Corentin : S’il y a bien un plat hivernal qui met tout le monde d’accord, c’est bien la raclette ! Quoi de mieux que du fromage fondu sur des patates, le tout accompagné de viandes et de charcuteries… J’ai pas raison, Thomas ?
Thomas : Ah mais si, tout à fait ! J’adore ça, la raclette. C’était d’ailleurs le repas de Noël familial cette année, de mon côté. Et puis, tu sais, une bonne raclette, ça réunit les gens. Par exemple, sans la raclette, nous n’aurions jamais entendu ce morceau :
[01 - justice.mp3]
Corentin : Alors je reconnais bien We Are Your Friends, morceau de Simian remixé ici par Justice, mais quel rapport avec la raclette ?
Thomas : Il y a rapport parce que si So Me, le graphiste et cofondateur du label Ed Banger Records, n’avait pas incrusté Pedro Winter, l’autre fondateur du label, à une soirée raclette chez la mère de Gaspard Augé, soirée à laquelle était également invité Xavier de Rosnay, eh bien Justice n’aurait peut-être jamais vu le jour. Car c’est lors de cette soirée que Gaspard et Xavier, alors graphistes eux aussi, font écouter ce remix à Pedro Winter, qui n’a pas hésité à les signer sur son label. Sans la raclette, rien de tout ça ne serait arrivé.
Corentin : Ah oui, quand même. Bon, on l’aura compris, c’est de raclette que l’on va parler dans cette chronique. On va commencer par quelque chose de simple : ça vient d’où, la raclette ?
Thomas : Les premières mentions de raclette remontent à la fin du XIIIe siècle, dans des textes retrouvés dans des monastères de Suisse alémanique. A l’époque, c’était un plat rustique que les éleveurs de vache préparait à partir de fromage qu’ils transportaient d’un pâturage à l’autre. Ils faisaient fondre le fromage la nuit venue, et le dégustaient sur un morceau de pain.
Depuis, la recette s’est enrichie, notamment grâce à ce tubercule magique qu’est la pomme de terre, et s’est également embourgeoisée, avec l’ajout de viandes froides qui n’étaient clairement pas communes pour ce plat au Moyen ge.
Corentin : Bon, je crois que l’on sait toutes et tous préparer la raclette, mais est-ce qu’il y a des règles à respecter ?
Thomas : Ca dépend de quel côté du lac Léman tu te situes. En Suisse, dans les restaurants en tout cas, il est commun que le fromage soit fondu et distribué par le personnel de service, alors qu’en France, on a l’habitude d’avoir le service à raclette directement sur la table, soit sous la forme de l’appareil à raclette avec coupelles individuelles, soit avec un appareil à demi-meule.
Corentin : Tiens, puisque que tu parles de meule, quel fromage on utilise ? D’ailleurs, fromage à raclette, c’est un fromage ? Réponds-moi, Thomas !
Thomas : Alors on va se calmer tout de suite. Et, oui, il y a bien un fromage officiel, qui s’appelle tout simplement “raclette”, qui est produit dans le canton suisse du Valais et qui bénéficie d’une appellation d’origine protégée depuis 2003. Il s’agit d’un fromage au lait cru délicieux, qui a le goût de la vache et si vous voulez faire une raclette dans les règles de l’art, c’est vrai ce produit - onéreux je vous l’accorde - qu’il faut vous tourner. En France, dans un genre similaire, on trouvera la raclette de Savoie, qui bénéficie d’une IGP depuis 2017.
Après, il y a plein de fromage à raclette, qui ne sont pas la raclette, et qu’on trouve dans plein de grandes surfaces déjà conditionnés et tranchés. Ils présentent l’avantage d’être assez peu coûteux et déjà prêts à l’emploi. Par contre, ce sont des produits contenant une vaste quantité d’émulsifiants, d’additifs gustatifs et d’autres trucs qui les rendent forcément moins goûteux que les fromages au lait cru.
Enfin, si vous voulez changer un peu la donne, vous pouvez essayer de faire de la raclette avec d’autres fromages à pâte pressée non cuite, comme du reblochon, du morbier ou du Saint-nectaire.
Corentin : On a couvert l’aspect fromager. Avec quoi on accompagne tout ça ?
Thomas : Comme dit en début de chronique, la pomme de terre est un incontournable. On va lui préférer une cuisson à l’eau, au four ou, mon Graal personnel, au diable, qui est une sorte de casserole en terre cuite. Grosso modo, il faut des cuissons de pomme de terre où rien - à part éventuellement de l’eau - ne rentre dans le légume. Après tout, le fromage et toutes les cochoncetés autour sont bien assez grasses comme ça. Oubliez donc les patates sautées.
