Conflit commercial sino-américain : les tensions montent depuis l’arrestation d’une dirigeante de Huawei
Corentin : Les tensions entre Pékin et Washington se sont amplifiées. On apprenait au début du mois de décembre que Meng Wanzhou, la directrice financière du constructeur de téléphone chinois Huawei, avait été placé en détention alors qu’elle était en voyage à Vancouver. Cette demande d’arrestation, elle provient de la justice américaine.
Camille : En effet, suite à la demande des États-Unis, la police canadienne a interpellé Meng Wanzhou, qui est la directrice financière mais aussi la vice-présidente du géant Huawei, le deuxième constructeur mondial de smartphones, entre Samsung et Apple. Les Américains demandent son extradition.
Co : On sait de quoi on l’accuse ?
Ca : Pas de détails pour le moment, mais le Wall Street Journal parle d’une violation des sanctions américaines contre l’Iran. En effet, les États-Unis ont interdit à tous les pays de faire du commerce avec ce pays. Mais Huawei, qui s’est exprimé à ce sujet, a démenti cela, et n’a pas connaissance de plus d’informations sur les raisons de cette accusation mais affirment qu’ils ont je cite “confiance dans les justices américaine et canadienne”.
Co : Quelle a été la réaction de la Chine ?
Ca : Eh oui, le gouvernement chinois, surpris par cette arrestation, et n’ayant reçu aucune justification, demande la libération de Mme Meng. Le porte parole du ministère des affaires étrangères en Chine s’est exprimé à ce sujet, de manière tout à fait claire :
Extrait 1 Audio 1
Traduction :
“Nous demandons à l’autre partie de donner une explication quant au motif de la détention et sa libération immédiate.
La Chine demande au Canada de garantir la sécurité, le traitement humanitaire et les droits de Mme Meng.
La détention sans aucune raison est une violation des droits humains de la personne concernée.”
Co : Voilà qui ne va pas améliorer les relations déjà fragiles entre les deux puissances.
Ca : Et tu n’es pas au bout de tes surprises. Laisse-moi te rappeler le contexte de cette volonté d’extraction. Trump a signé il y a peu avec le président chinois, une trêve de 90 jours dans le conflit commercial qui anime les deux puissances mondiales, afin de trouver à terme une vraie solution pour cesser cette guerre. Au même moment, la justice américaine lance la demande d’arrestation de la directrice financière de Huawei. Le conseiller à la sécurité américaine a avoué que la Maison Blanche était au courant.
Co : Donc si la maison blanche le savait, il y a quand même de forte chance pour que Trump aussi, notamment au moment ou il a signé l’accord avec Xi Jinping.
Ca : On a pas eu confirmation mais oui, ce serait étonnant que le président ne soit pas informé de cela. Dans tous les cas, la Chine n’a jamais été avertie de cette mesure, pas même son président.
Co : Ça tombe vraiment mal avec la trêve qui devait apaiser les tensions entre les États-Unis et la Chine !
Ca : Oui, il paraît évident que cet épisode mets en péril le tout jeune accord de trêve.
Co : Elle aura été de très courte durée le cas échéant. Qu’est-ce que cette affaire risque d’engendrer ?
Ca : On verra comment ça évolue, si les Américains décident de la relâcher, de lui donner une simple sanction, une amende… mais de toute façon ça ne va pas arranger les choses quoi qu’il arrive. Ca menace tous les efforts diplomatiques, de négociations, qui ont été menés jusqu’à présent. On a quand même affaire aux deux plus grosses puissances économiques du monde. Et les retombées sont déjà là ! Le 6 décembre les marchés mondiaux ont dégringolé, face aux inquiétudes de la possibilité de voir arriver une véritable guerre froide se mettre en branle.
Co : La Chine est en colère. Que peuvent bien espérer les États-Unis, quel avantage peut tirer l’administration de Trump de cette tension et arrestation ?
Ca : Les médias ultranationalistes comme Huanqiu Shibao (désolée pour la prononciation) ont été un peu moins délicat, ils évoquent des méthodes de voyous, une manière déloyale d’écraser la compétitivité de Huawei dans la 5G notamment. Un constat partagé par de nombreux spécialiste, écoutons Jean-Joseph Boillot, chercheur à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) interrogé pour l’occasion par le média TV5 Monde :
Extrait 2
Co : Difficile de nier, l’actuel président nord américain Donald Trump ne se cache pas de pratiquer une politique plutôt protectionniste, il souhaiterait que les grandes industries américaines relocalisent toutes leurs usines sur le territoire.
