Corentin : Aujourd’hui, avec Geoffroy Husson de Tom’s Guide, on va parler d’un mort-vivant des réseaux sociaux : Snapchat ! Non, je te trouve un peu dur Geoffroy, c’est quoi cette intro que tu m’as écrit encore ?
Geoffroy : Eh bien dis-moi alors, est-ce que Snapchat est un réseau social encore plein de vitalité ?
C : Non, je ne peux pas dire ça…
G : Alors est-ce que la boîte est complètement fermée ?
C : Non plus.
G : Bon bah du coup on va rester sur le terme de mort-vivant et se faire plaisir avec une petite illustration musicale.
[Insert Thriller]
C : Bon d’accord, la musique est très bien, mais je ne vois pas où tu veux en venir.
G : J’aimerais justement raconter l’histoire d’une boîte qui a été complètement vampirisée et qui cherche désormais tant bien que mal à trouver son salut dans le hardware.
C : Vampirisée ? Par qui ?
G : Par Facebook, du début à la fin. On va revenir aux origines de Snapchat. Le réseau social s’est lancé en 2011, mais a surtout été popularisé en 2013. À l’époque, rappelle-toi, tout le monde en parlait comme du nouveau réseau social pour s’envoyer des sextos.
C : Ah mais oui c’est vrai !
G : Il faut dire qu’à l’époque, il n’y avait pas de stories, de contenus créés par des rédactions reconnues. Tout le concept de l’application résidait dans ces photos que l’on s’envoyait et qui étaient automatiquement supprimées du smartphone, comme des serveurs de Snapchat, une fois qu’elle avait été vues.
C’était alors la première fois que l’on a pu observer un nouveau réseau social émerger et même faire de l’ombre à Twitter et surtout Facebook. En 2013 déjà, les jeunes allaient de moins en moins sur le réseau de Mark Zuckerberg et de plus en plus sur Snapchat, là où il n’y a pas leurs parents. Et même mieux, là où leurs parents ne peuvent pas aller, puisqu’ils ne captent rien à l’interface.
C : Ah oui, c’est vrai qu’on a vu un vrai gap générationnel avec Snapchat. Comme si le service était inaccessible aux plus de 25 ans.
G : Exactement. Du coup, Facebook aussi a pris ce concurrent au sérieux. Mark Zuckerberg a proposé à Evan Spiegel, le PDG de Snapchat, de racheter son réseau social pour trois, puis dix milliards de dollars. Deux offres monumentales pour un si jeune service, mais qui ont finalement été refusées. Il faut dire que quand les deux entrepreneurs se sont rencontrés, fin 2012, ce n’était pas vraiment une opération séduction pour Zuckerberg.
C : Comment ça ?
G : Eh bien selon Evan Spiegel, le fondateur de Facebook l’aurait carrément menacé d’écraser Snapchat s’il refusait de vendre son service. Il faut dire qu’à l’époque, Facebook travaillait sur une application similaire, Poke, comme l’expliquait le podcast Club Internet du site Numerama en août 2017.
[Insert Club Internet]
C : Ca ne me dit rien du tout ça, Poke.
G : C’est normal Corentin, ça a fait un flop. Facebook n’a pas su concurrencer Snapchat avec un nouveau service. Par contre, ils se sont mis à le concurrencer avec tous leurs services existants, et c’est là qu’on en arrive au stories.
Arrivées sur Snapchat en octobre 2013, il s’agit d’une succession de photos et de vidéos que tu mets en ligne pour l’ensemble de tes abonnées et qui ne seront visibles que pendant vingt-quatre heures. L’idée a tellement bien marché qu’en six mois la fonction a été davantage utilisée que les simples messages de personne à personne. Surtout, elle a tellement marché que Facebook a abandonné Poke pour la copier et l’intégrer partout.
C : Comment ça partout ?
G : Eh bien partout. Sur toutes les applications de Facebook, il y a désormais une rubrique « story ». Sur l’application principale du réseau social, mais aussi sur Messenger, sur Whatsapp et surtout sur Instagram.
