T : Le mois dernier, la plateforme Good old Games, qui vend des jeux PC, Mac et Linux en dématérialisés concédait licencier une part de ses effectifs et révisait même certaines de ses conditions commerciales. Est-ce le début de la fin pour la boutique en ligne du groupe polonais CD Projekt ? Patrick Hellio, qui fréquente assidûment ce paradis du rétro, nous en parle. Salut Patrick, alors que se passe-t-il chez GOG ?
P: Bonjour Thomas, et bien malheureusement, les nouvelles ne sont pas forcément très rassurantes. Le mois dernier, on apprenait que GOG serait en train de se séparer d’une douzaine d’employés, soit environ 10% de ses effectifs. Dans un article sur le site de référence Kotaku, le toujours très informé journaliste américain Jason Shreier explique s’être entretenu avec des employés, évoquant, je cite, « une période de restructuration lancée depuis novembre 2018 ». La société traverserait visiblement une période troublée, ne parvenant pas à tenir ses objectifs de croissance, et elle flirterait même avec le rouge. Situation tendue oblige, GOG annonce dans la foulée mettre fin à sa politique de prix équitable dès la fin de ce mois de mars.
T: Ça consistait en quoi sa politique de prix équitable ?
Elle a consisté jusqu’ici à aligner le prix de vente des jeux dans tous les pays avec, d’après GOG, des remises qui s’élèvent à environ 12% du prix de vente « payés de leur poche ». La remise peut ponctuellement monter à près de 40% quand par exemple un prix en dollars est vraiment plus compétitif qu’en euros. « Dans le passé, nous étions capables de couvrir financièrement cette différence de prix en piochant dans notre marge, tout en maintenant un mince profit » explique-t-on chez GOG. « Malheureusement, ce n’est plus le cas ». Allez, on brûle un cierge, mais on connait quand même plus serein comme situation, surtout à l’approche des 11 ans de la plate-forme lancée par le groupe CD Projekt, à qui l’on doit notamment les jeux The Witcher.
T: Tu parles de licenciements et de changement des conditions de vente. Comment s’expliquent ces turbulences chez GOG ?
P: Aujourd’hui, la situation du secteur et surtout la concurrence sont radicalement différentes de ce qu’elles était en été 2008, au moment où GOG a vu le jour. C’était alors une alternative originale et singulière à l’hégémonie du géant Steam. Et puis la plateforme avait cette particularité d’être spécialisée dans la distribution de jeux PC vintage rendus compatibles avec les machines modernes, PC ou Mac. La multiplication ces derniers mois de services de distribution dématérialisée sur PC a contribué à durcir la situation de GOG, pris en étaux dans cette bataille visant à fidéliser les joueurs à une plate-forme. Le géant Steam fait face à des concurrents agressifs comme Epic Games. L’éditeur de Fortnite joue la carte de conditions attractives pour séduire les développeurs auxquels il reverse 88% des ventes contre environ 70% pour Steam ou GOG.
T: Oui, d’ailleurs, si ça vous intéresse, Benjamin Benoit avait traité de cette offensive d’Epic Games sur Valve. C’est à retrouver dans le brunch.
P: Ah ça, c’est une sacré bagarre qui se tient en coulisse. Cette compétition se joue régulièrement aussi à coup de titres exclusifs voire de jeux offerts gratuitement, des secteurs où GOG était précurseur mais peut difficilement s’aligner aujourd’hui. Et là on ne parle que d’Epic Game Store, propulsé par le hit Fortnite, mais il ne faut pas oublier les ambitions de Discord, d’Origin chez EA ou de Uplay chez Ubisoft. De sacrés poids lourds qui cherchent à s’installer dans les habitudes des joueurs et un coin du bureau de leur PC. Difficile clairement pour GOG de faire le poids. Enfin, l’un des arguments majeurs de GOG a toujours été de proposer des jeux sans DRM, que l’on peut donc utiliser et télécharger à volonté après l’achat sans verrou en ligne. C’était presque un sacerdoce engagé à l’époque, mais il est possible que cela soit moins décisif aujourd’hui alors que les utilisateurs sont habitués à l’accès régulier au streaming par exemple. La possession d’un contenu n’a sans doute plus la même valeur aujourd’hui.