Ca : On se souvient lors de son investiture, Trump voulait que les iPhone soient conçus de A à Z aux USA. Il aimerait aussi imposer une taxe douanière appliquée aux produits importés de Chine, et essaye de combattre la domination des télécoms chinois aux États-Unis. Huawei est banni, ses appareils sont suspectés de présenter un risque pour la sécurité des Américains en les espionnant. Les opérateurs américains ne vendent plus de smartphones Huawei et les militaires américains ont la formelle interdiction de les utiliser.
Co : Il y a ZTE aussi qui a eu par le passé des déboires avec le gouvernement américain pour des raisons qui semblent proches, de violations de sanctions américaines. Résultat, excuses publiques, une belle amende et 7 ans de sursis en acceptant une réorganisation de leurs méthodes et équipes.
Ca : Oui effectivement, mais avec le contexte actuel difficile d’imaginer une même issue avec Huawei. Si le constructeur chinois reçoit juste une facture à payer, ça ne va pas faire grand mal à la Chine. Par contre, les États-Unis pourrait là en profiter pour avancer leur enquête et peut-être, trouver des preuves de ce qu’ils avancent sur la sécurité mais aussi sur l’économie, et plus précisément le vol de technologie.
Co : Mais d’où vient cette méfiance ? Ils seraient pas un peu parano des fois ?
Ca : Hum, je ne sais pas, mais il y a quelques petites choses qui peuvent inquiéter. Le fondateur de Huawei, Ren Zhengfei, est un ancien officier d’une unité technologique de l’Armée Populaire de libération de Chine.
Co : Ah oui je vois le lien. Mais bon en attendant c’est Meng Wanzhou qui est retenue par la justice américaine.
Ca : Et je ne te l’ai pas dit, mais cette Mme Meng, c’est aussi la fille du fondateur de Huawei. J’imagine que ça peut faire un bon témoin, qu’elle est susceptible de détenir quelques informations.
Co : Effectivement… Mais il n’y a qu’aux États-Unis que ça coince comme ça ? Huawei est quand même deuxième constructeur de smartphones au monde.
Ca : L’Australie, La Nouvelle Zélande, le Canada et la Grande Bretagne préfèrent eux aussi faire confiance au gouvernement américain et ont décidé de bloquer Huawei sur leur territoire. Il semblerait aussi que le Japon y réfléchisse.
Co : Et le reste de l’Europe ?
Ca : Le président de la commission européenne a alerté les pays de l’union européenne de surveiller le sujet, pour des raisons de sécurité. En France, Les opérateurs vendent leurs appareils avec forfaits. Notre ministre de l’économie, Bruno Le Maire a rappelé que le groupe Huawei et ses investissements étaient les bienvenues mais que bien sûr, cela ne devait pas menacer notre sécurité nationale. En fait, il semblerait que Cerbère, un dispositif de surveillance créé en 2015 par notre gouvernement garde un oeil sur les activités du groupe chinois.
Co : Bon Huawei se voit quand même entravé dans sa conquête de l’Occident mais se trouve aussi dans le collimateur de très nombreux gouvernements, même ceux qui semblent l’accueillir à bras ouvert. Et à l’heure où on enregistre cette chronique, qu’est ce qu’on apprend ? Que la justice chinoise vient tout juste d’interdire la vente d’iPhone sur le territoire pour une sombre histoire de brevets… Le timing est quand même savoureux. Merci Camille, et dans l’espoir de voir les tensions se dissiper entre les États-Unis et la Chine, je te dis à bientôt !
Entre arrestations et soupçons d’espionnage, Huawei se retrouve au centre des tensions entre Pékin et Washington
Ça fait maintenant plusieurs mois que les États-Unis et la Chine se livrent une guerre commerciale qui inquiète toutes les économies du monde. Parmi les derniers épisodes en date, l’arrestation d’une dirigeante de Huawei au Canada, vraisemblablement demandée par Washington. On fait le point sur les forces en présence avec Camille Suard.
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