Lucie : Aux Croissants, on aime bien la bonne bouffe. Mon confrère Thomas Hajdukowicz vous l’a prouvé de maintes fois avec ses chroniques sur la mozzarella, la rhubarbe, les frites ou la dinde de Noël… Malheureusement pour vous, je suis moins bonne cuisinière que Thomas. Et, surtout, je suis journaliste spécialisée en nouvelles technologies. Donc aujourd’hui, je vais vous parler de Feed.
GENERIQUE D’UNE EMISSION DE CUISINE, PEUT ETRE
Corentin : Feed ?
L : Parfaitement, Feed ! F-e-e-d. C’est une start-up française qui produit, je cite, des «repas complets, fabriqués en France, sans lactose, sans gluten et vegan». Ça, c’est pour l’étiquette. Dans les bouteilles de Feed, en revanche, il n’y a que de la poudre. C’est un substitut de repas. On l’achète en sachet ou dans une bouteille, qu’il faut ensuite mélanger avec de l’eau. Le tout fournit les apports nutritionnels nécessaires, en théorie, à un repas équilibré: des fibres, des glucides, des lipides, des protéines. Une bouteille de Feed apporte environ 650 calories. Avec ça, plus la peine de manger des trucs ringards comme de la viande, des légumes ou du pain.
Il parait que c’est le futur de l’alimentation. Et même si ça peut vous faire marrer, ils n’ont pas tout à fait tort.
C : parce que y’a vraiment des gens qui veulent manger de la nourriture en poudre ?
L : Oui ! Feed est l’un des exemples les plus populaires, en France, de la «food tech», des start-up qui veulent réinventer la manière dont nous nous alimentons. Mais elle n’est pas la seule. Feed est directement inspiré du Soylent, une entreprise américaine qui produit elle aussi des substituts de repas en poudre et en barre.
Feed, de son côté, a déjà levé plus de 18 millions d’euros depuis sa création, en 2016. On peut trouver ses produits dans la plupart des magasins de grande distribution, comme les Franprix ou Monoprix. Et parmi ses investisseurs, on trouve un nom bien connu de Thomas Hajdukowicz, mais aussi du monde de la cuisine française : le chef Thierry Marx.
[EXTRAIT THIERRY MARX]
Ce que dit Thierry Marx n’est pas intéressant : pour lui, Feed représente l’avenir de la nourriture, dans le sens où dans le futur, on va devoir réfléchir à manger moins de viande et avec moins d’eau, pour préserver nos ressources. La nourriture lyophilisée est une solution possible pour les économiser. Et en attendant cet avenir un peu sombre, Feed affirme que ses solutions sont meilleures que des triangles sandwichs ou une part de pizza avalée à la va vite.
C : mais ce n’est pas dangereux de se nourrir de poudre ?
L : Feed revendique que ses produits sont faits avec «des ingrédients utilisés par nos grands-mères». Dans les faits: de la farine d’avoine, de la graisse végétale, beaucoup de sucre (29 pour 150 grammes de poudre saveur cèpes, par exemple) , un mix de vitamines et de minéraux, des arômes artificiels et très peu de légumes. La recette saveur cèpes contient 1% de morceaux de champignons. La plupart de ces ingrédients sont transformés. Mais ils ne sont pas, a priori, dangereux pour la santé. Le risque se situe davantage dans leur manière d’être consommés, et avec quelle régularité. Manger, c’est important en tant qu’acte social. Et le cerveau a aussi besoin de comprendre que vous mangez, en prenant votre temps, en mâchant. L’alimentation, ce n’est pas une addition. Même Feed l’a compris, et ne conseille pas de remplacer complètement l’alimentation par ses produits.
C : OK mais en attendant, qui mange de ces trucs ?
L : C’est tout le paradoxe de ces entreprises. Feed fait beaucoup d’efforts pour toucher un large public. Elle cherche à séduire les végétariens, les sportifs ou les blogueuses mode, grâce à des partenariats avec des influenceurs sur les réseaux sociaux ou sa participation à des évènements spécialisés, comme la Paris Games Week ou Veggie World. Mais son produit, clairement, plaît avant tout aux geeks et entrepreneurs. Le genre de personnes qui, selon des clichés convenus, se revendiquent de la «start-up nation» d’Emmanuel Macron et privilégient la productivité à tout prix. Le temps de repas devient une variable à ajuster. On peut d’ailleurs même commander des bouteilles de Feed sur Deliveroo ou Uber Eats. De la nourriture lyophilisée, commandée sur une application et livrée directement à son bureau. Vous avez dit déprimant ?
C : Tant qu’on ne mange pas le même Soleil Vert que celui du film, moi je dis qu’on est encore récupérables. Merci Lucie pour cette histoire de poudre à manger. Et bon appétit aux autres.
Ni gourmand ni croquant, le repas du futur est-il en poudre ?
La nourriture à base de poudre est-elle l’avenir de l’alimentation ? C’est ce que pensent certaines entreprises comme FEED, comme d’autres de ce qu’on appelle la food-tech. Lucie Ronfaut s’y est essayée pendant quelques jours, elle nous fait son retour sur expérience.
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