Fortnite : le jeu-sévice (120 - 2/05/2019)
B : Salut les Croissantos, ou les Croissos, bref salut les auditos. Aujourd’hui encore, je viens vous parler d’un truc de jeune. D’un truc que beaucoup de gens aiment. Mais vous le savez, tout ce qui est sympa est très mauvais pour nous, comme le sucre, qui provoque laideur et décès.
C : Salut Benjamin ! Aujourd’hui, pas de sucre, mais des danses bizarres, le jeu d’une génération et des employés que se tuent au travail, sacré programme.
B : Fortnite donc. J’ai déjà un peu disserté sur la guerre intestine qui oppose les distributeurs de jeu vidéo en version dématéralisée dans une chronique idoine. Je vous invite à la réécouter cinquantes fois, et à la réciter à vos amis. Donc je la refais en plus courte : Fortnite est un jeu rigolo où l’on doit survivre sur une aire de jeux qui se rétrécit contre 99 autres personnes. C’est Battle Royale slash Hunger Games en jeu vidéo, et c’est surtout une décalque de PlayerUnknows Battlegrounds en plus fun ET en gratuit ET qui ne plante pas. Conséquence logique, Fortnite est devenu un monument de pop-culture.
C : C’est un jeu ouvertement référence dans Endgame. Entre un dab et une mention de The Big Lebowski. Quelle vie.
B : Donc un jeu très important, qui contribue à codifier un genre, toute l’industrie s’en inspire, c’est une victoire pour l’industrie du mobile, bla bla bla. Et c’est aussi ce qui permet de propulser son développeur, Epic, dans d’autres pans de la distribution. Voilà, maintenant on peut arrêter la partie rediffusion de la chronique. Et donc vous l’avez bien compris, on va poursuivre sur l’un des jeux les plus important de 2018, je parle bien sûr de…
Red Dead Redemption 2.
[UN MORCEAU DE SCORE DE RDR2]
B : Le mégahit de Rockstar sorti en octobre 2018 a fait parler de lui pour de très mauvaises raisons quelques semaines avant sa sortie : la culture du crunch. Alors le Crunch, c’est un délicieux chocolat au bons morceaux bien croustillants de Code du Travail. Mais le crunch c’est surtout le phénomène qui attend les développeurs en fin de circuit. Ca bosse le jour, puis le soir, puis la nuit, puis tout le temps sans interruption pour atteindre les objectifs, et tout le monde sacrifie sa santé pour atteindre délais et objectifs. Je suis sûr que c’est la cinquième qu’il revient dans Les Croissants, mais le livre Sangs, larmes et Pixels de Jason Shreier est édifiant sur le sujet. Piquez-le à quelqu’un, il se lit très vite ! »
C : Maintenant, on revient à Fortnite, et plus généralement aux « jeux-service », mais qu’est-ce que c’est ?
B : Un jeu-service, c’est un jeu dont la sortie ne signe que la moitié, virtuellement, de son développement. Les choses sont renversées : c’est un jeu high-concept qui ne cesse d’évoluer et dont le développement accompagne le joueur. Pour résumer l’idée, dites-vous qu’ils doivent remplir un calendrier. Faire tel évènement ce jour-ci, ajouter tel décor, tel personnage, tel arme. Fortnite, donc… dont Epic demandait à ses employés de se fader 100 heures par semaine, et de les enchaîner. Et c’est un papier très documenté de Polygon, signé Colin Cambell, qui en parle très bien.
C : Une enquête qui parle d’une entreprise déboussolée par son succès, et qui a mis les bouchées double… sans avoir les moyens de le faire.
B : En étant conscient du problème, mais en manifestant une impuissance face à lui. Le papier précise que les heures supp, en l’occurrence, sont comptée, et que les salaires sont, je cite, attractifs. Mais les employés vivent plus à leur travail que chez eux. Polygon cite des employés virés faute d’avoir rempli leurs objectifs parce qu’ils avaient refusés de travailler le week-end. Un peu paradoxal pour une entreprise qui se vante de ses congès illimités… on cite la citation d’un employé.
« Les grosses légumes n’arrêtent pas de nous dire de changer tel ou tel truc. Tout doit être immédiat, on ne doit rester sur rien. Si quelque chose est cassé, comme une arme, on ne peut pas juste le retirer et le corriger avec un patch à venir. Il faut le réparer MAINTENANT, et faire le patch suivant en même temps. C’est l’enfer. »
Mais l’article précise que seulement certaines division sont concernées, et que certains disent n’avoir jamais expérimenté de crunch.
Et je rappelle que ce jeu iconique mais qui tue à la tâche a récolté 3 milliards de dollars de bénéfices en 2018. Une somme rondelette, mais un jeu dont la concurrence est grandissante. Anthem, comme je l’ai dit, est un fiasco industriel… mais aussi un terrible exemple : le même Jason Shreier a écrit un longform terrifiant sur Kotaku, je vous invite à le lire. On y apprend comme l’équipe a du pondre une démo en six semaines pour impressionner un col-blanc. On écoute Yathzee, de Zero Punctuation, qui imite le comportement de bébé cadum d’EA Games face à l’équipe de Bioware.
[GROS MORCEAU DU ZP ANTHEM. J’OVERDUBBE.]
Ok, ok, on suppose qu’on pourrait imiter Destiny. Bon, les jeux d’armes spatiales à la con ne sont pas notre truc, on préfère le RPG et écrire nos personnages et OH MON DIEU EA ARRETE DE RETENIR TA RESPIRATION. Regarde, on a fait notre propre Destiny ! Ca s’appelle Anfem ! EURGH C’EST NUL VOUS ETES TOUS VIRES. POURQUOI VOUS ZAVEZ PAS FAIT DU STAR WARS ??
Je le prendrais pas mal si j’étais toi, Bioware. C’est ce que fait EA. Il s’achète un développeur, les force à singer quelque chose de populaire et trop différent pour eux, il les blâme pour le ratage inévitable et il se trouvent une autre victime. C’est leur manière de travailler, une sorte de mélange entre le rituel démoniaque et la folie meurtrière.
Même chose pour Apex Legends, qui, lui, est un jeu fonctionnel. Et d’autres vont suivre. Ce que vous devez tirer de cette chronique, c’est que la situation est préocuppante pour le jeu vidéo. Mais le problème est systémique : de plus en plus d’acteurs d’autres industries culturelles créatives prennent la parole pour dénoncer leurs culture du travail toxique. Les derniers en date ? Ceux de l’industrie de l’animation japonaise. Et ça va continuer. Donc nous y revoilàs : tous ce qu’on aime, tous nos loisirs favoris provoquent laideur et décès. Alors en avant vers le syndicat le plus proche de chez toi !
C : Nous sommes maintenant tous un peu plus éthiques grace à toi Benjamin. Merci de ta sagesse.
B : Après vous pouvez aussi jouer à des bons jeux hein…
« Game as a sévice » : quand « Fortnite » pratique à son tour le « crunch »
Ce n’est malheureusement pas le premier et ce n’est vraisemblablement pas le dernier. Récemment, « Fortnite » s’est illustré à son tour pour ses pratiques de « crunch » hautement décriées dans l’industrie. Voyons avec Benjamin Benoit en quoi ces périodes intenses de travail sont particulièrement redoutables pour les employés des studios.
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