B : Bonjour tout le monde, et sans transition aucune, Corentin, sais-tu ce qu’est la cringe comedy ?
C : Alors il se trouve que oui ! Ton petit effet rhétorique est ruiné.
B : Tout va bien, j’avais tout prévu. Je vais vous expliquer ce petit pan de la scène comique, de plus en plus important et ayant une influence grandissante dans la culture populaire. La cringe comedy, c’est l’humour qui utilise le malaise social comme mécanisme. On pourrait citer les caméra cachées, par exemple. Moi, je peux pas les regarder parce que j’ai trop peur que les gens s’énervent. Mais les anglo-saxons font ça plutôt bien - ça a donné des trucs comme The Office, Larry et son nombril, Mr Bean, ou des trucs bien bien plus radicaux comme le Eric Andre Show.
C : Ah je connais bien Eric Andre. Mais effectivement, là on est dans un registre du quinzième degré. C’est de haut vol, et ça ne plaira pas à tout le monde.
B : Ce qui nous mène dans des formats plus typés scène, ou sketches. Le saviez-vous ? Les américains ont aussi leurs duo comiques. Nous on a Kad et Olivier, Omar et Fred, etc etc. Vous savez, que des duos où seul un des deux perce vraiment et c’est triste pour l’autre. La même chose existe outre atlantique : Bob Odenkirk et David Cross, dont le show est disponible sur Netflix. Ou Tim Heidecker et Eric Wareheim, qui produisait leur série pour Adult Swim. Et comme c’était sur Adult Swim, c’était aussi particulièrement aux fraises. On adore Tim et Eric.
UNE BELLE CHANSON TIM & ERIC
B : Mais aussi Key and Peele, ce qui nous amène enfin au sujet de la chro du jour. Il y a quelques-un de le sketches sur Youtube, n’hésitez pas à regarder ça. Dans ce duo, il y a Jordan Peele. Et ce même Jordan Peele a créé le büze fin 2017 en sortant Get Out. Un film d’horreur assez rigolo et ludique qui utilisait le racisme comme mécanisme principal. Très très vaguement comme Tom à la Ferme avec l’homophobie. Ca a valu un Oscar du meilleur scénario original à Jordan Peele.
C : Et c’est ce même Jordan Peele qui vient de sortir son deuxième film : Us. Comme « nous » en anglais.
BANDE ANNONCE
B : C’est l’histoire d’une famille nucléaire BCBG afro-américaine qui prend du bon temps sur la plage de Santa Monica. La gamine se perd dix minutes, erre dans une attraction et tombe sur son double. Adelaide Watson, c’est son nom, a super peur, et on fait un bond en avant dans le temps présent où c’est elle qui est devenue la mère de famille. Elle est interprétée par l’actrice Lupita Nyong’o. Avec son mari et ses deux enfants, ils s’installent sur un cottage en bord de mer, et tout va bien jusqu’à ce que…
C : Si vous avez vu la bande-annonce, c’est déjà un peu trop tard pour la surprise.
B : Des parfaits clones de la famille Watson, des jumeaux maléfiques, viennent chez eux les séquestrer et tout casser. Chaque membre va devoir affronter son double zinzin. Double qui a évidemment des traits de personnalité exagérés de la personne originale. Tout ça est appuyé par moult parallèles, vous l’aurez compris.
C : Toi t’as la tête de quelqu’un qui est embêté.
B : Oui parce que plagiat un peu là. Pas plagiat total mais Us me fait vraiment vraiment penser à un film bien connu de Michael Haneke. Une intrusion dans une famille comme dans Funny Games, un club de golf comme dans Funny Games, un bateau et un lac comme dans Funny Games, je crois que Jordan Peele aime vraiment beaucoup Funny Games. Mais là, il y a une évidente surcouche politique américaine. Parce que Us, c’est nous, mais c’est U S comme United States, les Etats-Unis. Et ce film d’invasion, un genre bien ancré et codifié au cinéma, parle de plein de choses. Je m’en veux d’être aussi évident dans la métaphore mais c’est littéralement le miroir de l’amérique ce film. Sur bien des aspects, notamment le logement.
C : Tiens, on en avait déjà parlé il y a quelques temps dans un autre registre, avec The Florida Project. C’est dans le brunch.
B : Beau film mais pas du tout la même limonade. Us est censé être un film d’horreur, avec ses pauses et ses désamorcages bien timés. Un peu trop, peut-être… car le dernier film d’horreur a vraiment faire peur, c’était l’excellent Hérédité, je vous le recommande. On voit très bien que Jordan Peele a plein d’idées, plein de choses à dire, il s’éparpille un petit peu. Et c’est dommage parce que c’est au moment précis où le film arrête l’hommage slash référence très appuyée à Haneke et consorts pour se perdre un peu dans ses explications. Encore une fois, Jordan Peele met les mains dans le cambouis : il installe le mystère, mystère métaphorique, puis il y répond métaphoriquement. C’est un film qui est très rigolo à décoder mais ça peut être un peu frustrant.
FREEZEPOP - DOPPELGANGER
B : Aussi c’est une sacrée perf d’acteur pour Lupita Nyong’o, qui doit littéralement gérer plusieurs couches de personnages. Tous les autres incarnent des personnages-fonction au service du scénario et de pas grand-chose d’autre. D’ailleurs, ce scénario, il rebondit un peu partout, de jour, de nuit, dans un grand loft, dans un autre loft, dans une cave mystérieuse… on traverse plusieurs sortes d’hommage et de genres. Il y a même un tout petit quelque chose de Lovecraft. Tout petit petit.
C : C’est l’heure du dudududududud de donner un avis ! Est-ce qu’Us est recommandé par les Croissants ?
B : Un tout petit peu déçu, un micropoil déçu, mais ça reste suffisamment édifiant pour que ça vaille le coup. Disons aussi que c’est une parole rare et subversive, qui mérite l’attention qu’elle a durement acquise. C’est moins arty et un peu plus foutraque que Get Out, si vous voulez comparer, mais on y passe un moment sympathique. Attention, c’est un peu gore, et vu que c’est un film d’horreur vous pouvez tomber sur une salle au public un peu dingue. Vous, vous écoutez les Croissants, je sais que vous êtes formidables et que vous serez sages. Allez (exagération façon SFDL) à plus.
A bientôt Benjamin ! … bon.
B : Arrive Bon on la fait cette chronique ? C’est un film d’horreur aujourd’hui. Et c’était qui ce mec ?
C : GAASSPPPPP
« Us » : double « je »
Avec « Us », le réalisateur Jordan Peele poursuit son analyse de la société américaine, via le spectre du cinéma d’horreur. Si le film n’a pas déplu à Benjamin Benoit, quelques emprunts marqués à d’autres œuvres ainsi que quelques confusions mitigent son opinion finale.
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