C – Aujourd’hui dans les locaux des Croissants, on retrouve un Geoffroy Husson de Frandroid qui va nous parler du dur métier de testeur. Ça va, ce n’est pas la croix et la bannière non plus, hein…
G – Non, certes, mais toujours est-il qu’il y a beaucoup de suspicion derrière tout ça. Est-ce que les marques paient les journalistes pour avoir de bonnes notes, est-ce qu’on est vraiment objectif, est-ce que les appareils sont donnés ou achetés par les rédactions. Bref, aujourd’hui on va faire un petit tour dans les coulisses des tests d’appareils high-tech. Et pour ça, on va prendre un smartphone que je connais bien, puisque c’est le mien : l’Essential Phone.
C – D’accord donc admettons, tu viens de le recevoir, tu en penses quoi ?
G – Bah je l’aime bien, c’est pour ça que je l’ai acheté d’ailleurs.
C – Mais c’est toujours le cas ?
G – Non, pas du tout. Pour ainsi dire, dans le cas des principales rédactions, celles avec qui les marques ont envie de travailler, rien n’est acheté. Généralement les constructeurs travaillent avec des agences de presse qui ont un stock d’appareils dédiés uniquement aux tests. L’idée c’est donc que les smartphones vont circuler de rédaction en rédaction. Avec, bien évidemment, l’envie pour chaque média d’être parmi les premiers à recevoir l’appareil de test, pour pouvoir sortir le test au plus vite.
C – Mais les smartphones ne sont jamais donnés ?
G – Si, ça arrive, mais c’est loin d’être la majorité des cas, surtout pour les smartphones. Généralement, si les constructeurs opèrent comme ça, c’est que ça coûte moins cher de les donner que de gérer les stocks. Honor par exemple a longtemps opéré comme ça, en donnant directement ses smartphones.
C – Ah mais c’est top ça ! Ça te fait un appareil gratuit.
G – Oui, et au bout de trois ans ça fait des armoires pleines d’appareils qu’on n’utilise pas, parce que dans les faits tout le monde a déjà un smartphone perso et passe son temps à jongler d’un smartphone de test à un autre. En fait il y a bien un intérêt pour les rédactions, surtout pour les meilleurs smartphones. Quand ils sont donnés, on peut les utiliser derrière pour s’en servir de référence pour comparer les performances à un autre smartphone. Là ça peut être utile. Sinon, c’est encombrant.
C – Bon donc revenons à l’Essential Phone. Donc tu viens de le recevoir, tu fais quoi pour avoir le test le plus objectif possible ?
G – Ah mais je ne suis pas objectif. Surtout quand je reçois un appareil. Parce que le premier contact, c’est le design. Le format, l’interface logicielle, le dos bombé, le lecteur d’empreintes digitales devant ou derrière, la coque en verre, la taille de l’écran, tout ça ce sont des points purement subjectifs. Moi par exemple, j’ai besoin d’avoir un smartphone compact, qui tient bien dans la main, parce que je n’aime pas utiliser l’appareil à deux mains. Mais pour beaucoup, plus l’écran est grand, mieux c’est. Pareil pour le lecteur d’empreintes. Je préfère qu’il soit derrière pour ne pas prendre de surface inutile sous l’affichage. Mais certains préfèrent un capteur en façade.
C – Oui, c’est vrai. Moi par exemple je préfère lorsqu’il est devant, c’est plus simple pour déverrouiller le smartphone rapidement lorsqu’il est posé.
G – Et oui ! Mais tout ça, ce sont des affaires de goût et donc de subjectivité. C’est impossible d’être objectif sur des aspects comme le design ou la prise en main. Un autre exemple, c’est la fameuse encoche dont on avait parlé dans une précédente chronique. Cette fameuse partie de l’affichage en haut de l’écran qui est coupée pour mettre en avant l’appareil photo ou le haut-parleur sur de plus en plus de smartphones.
C – Ah oui, c’est moche ça !
