Montres, tablettes : voyage au cœur des eldorados épuisés de la tech

C - Aujourd’hui avec Geoffroy Husson de Frandroid, on va parler un petit peu de ce qui a pu se passer à l’IFA de Berlin. On a une tendance qui s’est dégagée cette année ?
G - Tout à fait Corentin. Pour rappel, l’IFA c’est le salon high-tech qui donne le la pour la rentrée, en attendant le CES de Las Vegas qui a lieu en janvier. Et cette année, ce sont les montres connectées qui ont fait leur grand retour.
C - Les montres connectées ? Mais attends, tu n’avais pas fait une chronique il y a un an pour expliquer qu’elles avaient disparu ?
G - Si, et apparemment je me suis trompé. C’est vrai que depuis deux ou trois ans, on n’en voyait plus sur les salons. Les constructeurs les présentaient en catimini, en dehors même de toute conférence, un peu comme une coque de smartphone ou des écouteurs. Mais cette fois on a eu droit à de vraies annonces, notamment grâce à Google qui a présenté la nouvelle version de son système Wear OS pour smartwatch.
C - Et ça arrive souvent qu’on assiste comme ça à un vrai revival de technologies ?
G - Non, c’est plutôt rare. Et surtout, je ne crois pas qu’il s’agisse d’un revival. Je pense surtout que c’est le chant du cygne avant la fin définitive des montres connectées dans le commerce. On a eu droit à la même tendance il y a quelques mois avec les tablettes connectées. Elles ont fait un retour fracassant avec la Surface Go de Microsoft, la Chromebook Tab 10 de Google ou l’iPad d’Apple. Sauf que ces tablettes ont tout de même du mal à se vendre.
C - Et pourquoi ça ?
G - Eh bien parce qu’une tablette ce n’est pas comme un smartphone. Un téléphone, c’est un appareil dont tu as besoin au quotidien, dont tu ne peux pas te passer et qui fait figure de terminal statutaire. Tu achètes une marque, un modèle de smartphone souvent qui va refléter en partie ton identité, donc on va avoir tendance à le renouveler plus souvent.
Pour une tablette par exemple, l’essentiel, c’est qu’elle marche. Souvent, elles sont destinées avant tout à la consommation de médias chez soi. Tu te fiches qu’elle soit puissante ou qu’elle rame. Et surtout, tu ne vas pas la changer tous les ans pour un modèle plus performant.
C - Il n’y a pas aussi une question de taux d’équipement ?
G - Si, très clairement. Les montres connectées, comme les tablettes ou les enceintes Bluetooth, ont connu ces dernières années, successivement, de grosses tendances. Comme ça a aussi été le cas des drones ou des trottinettes connectées par exemple. C’était d’ailleurs les marchés à surveiller de près parce qu’il ne se passait pas une semaine sans qu’une marque annonce un nouveau produit.
C - Même les grosses ?
G - Surtout les grosses marques ! Pour les enceintes connectées, Sony a renouvelé sa gamme jusqu’à trois fois en une année, c’est dire. Sur tous les salons, les Samsung, LG ou Huawei présentaient tous, en plus de leurs smartphones ou PC portables, des tablettes et des montres. En 2016, Samsung dévoilait ainsi la Gear S3, présentée ici par 01Net.
[Insert 01Net]
Et puis fatalement, un jour, tout le monde susceptible d’acheter ces produits a fini équipé. Fin 2017, on avait ainsi 44 % des foyers qui avaient une tablette connectée chez soi. C’est le même taux qu’atteignaient les smartphones en 2014, il n’y a pas si longtemps du tout. L’ascension des tablettes a été fulgurante !
C - Et les gens ne rachètent pas de nouveaux modèles…
G - Exactement. Les constructeurs se sont tous lancés sur ce marché à peu près en même temps, en 2010, en même temps que l’iPad d’Apple. Surtout, il y a eu très peu d’évolution sur ce marché. On a bien des modèles avec des bordures plus fines ou des processeurs plus puissants, mais c’est à peu près tout. Aujourd’hui, les constructeurs se battent surtout sur une baisse de tarifs plus que sur de nouvelles fonctionnalités, justement parce qu’ils ont besoin que les consommateurs renouvellent plus facilement leurs appareils. C’est ce qu’expliquait le fabuleux site Frandroid au début de l’été.
[Insert Frandroid]
C - Et c’est pareil pour les enceintes ou les montres ?
G - C’est exactement la même chose. Pour les enceintes, il y a toujours eu deux types de modèles. D’un côté, celles qui envoient un son de très bonne qualité, malgré les limites du Bluetooth, avec un grand format et un look très design. Et de l’autre, des modèles lancés à moins de cinquante euros, étanches et avec un son médiocre. Je te laisse imaginer lesquelles ont gagné la bataille.
C - Les enceintes pas chères ?
G - Les enceintes pas chères, en effet. Même un constructeur comme Bose a peu à peu abandonné ses enceintes les plus design pour se consacrer au milieu de gamme. Parce que malgré la marque très connue, c’est devenu difficile pour le constructeur de lutter face aux centaines de références vendues à bas prix.
Pour les montres, c’est une autre paire de manches. Les gros constructeurs ont peu à peu abandonné le secteur, à l’exception notable d’Apple et de Samsung. Et Google, qui édite donc le logiciel Wear OS qui équipe une bonne partie de montres du marché, n’aide vraiment pas ses partenaires à se développer.
C - Pourquoi ça ?
G - Eh bien parce qu’en annonçant la nouvelle version de Wear OS, Google a indiqué que quasiment toutes les montres connectées du marché auraient droit à la mise à jour. Au final, il n’y a que cinq modèles, tous sortis en 2014, qui ne seront pas updaté. Sur des centaines de références au total.
C - Ah oui donc du coup, si les clients ont déjà droit à la mise à jour de Wear OS avec les nouvelles fonctionnalités, ils n’ont pas d’intérêt à acheter une nouvelle montre, je te suis.
G - Exactement Corentin. C’est un peu ça le problème de ces tendances complètement éphémères dans les nouvelles technologies. On va souvent avoir droit à une ruée vers l’or des constructeurs qui affirment voir le nouvel eldorado dans un nouveau type d’appareil. Mais finalement, ils n’ont droit qu’à des mirages qui seront rapidement abandonnés. Attention à ne pas vivre la même désillusion qu’eux.
C - Merci Geoffroy pour cette mise en garde et à très bientôt !