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Amazon, empire de productivité à la chaîne
Corentin : Et si vos colis étaient bientôt intégralement préparés par des robots ? Vivement critiqué pour les conditions de travail dans ses entrepôts, le géant de e-commerce Amazon réfléchirait à robotiser intégralement la préparation des colis clients… d’ici une dizaine d’années. Pour l’heure, l’empaquetage des colis est en phase d’automatisation avancée. On revient sur la dernière lubie managériale d’Amazon, avec Elodie Carcolse de la Réclame.
Élodie : Salut Corentin ! Amazon a-t-il enfin trouvé la solution à sa crise managériale ? rappelez-vous, dans une précédente chronique des Croissants, nous évoquions le management tout particulier qui a cours dans les usines du géant du e-commerce dirigé par le milliardaire Jeff Bezos. Technologie utilisée pour contrôler et collecter des données sur ses employés, cadence infernale décidée par ordinateur, quotas à respecter et toujours plus de colis à préparer par heure…
Corentin : Oui Amazon s’est construit une solide réputation dans le monde du travail, notamment lorsqu’on a appris dans la presse en 2016 que la firme avait breveté une cage métallique pour transporter ses salariés dans les “zones protégées” des entrepôts. Officiellement pour des raisons de sécurité.
Élodie : Effectivement. Il faut souligner que les entrepôts d’Amazon sont au coeur de la logistique de l’entreprise. C’est son centre névralgique. Là où se font le suivi, l’empaquetage, le tri, et le rangement des commandes, avant livraison chez les clients. En 1h, 2h ou 24h pour les abonnés Prime. Pour Amazon, les salariés ne sont pas tant des humains que des données objectivisées. Un déploiement d’efforts et d’imagination dans le seul but de satisfaire la déesse productivité. C’est pour elle qu’Amazon vire les employés, “non productifs”, sur sentence d’un algorithme qui joue les redoutables RH.
Corentin : Un ordinateur gérant les ressources humaines, ça ne manque pas de sel.
Élodie : C’est le cas de le dire, quoi qu’il en soit, en avril dernier, The Verge révélait comment Amazon traquait et renvoyait automatiquement ses salariés dont le quotient de productivité était trop faible. Un important système automatique contrôle le taux de productivité de toutes les personnes présentes dans les entrepôts. Chaque année, 10% des employés sont ainsi licenciés puis remplacés. Mais d’après Stacy Mitchell, codirectrice de l’Institute for Local Self-Reliance et critique de premier plan de l‘univers amazonien, “Vous avez toujours derrière vous, quelqu’un qui est prêt à accepter votre travail”.
Corentin : Oui, c’est cette même quête de productivité qui incite les employés à travailler toujours plus vite. L’exemple est devenu symbolique, mais les cadences sont si élevées que certains d’entre eux préféreraient uriner dans une bouteille plutôt que risquer d’être réprimandés pour “période d’inactivité”, comme l’a révélé une enquête en avril de l’année dernière.
Élodie : Exactement. Écoutons Jean-Baptiste Malet, l’auteur d’en Amazonie au micro de France info https://www.dailymotion.com/video/xznqbe
/ arte thema https://www.youtube.com/watch?v=TRUt8qbPCmc
Élodie : Forcément, une telle image, ça fait tache. Pire, en Europe, certains employés font grève, comme en juillet dernier, ou lors du fameux Black Friday en fin d’année dernière pour dénoncer, je cite, des conditions de travail “inhumaines”. Mais Amazon a peut-être trouvé la parade. Et comme si ça ne suffisait pas : une seule solution, la robotisation ! Encore et toujours. Les algorithmes dictent la loi de l’entreprise, et bientôt, les robots remplaceront tout simplement les inefficients. Pardon, les “non productifs”.
Corentin : Mais de manière pacifique quand même !
Élodie : Oui, la violence n’y est que symbolique voyons… À en croire Reuters, ces machines seraient déployées pour automatiser un travail occupé par des milliers de travailleurs dans les entrepôts d’Amazon : la mise en colis des commandes des clients. Le robot baptisé CartonWrap est capable d’empaqueter à lui seul les marchandises, de fabriquer 600 à 700 boîtes par heure, soit quatre à cinq fois plus qu’un humain. Il peut remplacer 24 postes différents, pour seulement trois personnes allouées à son service. Deux machines suffiraient à remplacer plus de 1 300 postes à court terme dans 55 centres de traitement des commandes américains. Mieux, d’après deux personnes travaillant sur le projet, ces petites machines à un million de dollars l’unité pourraient se rentabiliser en deux ans, plus frais d’exploitation.