En fait c’est véritablement Instagram qui permet à Facebook de siphonner les utilisateurs de Snapchat. Lucie Ronfaut en parlait notamment dans sa chronique sur le fonctionnement de la bourse, à retrouver dans le brunch. Aujourd’hui les influenceurs et les stars ont délaissé Snapchat pour migrer sur Instagram. Et c’est un cercle vicieux, comme pour tout réseau social. Les gens vont là où les gens sont tous. Rien ne sert de crier dans le vide, pour communiquer il faut être plusieurs. Et comme tout le monde est sur Instagram, tout le monde part de Snapchat.
Résultat, pour la première fois de sa courte vie, Snapchat a dû licencier cent ingénieurs en mars dernier, soit quatre pour cent de ses effectifs. Ce n’est pas énorme en soi, mais pour le service que l’on présentait comme le principal concurrent de Facebook il y a encore deux ans, ça la fout mal.
C : D’accord, donc j’ai bien compris pourquoi tu considères que Snapchat est mort. Mais pourquoi est-ce qu’il serait vivant ?
G : Parce que Snapchat va plutôt étonnamment bien. Et je t’avoue que c’est encore un mystère pour moi. L’entreprise est entrée en bourse il y a un an, en mars 2017, à une époque où ça allait encore bien. Certes, le cours de l’action a été divisé par deux depuis, avec une valorisation à 22 milliards de dollars, mais il reste globalement stable depuis l’été dernier.
Pire encore, Snapchat s’est même lancé dans le matériel. L’an dernier, ils ont lancé les Spectacles, des lunettes connectées qui intègrent une caméra et qui permettent de filmer en point de vue à la première personne pour ajouter des vidéos à vos stories.
C : Oh, c’est une bonne idée ça, ça a marché ?
G : Non, ça a fait un énorme flop. Elles ont été lancées en février 2017 et en octobre, il n’y avait déjà plus de demande. Pire, alors que Snapchat voulait en faire un produit exclusif, vendu dans un premier temps uniquement dans des distributeurs automatiques disséminés çà et là, ils se sont retrouvés avec un stock immense de centaines de milliers de lunettes.
Et malgré ça, Snapchat a réitéré avec un nouveau modèle annoncé fin avril.
C : Mais pourquoi ils font ça, ils sont fous ?
G : Alors non, ils ne sont pas fous. En revanche, j’aurais du mal à expliquer la logique derrière. Ce qu’on peut supposer, comme l’a fait le site The Verge, spécialisé dans les nouvelles technologies, c’est qu’il s’agit avant tout d’un moyen de se préserver.
[Insert The Verge] Je pense que Snapchat a raison de parier sur le matériel. Ses concurrents aiment copier tout ce que fait Snapchat. Et si Snap veut rester pertinent, ils doivent être différents. Vous pouvez dire tout ce que vous voulez sur les lunettes Spectacles, elles sont uniques.
En gros, l’idée c’est que Facebook, mais aussi Google ou Twitter ont beau copier les fonctionnalités de Snapchat, il sera bien plus difficile pour eux de copier du matériel. Pour l’instant, Snapchat est tout seul sur cette idée de lunettes connectées qui filment et partagent les vidéos sur les réseaux sociaux. Et même, si les lunettes ne fonctionnent qu’avec Snapchat, avec un nombre d’utilisateurs de moins en moins important, elles, au moins, n’ont pas de concurrent. Du moins pour l’instant…
C : Merci Geoffroy pour toutes ces explications et à bientôt !
Snapchat enfonce le clou des « Spectacles »
La guerre entre Snapchat et Facebook est bel et bien en train de tourner en faveur du second. Mais la société au petit fantôme n’a pas dit son dernier mot et entend bien contre-attaquer en sortant une nouvelle version plus aboutie de ses lunettes, les fameuses « Spectacles ». On fait le point sur les rapports de force avec Geoffroy Husson de « Tom’s Guide ».
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