Corentin : Tu sais ce que j’aime par dessus tout dans la cuisine japonaise, Thomas ?
Thomas : Non, mais tu vas me le dire, j’imagine, mon bon Corentin.
Corentin : C’est les ramen ! J’adore les ramen ! Je pourrais en manger tout le temps.
Thomas : Ah bah ça tombe bien, c’est l’objet de ma chronique du jour ! C’est quand même complètement étonnant, pas vrai ? Et en plus, ça correspond également à une actualité cinématographique, puisque le film La saveur des ramen est sorti dans les salles françaises début octobre.
[01 - saveur des ramen.mp3]
Can you teach me how to cook bak kut teh? I always think about mama’s cooking. I want to remember them everytime I cook bak kut teh.
Même si le propos de ce très beau film porte davantage sur la quête personnelle, la transmission, le métissage et la cuisine singapourienne, il y a également quelques belles scènes de cuisine de ramen. Du coup, ça m’a donné envie de faire une chronique dessus. Parce que, je dois te l’avouer, moi aussi, j’adore les ramen.
Corentin : A la bonne heure ! Bon, déjà, est-ce que tu peux nous rappeler ce que c’est des ramen ?
Thomas : Il s’agit d’un bol de soupe dans lequel trempent des nouilles, le plus souvent de blé. Elles sont généralement accompagnées de garnitures, parsemées sur le dessus du bol. Contrairement à ce que l’on peut penser, les ramen ne sont par contre pas originaires du Japon.
Corentin : Un instant… ce plat qu’on associe aujourd’hui au Japon n’est pas japonais ?
Thomas : Pas vraiment. Après, il a évolué, mais ne m’interromps pas, on va revenir là-dessus. Donc, non, le ramen, ça n’est pas japonais. C’est chinois, à la base. Le mot ramen est d’ailleurs dérivé du mandarin lamian, qui désigne les nouilles étirées à la main.
Ces lamian sont d’abord arrivées au Japon à la fin du XIXe siècle, avec les premières vagues de migrations de chinois sur l’archipel, après l’ouverture du pays en 1868. D’abord consommé à la maison par ces populations chinoises, un premier restaurant spécialisé dans les ramen ouvre à Yokohama en 1910.
Cependant, il faut attendre l’après-guerre pour que le ramen se démocratise et gagne en popularité au Japon, pour deux raisons. D’une part, en 1945, les récoltes de riz sont catastrophiques ; les Japonais doivent se tourner vers l’aide alimentaire fournie par l’occupant américain. Or, cette aide alimentaire consiste en des tonnes de farine de blé, qui vont en partie être transformées en ramen. L’autre facteur, c’est le retour au Japon de millions de soldats japonais qui étaient positionnés dans les territoires occupés par l’empire de Hirohito en Chine et en Corée. Sur place, ces soldats ont développé un goût pour les soupes de nouilles qu’ils vont chercher à retrouver au pays. De nombreux stands ambulants de ramen vont voir le jour jusqu’au milieu des années 1950. Ce sont eux qui vont faire évoluer le lamian en ramen, en s’adaptant aux goûts japonais.
Enfin, l’invention des ramen instantané par Momofuku Ando en 1958 finit d’achever cette conquête du Japon par les ramen.
Corentin : Merci pour ce mini cours d’histoire, mais au final, ça ne nous dit pas ce que sont précisément des ramen. Tu as parlé de soupe de nouilles, mais pour moi, c’est bien plus que ça !
Thomas : Tu as raison. Un bol de ramen standard est composé de cinq éléments. Il y a évidemment les nouilles. Il s’agit de nouilles alcalines, c’est à dire qu’elles ont un pH basique, qui leur permet d’être plus élastiques. L’épaisseur et la longueur des nouilles peut varier en fonction des différentes recettes.
Il y a ensuite le bouillon. Il peut être végétarien comme carnassier, à base de volaille, de porc et/ou de fruits de mer. La préparation du bouillon prend généralement plusieurs heures, puisque l’on va faire bouillir lentement des os et des produits secs pour en extraire toute la saveur.
A ce bouillon, on ajoute deux éléments très importants. Du gras, qui va être conducteur de goût, et du tare. Le tare est une sorte de sauce très aromatique, riche en umami, qui va compléter et renforcer la saveur du bouillon.
Corentin : Excuse-moi de t’interrompre, mais qu’est-ce que c’est que l’umami ?
Thomas : C’est le cinquième goût, le goût délicieux. Il est présent naturellement dans tout un tas d’ingrédient et est actif lorsque tes papilles gustatives entre en contact de glutamate. Certains bio-anthropologues pensent que nous percevons ce goût pour reconnaître les aliments riches en protéines.
Bref, le tare, qui est le produit d’une réduction très concentrée de produits riches en umami comme des flocons de poisson séché, des shiitake ou de l’algue kombu, est une bombe à umami.
