[Son Nagada Sang Dhol]
Corentin : Tech’ et exotisme aujourd’hui, puisque cette insatiable amatrice de films Bollywoodiens qu’est Lucie Ronfaut, nous emmène dans un pays qui lui tient particulièrement à coeur.
Lucie : Absolument ! Aujourd’hui, je vous emmène en Inde, où Google affronte depuis plusieurs années un gros problème. Les Indiens sont … trop polis. Je vous jure. C’est une histoire que nous raconte un article du Wall Street Journal, publié le 22 janvier 2018. J’y ai appris une tradition 2.0 typiquement indienne. Tous les matins, des millions d’Indiens envoient à leurs proches des images pour leur souhaiter une bonne journée. Les images sont généralement assez kitschs, avec des roses qui brillent ou des levers de soleil. On peut les envoyer à sa famille, ses amis ou même des inconnus. Le Wall Street Journal cite par exemple le cas de Desh Raj Sharma, un Indien de 71 ans, qui va sur Google tous les matins pour chercher une image adaptée pour souhaiter une bonne matinée à ses contacts.
C : Bah qu’est-ce qu’on va les embêter, encore ! C’est plutôt mignon comme habitude, non ?
L : De prime abord, ça a effectivement l’air inoffensif. Mais en fait, c’est un véritable casse-tête pour des entreprises, comme Google ou Facebook, qui développement des services pour smartphone. Cette tradition engendre des gros problèmes de stockage dans de nombreux téléphone. L’Inde est en effet un marché important pour les smartphones, mais avec plutôt une tendance aux téléphones bon marché. Et dont la mémoire est vite saturée par toutes ces images pour souhaiter une bonne journée.
Les géants du Web ont du s’adapter. Google a lancé une application destinée à supprimer rapidement les images stockées dans un téléphone. Elle dispose d’une option spécifique pour détecter les images envoyée pour souhaiter une bonne journée. D’autres services ont lancé des fonctionnalités dédiées à cette habitude, comme Pinterest ou WhatsApp, l’application de messagerie détenue par Facebook.
[Son Chikni Chameli]
C : C’est fréquent, que des services en ligne s’adaptent à la culture d’un pays ?
L : Pas tant que ça ! Les applications et les sites Internet se contentent généralement de respecter les lois en vigueur. C’est pour ça, par exemple, qu’il est plus facile de trouver des contenus de propagande nazi sur Twitter quand on est aux Etats-Unis que lorsqu’on se trouve en France. Mais dans ce cas là, on touche au contenu, pas à la manière dont fonctionne un service.
L’Inde est un cas à part pour les géants du Web. Déjà, le pays représente un potentiel de marché immense. Il compte plus de 400 millions d’internautes, soit à peu près 30 % de sa population. L’Inde n’est pas encore comparable à la Chine en termes de ventes. Mais elle dispose de plusieurs avantages. En dehors des villes, sa population reste encore peu équipée en smartphones: à peine plus de 11 %. L’Inde est un marché vaste mais peu mature, où tout reste encore à faire.
C : Mais surtout, l’Inde c’est bien plus qu’un simple marché…
L : Absolument, l’Inde est aussi un pays avec des règles et des coutumes bien affirmées. Son gouvernement n’est pas autoritaire, mais exerce un contrôle strict sur les entreprises étrangères installées sur son territoire.
Par exemple, la loi impose à tout magasin d’appareils high-tech de proposer au moins 30 % de produits faits en Inde. Ce qui a poussé Apple à délocaliser une petite partie de sa production dans le pays, pour pouvoir vendre des iPhone plus facilement aux indiens. Autre exemple beaucoup plus grave : l’application Uber a été forcée d’ajouter un bouton d’appel à la police pour ses consommateurs indiens, après le cas d’un viol d’une utilisatrice par un chauffeur. Le service de transport a failli être interdit complètement en Inde après cette affaire.
C : Les entreprises de la Silicon Valley marchent sur des oeufs quoi...
L : Oui. Les relations entre les entreprises étrangères et le gouvernement indien ne sont pas toujours simples. Mais parfois, c’est la population qui rejette en bloc les applications ou services venus de l’étranger. Facebook en a fait l’amère expérience en 2016. Le réseau social américain s’est vu interdire l’installation en Inde d’un service d’Internet gratuit, Free Basics. Le projet s’est heurté au scepticisme des entrepreneurs indiens et des militants des libertés en ligne. Les premiers soupçonnaient Facebook de jouer sur la corde sensible pour imposer ses services aux dépens de ses concurrents. Les autres l’accusaient de mettre à mal la neutralité du Net. Tous reprochaient à Mark Zuckerberg son paternalisme, une communication excessive et de mal connaître leur pays. Un mauvais tweet d’un membre du conseil d’administration de Facebook a finalement mis le feu aux poudres : ce dernier reprochait le sentiment “anticolonialiste” des Indiens. Ce qui est une très mauvaise idée quand on représente soi même une entreprise étrangère cherchant à s’installer dans un autre pays.
C : Voilà un pays qui ne se laisse pas faire en tout cas ! On souhaite aussi bon courage aux ingénieurs pour résoudre cette histoire insolite d’image kitch en Inde. Quant à toi Lucie, on se retrouve pour une nouvelle chronique très bientôt ! À très vite !
L’Inde : ce cauchemar de la Silicon Valley
Les entreprises de la Silicon Valley font face à des problématiques très particulières en Inde. L’une d’entre elles est particulièrement étonnante : l’envoi en masse d’images de politesse de bon matin qui sature réseaux et téléphones. Lucie Ronfaut du « Figaro Tech » nous parle de ce marché de la tech décidément pas comme les autres.
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