Corentin : ah oui, dis comme ça il y a de quoi s’inquiéter. Mais n’est-ce pas le rêve d’Amazon d’automatiser ses entrepôts au maximum ?
Élodie : C’est l’objectif à atteindre tout du moins. D’après les personnes interrogées par Reuters, la rapidité n’a rien à voir dans cette automatisation, “C’est vraiment une question d’efficacité et d’économie”, notamment dans la réduction du gaspillage des matériaux d’emballage. La firme explique “tester cette nouvelle technologie dans le but d’accroître la sécurité, d’accélérer les délais de livraison et d’accroître l’efficacité sur l’ensemble de notre réseau". Évidemment, l’entreprise s’empresse d’ajouter, je cite, que “ces économies d’efficacité seront réinvesties dans de nouveaux services pour les clients, où de nouveaux emplois continueront d’être créés.”
Corentin : oui c’est toujours la même ritournelle, emplois détruits vs ceux créés par la technologie ou pour l’entretenir.
Élodie : Oui. Pour Amazon ce serait l’occasion aussi de pallier la pénurie de personnel. Ces postes ont un taux de renouvellement élevé à cause de l’usure engendrée.
Cette automatisation est la première étape avant celle espérée de la préparation intégrale d’une commande. Pour l’heure… il n’en est rien, les progrès en matière d’IA et de robotique sont trop minimes encore. Ne serait-ce que pour reproduire la tâche effectuée le plus couramment dans les entrepôts : la collecte d’un article. Scott Anderson, directeur des solutions robotiques chez Amazon (Robotics Fulfillment,) assure ainsi, je cite, “la technologie permettant à un robot de sélectionner un seul produit sans endommager d’autres produits ou sélectionner plusieurs produits en même temps d’une manière qui pourrait être avantageuse pour le vendeur e-commerce est longue.”
Corentin : ce sont finalement les tâches les plus anodines à effectuer pour un humain qui sont les plus complexes à programmer sur une machine. C’est plutôt une bonne nouvelle...
Élodie : Derek Jones, directeur de la santé, de la sécurité et de l’environnement ajoute, je cite, “imaginez si vous voulez des bananes fermes, plutôt que des bananes mûres. Comment faites-vous pour qu’un robot détermine cela ?”
D’après Scott Anderson, il faudrait au moins 10 ans à la technologie pour automatiser complètement le traitement d’une commande unique sélectionnée par un ouvrier dans un entrepôt. Le temps que l’intelligence artificielle s’améliore et surtout que des solutions robotisées susceptibles de déplacer des objets soient validées et commercialisées.
Corentin : si on réfléchit en temps long ou court, 10 ans ce n’est pas si loin : janvier 2009, c’est l’investiture d’Obama par exemple, c’est donc potentiellement déjà demain
Élodie : Ok Doc ! Pour l’heure, Amazon exploite 110 entrepôts aux États-Unis, 45 centres de tri et environ 50 stations de livraison. Il emploie 125 000 ouvriers d’entrepôt à temps plein dans le pays. Les algorithmes RH s’évertuent de dicter une cadence infernale que seuls des robots peuvent effectuer sans usure. Ou presque. Ces nouvelles machines sont le signe avant-coureur d’une automatisation plus large à venir. Le but ultime d’Amazon serait toujours, je cite, “un entrepôt sans lumière”.
Corentin : Oui, dénués d’humains en somme. Le compte à rebours est donc fixé à 10 ans. Merci Élodie, pour ce petit rappel et à la prochaine !
Automatisation complète d’Amazon : peut-on vraiment dire « no, no » aux petits robots ?
Déjà connu pour ses pratiques managériales plus que discutables, Amazon est de plus en plus soupçonné de vouloir remplacer tous ses salariés par des robots. Voyons comment ce géant du e-commerce compte s’y prendre et dans quels délais avec Élodie Carcolse de « La Réclame ».
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