Enfin, le cinquième élément indispensable d’un ramen, ce sont les garnitures. Parmi les plus traditionnels, on va trouver les oeufs mollets marinés, les pousses de bambou, les feuilles d’algue nori, les tranches de porc braisé ou encore les tranches de pâte de poisson. Mais c’est aussi l’occasion d’être original. Certains chefs coiffent leurs bols de ramen de truffe râpée, d’ananas, de chair de crabe…
Corentin : On compte combien de sortes de ramen ?
Thomas : C’est quasiment infini : si on combine les différents types de bouillons avec les différents types de nouilles, de tare et d’accompagnements, et qu’on ajoute à tout cela les variations régionale, on a de quoi manger des ramen différents chaque jour jusqu’à la fin des temps.
Aujourd’hui, c’est une spécialité que l’on retrouve de plus en plus facilement en dehors du Japon, notamment grâce au succès des ramen tonkotsu, originaire de Fukuoka, préparés avec un bouillon d’os de porc très riche. En outre, l’omniprésence des ramen dans la culture populaire japonaise n’aura pas échappée aux otaku, qui connaissaient cette spécialité bien avant d’avoir pu en manger.
[02 - naruto.mp3]
Ca fait tellement longtemps que j’ai pas mangé de ramen de chez Ichiraku que j’en ai l’eau à la bouche. A force d’enchaîner les missions, on passe à côté des choses fondamentales. Et Dieu sait si c’est important les ramen quand on se dépense. C’est l’arme absolue pour se refaire une santé en un temps record. Tous les sportifs le disent ! Un bol de ramen et ça repart ! C’est une devise ancestrale.
Corentin : Un bol de ramen et ça repart ! Vous aurez peut-être reconnu Naruto. Mais bon, nous, on a faim, donc qu’est-ce que tu proposes ?
Thomas : Comme dit pendant la chronique, la préparation de A à Z de ramen est long et fastidieux, du coup, mieux vaut aller les manger directement dans un restaurant dont c’est la spécialité…
Corentin : Mais, tu peux pas t’en aller comme ça ! Tu vas bien nous laisser un petit quelque chose à grignoter !
Thomas : Oui, oui, pas d’inquiétude. Je vais vous donner quelques astuces pour agrémenter vos ramen instantanés, qui sont souvent tristounes tels quels et qui n’ont pas une super valeur nutritive de base.
Corentin : Très bien, on t’écoute.
Thomas : On va commencer par les garnitures. Vous pouvez très facilement faire des oeufs marinés vous-même, en faisant cuire des oeufs pendant 6 à 7 minutes dans de l’eau bouillante (pour que le jaune reste un peu crémeux) puis en les refroidissant immédiatement. On les épluche, évidemment, puis on les met à mariner dans un mélange d’eau, de sauce soja, de sucre, de saké et de mirin (un alcool de cuisine japonais). Vous plongez vos oeufs dedans, et vous laissez mariner au moins 12 heures. Vos oeufs se conserveront dans le liquide pendant 4 ou 5 jours.
Vous allez également préparer quelques garnitures végétales : des tranches de shiitake frais, de l’oignon vert ciselé, des pousses d’épinard… Ca va apporter du goût, du frais, et des nutriments à votre bol.
Pour le côté protéiné, en plus des oeufs, vous pouvez ajouter des tranches de surimi ou de fines tranches de rôti de porc que vous aurez fait réchauffer doucement à la poêle.
Enfin, pour réveiller les papilles, vous pouvez ajouter des trucs qui piquent, comme du gingembre mariné (le même que vous mangez avec les sushi), du kimchi ou la sauce piquante de votre choix.
Corentin : On a le choix dans les garnitures, mais quid du contenu même du ramen ?
Thomas : Patience, mon ami, patience. Déjà, vous allez préparer les nouilles et le bouillon séparément. On ne veut pas que les nouilles se gorgent du bouillon. Vous faites donc cuire vos pâtes à part. Quand elles sont cuites, vous allez bien les égoutter, en les secouant bien.
Quand votre bouillon est… bouillant, transférez-le dans un bol, verser vos nouilles dedans, parsemez les garnitures que vous souhaitez par dessus, et slurpez-moi tout ça. Mangez ses ramen en faisant beaucoup de bruit n’est pas impoli, c’est même recommandé pour refroidir l’ensemble et exhaler davantage les saveurs. Les japonais ont même une onomatopée pour ça, “zuru zuru”.
Corentin : Merci pour ces petits conseils pour pimper les ramen, on saura comment agrémenter notre ordinaire à présent ! A bientôt !
Thomas : A bientôt !
De bonnes nouilles et un délicieux bouillon : Thomas ramen sa science
Ah ! Les ramens. Certainement un des plats – si ce n’est LE plat – les plus populaires au Japon. L’équivalent du steak frites en France, d’aucuns diront. Avec Thomas Hajdukowicz, plongeons dans les origines de ce plat et découvrons les 1 001 façons de le personnaliser.
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