G – Moi je ne trouve pas. À mon avis, mais on peut ne pas être d’accord, ça permet justement d’avoir un affichage plus grand, avec des bordures plus fines. C’est juste un compromis.
Le tout, sur des points subjectifs comme ceux-là, c’est d’argumenter sa position. De dire pourquoi on trouve que tel aspect est un bon ou un mauvais point. Et expliquer qu’il y a aussi certains avantages ou inconvénients à une solution alternative. Bref, expliquer tout ça sans oublier de donner son point de vue à condition qu’il soit justifié, comme l’a fait par exemple le Youtubeur Guillaume Slash lors de sa prise en main du Honor 10.
[Insert Guillaume Slash]
C – Mais il n’a pas que de la subjectivité dans un test. Sinon ça serait une critique…
G – Non, bien évidemment qu’il y a des éléments objectifs. Pour évaluer la puissance d’un smartphone par exemple, ses performances dans les jeux 3D ou son autonomie, il y a des tests objectifs. Pour ça, les rédactions ont mis en place des bancs de tests. Souvent, pour les smartphones, il s’agit d’applications qui vont pousser les appareils dans leur retranchement avec un test identique pour chaque modèle. À la fin de la séquence, le smartphone va recevoir une note. Plus elle sera élevée, plus le smartphone sera performant.
C – Et c’est pareil pour les écrans, je suppose ?
G – Exactement. Pour l’affichage, il y a des critères objectifs pour mesurer le taux de contraste, la fidélité des couleurs ou la balance des blancs par exemple. On peut utiliser une sonde en la posant directement sur l’écran du smartphone et ça fonctionne tout seul. Après il y a aussi la question de la définition qui peut être plus ou moins grande pour avoir une image plus ou moins détaillée.
Le problème c’est que si on ne prend que la définition et non pas la résolution, c’est-à-dire le nombre de pixels par pouce, ça ne veut pas dire grand-chose.
C –Comment ça ?
G – Eh bien si tu as un écran de cinq pouces avec une définition 4K, autant te dire que ça ne sert à rien. Tu ne verras pas mieux les pixels qu’avec du Full HD, ou à peine. Pire, ça risque d’utiliser davantage de ressources et donc de faire baisser la batterie du téléphone. Bref, là aussi il y a les données pures, mais il faut aussi prendre d’autres critères en compte et notamment l’usage. Un peu comme pour la photo.
C –Bah en photo c’est simple, il suffit de voir quel smartphone propose les clichés les plus réalistes.
G – Eh non justement, ça ne suffit pas. Parce que ce n’est pas ce que les gens veulent. Le problème c’est que le réalisme, c’est souvent moche, terne. Ce n’est pas ce que veulent la majorité des utilisateurs. Quand ils prennent des photos avec un smartphone, il faut qu’elles soient belles. Que les contrastes soient prononcés, que la plage dynamique soit grande, que les couleurs soient vives. Bref, l’inverse d’une photo réaliste. C’est ce que reprochait Jérôme Keinborg de la chaîne YouTube Nowtech au Honor 7X, justement.
[Insert Nowtech]
Alors oui, il y a bien des critères objectifs à prendre en compte, notamment pour prendre des photos en basse lumière, mais pour la photo comme le reste, c’est une histoire de subjectivité. Et là encore, il ne sert à rien de demander à un test d’être objectif, ça serait une erreur pour le testeur comme pour les lecteurs. Il faut qu’il soit justifié.
C – Merci beaucoup Geoffroy pour toutes ces explications, bien subjectives, des coulisses d’un test de produit high-tech. À la prochaine !
High-tech : la subjectivité, un bien meilleur objectif que la neutralité
Quand il s’agit de tester le dernier smartphone, de nombreux médias spécialisés sont sur le coup. La méthodologie derrière cet exercice est pourtant plus complexe qu’elle en a l’air. Avec Geoffroy Husson de « FrAndroid », voyons comment s’y prennent les journalistes pour rendre leurs notes.
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