Pour les autres accompagnements, j’ai un faible pour les champignons, sautés eux pour le coup, qui ajoutent une note terrienne et boisée à l’ensemble. Sinon, un des classiques, ce sont évidemment les cornichons et tout légume conservé dans du vinaigre. Ca peut être des petits oignons, de la salicorne, des pickles de chou fleur... Leur acidité tranchera elle aussi dans le gras de la raclette et vous permettra de vous sentir un peu moins lourd, et donc de manger davantage de raclette.
Corentin : Et côté viandes, on part sur de la charcuterie, j’imagine ? Est-ce qu’il y a des essentiels à côté desquels on ne doit pas passer ?
Thomas : C’est comme vous voulez. Du jambon cru et de la rosette me semblent être un minimum. N’hésitez pas à voyager un peu, le pourtour méditerranéen offrant de très beaux produits charcutiers. Je pense évidemment aux jambons et aux charcuteries italiennes comme la coppa ou la pancetta. Je pense aussi au fuet et au chorizo espagnol, dont les épices peuvent donner une nouvelle dimension à la raclette. Et en France, des tranches d’andouille ou des saucissons corses apporteront une touche régionale bienvenue. Enfin, pensez à celles et ceux qui ne consomment pas de porc, en incluant de la bresaola ou de la viande des Grisons, qui sont préparées à base de boeuf.
Corentin : Et avec tout ça, on boit quoi ?
Thomas : N’étant pas un spécialiste du vin, je fais toujours au plus simple : utiliser un vin qui vient de la même région que le plat. Donc laissez-vous tenter par du fendant du Valais, un vin fait à partir du cépage chasselas. Dans les vins hexagonaux, des blancs de Savoie, légèrement acides, feront très bien l’affaire. Là encore, on va chercher quelque chose pour alléger le gras.
Sinon, vous pouvez opter pour une méthode suisse qui consiste à consommer une boisson chaude comme le thé avec la raclette. C’est une technique que l’on retrouve en Chine pour les dim sum. L’absorption d’une boisson chaude maintient le fromage fondu à température dans l’estomac : il ne fige pas au contact du liquide. On digère ainsi mieux, et on peut manger plus.
Corentin : Ah, c’est une bonne astuce, ça, même si boire du thé en mangeant de la raclette, ça doit être étrange de prime abord. J’ai l’impression qu’on a fait le tour, mais est-ce que tu as d’autres conseils raclette à nous fournir ?
Thomas : Oui, mais avant de conclure, un peu de musique :
[02 - raclette.mp3]
Il s’agit d’une perle qui a été diffusée en direct sur France Bleu Isère en 2017, et qui est le fait du duo Serge Papagalli et Jérôme Orcet.
Corentin : OK… et donc, tes dernières astuces raclette, afin qu’on oublie ce que l’on vient d’entendre…
Thomas : Je vois que monsieur n’est pas mélomane. Alors premier conseil pour une raclette réussie : ne prévoyez rien d’autre. Un apéro léger qui ouvrira l’appétit suffira. La raclette, c’est bon quand y’en a trop, qu’on en peut plus et que l’on regrette sa dernière tranche de fromage fondu. Pas la peine de prévoir un dessert, la raclette est un plat-monde qui se suffit à elle-même. Aussi, il faut toujours prévoir beaucoup, voire trop. S’il y a des restes, pas grave, vous pourrez vous faire une mini-raclette le lendemain.
Ce qui m’amène à mon second point : la raclette tout seul, c’est bien, mais à plusieurs, c’est mieux. C’est un plat de partage qui devient bien meilleur avec d’autres personnes autour de soi. En plus, ça permet de faire des économies d’échelle puisque les invités apporteront du fromage en plus, ou de la charcuterie…
Enfin, sachez que vous pouvez pimper votre fromage. J’ai parlé du piquant du chorizo qui peut réveiller le goût pastel du fromage. Eh bien pourquoi ne pas parsemer le vôtre d’un peu de poivre, de cumin ou de carvi - des épices qui vont bien avec le fromage en général ? Elles vont apporter une dimension supplémentaire au plat. Bientôt, vous ne pourrez plus faire de raclette sans.
Corentin : On prend bonne note de ces dernières recommandations, et je te dis merci, Thomas. A bientôt !
Thomas : A bientôt !
La raclette : le meilleur moyen de se payer une bonne tranche
Si on devait faire un concours du plat le plus convivial, la raclette arriverait certainement dans les premières places ! Plat hivernal par excellence, voyons avec Thomas Hajdukowicz comment en profiter au maximum et comment varier les plaisirs !
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