Lucie : Aujourd’hui Corentin, prépare tes ciseaux, ton pot de colle et ta perceuse : on va parler de … life hacks.
Corentin : Houla, ok, Lucie. Mais personne ne m’a prévenu que c’était arts plastiques aujourd’hui.
L : Déjà, un petit point traduction. Life hacks peut se traduire en “astuce de vie” en français. Ce sont des sortes d’astuces de grand-mère adaptées aux réseaux sociaux, généralement sous format vidéo. Elles impliquent souvent des objets du quotidien. On apprend par exemple à appliquer du vernis à ongles sans déborder, en s’enduisant les doigts de colle. Ou à gratter un beurre trop dur contre une rape à fromage, pour l’étaler plus facilement sur un morceau de pain.
C : Alors, merci pour cette deuxième astuce, je note, ça va me servir.
L : A l’origine, pourtant, les life hacks n’avaient rien à voir avec ce qu’ils sont aujourd’hui. On attribue la création et la popularisation de l’expression au journaliste américain Danny O’Brien, au début des années 2000. Ce dernier s’intéressait aux astuces des codeurs pour travailler de manière efficace. Il a appelé ça un “life hack”. Littéralement, une astuce qui facilite la vie. Par exemple, un “life hack” pouvait consister en le fait de s’envoyer un mail à soi-même, pour se rappeler d’une tâche à faire.
C : Rien à voir avec du beurre et une rape à fromage, donc.
L : Du tout ! Danny O’Brien a organisé une conférence à ce sujet en 2004. Le terme est resté et a petit à petit changé de nature. Depuis quelques années, le life hack s’est transformé en une astuce du quotidien. Plutôt que d’acheter un nouvel objet, on va se servir de ce qui se trouve dans sa maison pour le remplacer. Par exemple, les life hacks adorent les pistolets à colle. On en trouve dans beaucoup de ce genre de vidéos. C’est aussi le cas des perceuses, auxquelles on va coller toute sorte d’objet. Ou du coca, qui sert généralement à remplacer les produits ménagers. L’autre jour, quand je préparais cette chronique, j’ai appris qu’on pouvait nettoyer ses toilettes à l’aide de coca et d’une perceuse surmontée d’une éponge. Sur la vidéo, ça avait l’air très convaincant. Par contre, je vous avoue que je n’ai pas osé tester ça chez moi …
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C : Et d’un point de vue de l’audience, ça marche vraiment ce genre de vidéos ?
L : Oui ! Elles sont très populaires et se déclinent à toutes les sauces. On a des life hacks pour les jeunes parents, sur la beauté, la cuisine, le ménage, etc. On retrouve généralement ce genre de vidéos sur YouTube, Instagram ou Facebook. Elles sont produites par des amateurs ou des professionnels. Le site américain BuzzFeed a par exemple dédié une catégorie entière à ces vidéos de «DIY», «à faire soi-même» en français. Baptisée Nifty, elle est suivie par plus de 3,3 millions de personnes sur Instagram et cumule 65 millions de vues depuis le lancement de sa chaîne YouTube, en février. Le roi des life hacks en ligne est néanmoins «5-Minute Crafts», une plateforme gérée par l’entreprise chypriote TheSoul Publishing. Elle publie au moins deux vidéos par jour sur sa chaîne YouTube, qui est suivie par plus de 10 millions d’internautes.
Encore quelques chiffres pour vous convaincre de l’intérêt pour les life hacks : YouTube héberge 13 millions de vidéos comprenant les mots «life hacks». Sur Instagram, 1,2 million de publications comprennent les hashtags #lifehacks ou #lifehack.
C : Comment expliques-tu ce succès ?
L : Parce que les life hacks sont le produit parfait de l’Internet d’aujourd’hui ! Je m’explique. Les life hacks répondent en fait tous à la même recette. Ils identifient un besoin, et y répondent de manière concise et très codifiée. Par exemple : comment sécuriser ma maison pour mon bébé ? Comment bien nettoyer ma maison ? Comment réparer mes vêtements ? Une fois l’astuce créée, elle est reprise et adaptée par plein de chaînes différentes. Ce qui permet de faire des vidéos à l’infini, en déclinant les thèmes, l’audience et les objets utilisés. Peu importe l’originalité : le but est d’attirer un maximum d’audience. En outre, il s’agit de vidéos prévues pour le mobile et sans parole, donc qui peuvent être regardées dans le monde entier. Cliquez sur les meilleures astuces à base de Coca Cola ! Toutes ces choses que vous ignorez pour vous maquiller plus facilement ! Comment amuser vos enfants avec une perceuse … enfin, ça c’est sans doute pas une très bonne idée.
[SON PERCEUSE]
C : Je te ferai suivre les mails de parents en colère, Lucie, hein ?
L : Ah ! Non ! Après, il faut le dire, les life hacks s’en fichent un peu d’être utiles. Ils cherchent même souvent à être absurdes. L’idée de laver vos toilettes avec du coca et une perceuse vous amuse ? C’est normal, et c’est fait pour. Car si vous trouvez cette vidéo débile, il y a de fortes chances pour que vous cliquiez dessus, voire que vous le partagiez à vos amis, pour rigoler. En ce sens, les life hacks ont très bien compris comment fonctionnent les réseaux sociaux. Regarder une vidéo de ce genre, c’est souvent s’en voir proposer trois autres sur le fil d’actualité de Facebook ou d’Instagram, qui aiment nous proposer des contenus pour réagir et partager.
Bref, les life hacks ont très bien compris comme hacker Internet. Et ils n’ont même pas eu besoin d’un pistolet à colle.
C : Il ne manque plus qu’un life hacks pour trouver les meilleurs life hacks et la boucle serait bouclée ! Merci Lucie en tout cas, et à bientôt.
Life hacks : quand la recette de grand-mère se fait 2.0
Nettoyer sa cuvette des toilettes avec une perceuse, une éponge et du soda ? Apparemment, c’est possible et les vidéos qui décrivent ces méthodes peu orthodoxes semblent même avoir beaucoup de succès sur le web ! On décortique tout ça avec Lucie Ronfaut du « Figaro Tech ».
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