>video star wars dark forces: https://www.youtube.com/watch?v=ACtL1R2vztk
T: Toi, Patrick, tu utilises régulièrement GOG, pour accéder à des titres comme Star wars Dark Forces dont on vient d’entendre un extrait de la bande son un poil vintage. Pourquoi ?
P: La plate-forme de CD Projekt est réputée pour son suivi après-vente, sa capacité à rembourser un jeu en cas de non compatibilité ou encore une hotline assez réactive. Mais surtout, depuis 2008, le catalogue de jeux PC rétro rendus accessibles en quelques clics, s’est bien développé avec la volonté affichée de proposer l’équivalent d’éditions collector sous forme dématérialisée.
Les jeux d’autrefois y sont corrigés, parfois mis à jour au fil du temps. On trouve ainsi la production vintage de la majorité des éditeurs, d’Activision à Ubisoft en passant par LucasArts, Capcom ou Disney. Par exemple, la plateforme a sorti ces dernières semaines une version stable du Diablo original de 1996, dont le remaster a été produit en partenariat avec les équipes de Blizzard. GOG parvient alors à créer un petit événement digne d’un lancement de nouveauté.
>Diablo 1 extrait: https://www.youtube.com/watch?v=lHV7VnWvz_o
T: Ah bah, je te le confirme oui, on en a même parlé dans le journal des Croissants !
P: Bientôt Diablo au 20h de TF1 ! Plus sérieusement, on perçoit systématiquement par ailleurs chez GOG un soucis d’éditorialiser un maximum les contenus, les jeux étant très souvent accompagnés de documents scannés type manuels, d’une bande son, d’artworks... Assez rapidement, GOG a ajouté une offre importante en jeux indépendants à son catalogue. On y vient pour des jeux rétro mais on finit par y acheter d’autres jeux, au détour par exemple d’une promotion.
Depuis l’arrivée du client fait maison intitulé Galaxy en 2015, les mises à jour et lancement des jeux ont été simplifiés, de même que l’accès à la boutique. A l’instar de Steam, on profite régulièrement de campagnes promotionnelles sur GOG, qui permettent d’accéder à des jeux à des prix très compétitifs autour de thématiques, comme la semaine des jeux de vampires récemment.
T: Du coup, comment vois-tu l’avenir pour GOG ? Comment pourraient-ils rebondir ?
P: Je pense que GOG représente une proposition importante dans le paysage actuel du jeu vidéo, surtout quand on réalise tout le travail effectué autour de la conservation et la remasterisation de jeux cultes sur PC. Dans la bataille acharnée qui se livre aujourd’hui autour des plates-formes en ligne, la notion d’exclusivité est un passage obligé pour espérer faire venir toujours plus de joueurs. C’est par un ou plusieurs titres qu’on vient à une plate-forme sur laquelle on reste éventuellement si l’offre est assez riche et alimentée. Rappelons que c’est ce qu’a tenté CD Projekt, le groupe polonais derrière GOG, avec le sortie en exclusivité sur la plate-forme du jeu Gwent, inspiré de The Witcher l’an dernier.
On apprend, toujours via Kotaku, que ce lancement a été une déception. Les développeurs CD Projekt RED eux-mêmes ont pointé l’audience moindre de la plate-forme maison pour expliquer cette contre-performance. Quelques semaines après, le jeu était déployé également sur Steam pour sauver les meubles.
Un titre très attendu de l’ampleur de Cyberpunk 2077 aurait pu être un déclic mais le studio a déjà annoncé qu’il ne s’agira pas d’une exclusivité sur GOG. Dommage, cela aurait pu être un vrai temps fort et, il est vrai, un pari, pour soutenir la boutique. Car le travail de GOG est important. Il faut soutenir le soldat GOG !
T: Le message est passé en tout cas Patrick! Merci d’avoir fait le point avec nous sur les déboires de Good old Games et à très vite.
La plateforme GOG bientôt au fond du trou ?
En février 2019, le distributeur de jeux vidéo GOG annonçait le départ de 10 % de ses employés ainsi que des changements dans sa politique tarifaire. Des déclarations qui n’augurent généralement rien de bon. Patrick Hellio, avide utilisateur de ce service, fait le point sur la situation.
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