin Benoit qui connaît bien le dossier. Oh, hi Benjamin!
B : Oh hi Corentin! Salut à tous, aujourd’hui c’est avec grande joie que je vais vous raconter l’histoire derrière le film The Disaster Artist. Il est l’adaptation du bouquin The Disaster Artist écrit par Greg Sestero, et son prête-plume Tom Bissel, qui en a une très bonne, de plume, d’ailleurs. Sestero raconte son expérience de tournage du film The Room. Un film dirigé, produit, et avec pour rôle principal Tommy Wiseau. Il n’est pas exagéré de dire que ce film est le nanard le plus populaire d’internet, c’est une looooongue histoire dont voici le dernier épisode en date : Le 16 février 2018, au Grand Rex, nous sommes une salle comble, à mater The Room, à hurler comme des damnés pendant une heure trente de projection et à lancer des cuillères en plastique devant nous.
C : Comment en sommes-nous arrivés là ??
B : C’est une histoire qui se raconte dans le désordre. Tout commence... sur Internet.
EXTRAIT 1
Le film The Room sort à Los Angeles en 2003. Il devient lentement un cult classic, un peu comme le Rocky Picture Show. Un plaisir coupable, qui trouve un public ironique mais dévoué. Mais nous ne sommes pas tous Angelenos (c’est le gentilé de Los Angeles) et la grande majorité du public de ce film l’a découvert via des vidéos d’analyses sur Youtube, vers 2010. Des vidéastes américains populaires, dont Le Critique Nostalgique, ont fait exploser la popularité de The Room. Nous découvrons alors un film improbable, l’histoire tragique d’un triangle amoureux, où tout semble tourner autour de Johnny. Un mec parfait, affable, modèle américain qui sera bientôt trompé par son meilleur pote et sa fiancée.
C : Une micro critique de The Room, du coup ?
B : C’est un film incroyable. C’est mauvais, mais mauvais à un niveau artistique. C’est ce qui se rapproche le plus d’un film alien, ou d’une simulation de ce qu’un film serait par des aliens... ou par le Big Data, quelque chose du genre. Et ça tombe bien, Tommy Wiseau, sa tête pensante, et ce qui se rapproche le plus d’un alien. Il se veut digne héritier de James Dean, mais c’est surtout le pire acteur du monde, il a un physique de vampire, son accent européen est incompréhensible. A chaque plan, il y a des erreurs, des faux raccords, le point est fait une fois sur trois, les décors sont d’une pauvreté record et le script ne veut tout simplement rien dire, dans le fond et dans la forme. Ça en fait un film nul qualitativement mais très divertissant. C’est comme un vade mecum de tout ce qu’il ne faudrait pas faire au cinéma. Tommy Wiseau n’a AUCUN BON SENS.
EXTRAIT 2
C : Tu disais que Tommy Wiseau est au coeur de The Room.
B : Il est marrant de constater que même le pire des films est aussi un véritable travail d’auteur. Tommy Wiseau est quelqu’un d’à la fois beau, atypique, effrayant, complètement barré. Il cultive le secret sur son âge, ses origines, et la source de sa fortune sortie de nulle part. Il a auto financé The Room avec six millions de dollars de sa poche. Il a payé des cinémas pour le projeter deux semaines à sa sortie, et a fait... 1800 dollars de recettes.
C : Ah oui, c’est pas un très bon retour sur investissement.
B : Attend, ça s’améliore par la suite. Donc Tommy Wiseau claque des sommes improbables en achetant du matériel ultra sophistiqué, là où le reste du monde ne fait que le louer pour un tournage. Il tourne en même temps en numérique et en pellicule, sur deux caméras posées sur un plateau. Pourquoi ? Pour être le premier à le faire. Autant dire que seule la pellicule sera utilisée sur le montage final. The Room, ce n’est que des anecdotes comme ça. C’est que ça. Des Youtbeurs le font donc découvrir au reste du monde et la sauce prend à l’international.
C : Et en 2013 sort le livre The Disaster Artist.
B : A ce stade, le film est donc devenu un étrange succès ironique à rebours, et vit de ses projections spéciales et de vente de goodies. Mais Greg Sestero, deuxième acteur majeur du film, revient sur l’expérience du tournage. C’est un livre passionnant. Il alterne entre deux axes : le tournage de The Room, qui fourmille d’anecdotes croustillantes que je vous invite à découvrir par vous-même... et de l’histoire de la rencontre entre Tommy Wiseau et Greg Sestero. C’est une fenêtre ouverte sur le monde d’Hollywood, ses mécanismes, et le difficile rêve d’acteur. C’est aussi l’histoire d’une amitié, une amitié très bizarre. Qui nous fait comprendre un peu plus Tommy Wiseau, sa vision, son projet, et qui nous donnera une perspective supplémentaire sur sa psyché et son oeuvre. C’est un compagnon indispensable pour tout fan de The Room.
EXTRAIT 3
C : Et nous revoilàs en 2018. Le livre vient de sortir traduit en français, à temps pour le film.
B : Oui. Le film, il n’est pas fou, c’est la composante la moins intéressante de cette équation. Mais cette histoire très étrange s’est plutot bien terminée. Sestero et Wiseau font le tour du monde pour présenter cette bizarrerie. Wiseau, après un travail mental que j’imagine dantesque, a accepté le fait qu’il a fait un film iconiquement mauvais... même s’il n’admettra jamais que c’est involontaire.
Allez voir The Disaster Artist. OU BIEN, allez voir la vidéo du Nostalgia Critic sur Youtube, des sous-titres en français sont disponibles. Puis regardez The Room. Puis lisez le livre et enfin, regardez The Disaster Artist. Je vous promet que vous serez fan de cette histoire improbable. C’est quand même mille fois plus intéressant que The Emoji Movie. Et l’aventure continue, puisqu’aux USA va sortir Best F(r)iends, un film particulièrement lunaire en deux parties qui réunit les deux hommes. Tommy Wiseau y joue un croque-mort, ça semble un poil plus adapté. Par contre celui-là je doute qu’on le voit en France un jour, il a juste l’air chelou.
C : Hé bien c’est noté. The Disaster Artist, ça sort au cinéma le 6 mars, le livre est disponible aux éditions Carlotta... et The Room, vous saurez comment le trouver.
« The Room », le meilleur pire film de l’histoire d’Hollywood
Le public considère qu’il s’agit d’un des pires navets jamais tournés et pourtant, il lui voue un culte assez incroyable. On parle de « The Room », film iconique malgré lui qui a eu droit à sa genèse adaptée au grand écran. Ça s’appelle « The Disaster Artist » et Benjamin Benoît vient nous en toucher deux mots.
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