Corentin : Pour s’élever, l’être humain doit parfois affronter des défis qui le dépasse, quitte à y perdre la santé, physique comme mentale. C’est d’un de ces défis dont tu vas nous parler aujourd’hui, Thomas. C’est bizarre, je croyais qu’on allait parler cuisine...
Thomas : Ne t’inquiète pas, Corentin, on va bien parler cuisine. Mais on va en parler un peu différemment. Je vais vous parler de ma quête du Graal, ma baleine blanche, de mon obsession personnelle du moment. Je vais vous parler des Mizu Shingen Mochi.
Corentin : Des Mizu quoi ?
Thomas : Mizu Shingen Mochi. Il s’agit d’un dessert qui, comme son nom l’indique un peu, nous vient du Japon. Il est aussi connu par chez nous comme étant le gâteau goutte d’eau. Créé à l’origine par la société Kinseiken Seika pour seulement deux salons de thé de la ville de Hokuto, ce “gâteau” a depuis connu une petite hype internationale.
Corentin : Et Il est si bon que ça ?
Thomas : Alors : non. Il s’agit littéralement d’une boule d’eau sucrée gélifiée. Niveau gustatif, on repassera. Par contre, il est très beau, justement parce que c’est une boule d’eau gélifiée. Bien fait, il est d’une transparente pureté assez fascinante. Evidemment, quelque chose d’aussi joli ne pouvait pas laisser indifférent. Grâce à Instagram, le Mizu Shingen Mochi a gagné une reconnaissance bien au delà des frontière de l’archipel nippon.
Corentin : Intéressant, tout ça, mais à quel moment ça te concerne, cette histoire ?
[commencer le BED]
Thomas : C’est bien simple : comme à ma connaissance aucun estaminet français ne propose ce dessert, et que si ça existe en France, ça doit coûter un bras. Sachez qu’à New York, le Mizu Shingen Mochi se déguste pour la modique somme de 8$ la boule d’eau. ET COMME malgré tout, j’ai bien envie d’y goûter, je me suis mis en tête d’en préparer moi-même.
Corentin : Ah ouais ! Et tu nous en as apporté, du coup ?
Thomas : Alors, non. Pour deux raisons. D’abord, normalement, la durée du vie du Mizu Shingen Mochi est d’environ 30 minutes, après quoi il repasse à l’état liquide. Ensuite et surtout, je ne suis toujours pas parvenu à en créer une version satisfaisante, à mon grand désespoir...
Corentin : Bah, tu sais ce qu’on dit, hein : l’important, ça n’est pas la destination, c’est le voyage !
Thomas : Ouais ben je peux te dire que j’ai bien voyagé avec ce foutu truc ! Plus de 20 tentatives que j’ai fait ! 3 types d’agar-agar différents utilisés ! 4 types de sucres blancs ! 5 eaux minérales ! 2 moules en silicone de diamètres variables ! Différents grammages, temps de cuisson, temps de réfrigération ! PLUS DE 20 ESSAIS EN TOUT ! ET TOUT ÇA POUR QUOI ? Pour obtenir au mieux un blob gélatineux pas transparent pour un sou, ou au pire pour créer une balle rebondissante grisâtre et comestible mais pas bonne ! J’en peux plus Corentin ! J’en peux plus !
[sanglots éloignés du micro]
Corentin : (ton grave) Chères auditrices, chers auditeurs, ce que vous entendez, c’est un homme en crise. Un homme qui n’a plus de repère. Un homme à la dérive. Un homme qui découvre enfin son impuissance face à un Dieu qui ne daigne le regarder. Mais nous allons l’aider. (ton clément) Allons allons, Thomas, tu es à l’antenne, là. Tu peux peut-être nous parler de la recette la moins pire que tu aies fait.
[couper le BED en fade out]
Thomas : (renifle fortement) Oui. Pardon. Alors bon… si vous aussi vous voulez connaître l’échec et subir le regard méprisant des passants quand vous sortez dans la rue, il vous faudra 4 grammes d’agar-agar japonais, 10 grammes de sucre blanc, et 250 mL d’eau minérale. Il vous faudra également des moules sphériques en silicone d’environ 5 cms de diamètre, une balance très précise (pour peser au gramme près), et une casserole à fond épais.
Corentin : Avant que tu n’ailles plus loin, est-ce que tu peux nous dire ce que c’est, l’agar-agar ?
Thomas : Il s’agit d’un gélifiant fabriqué à partir d’algue, qui convient donc aux régimes végétariens. Il a la particularité de ne prendre qu’une fois chauffé, c’est pourquoi on l’utilise pas mal en pâtisserie. Pour ma part, j’en ai testé 3 différents, avec plus ou moins de succès. L’agar-agar japonais est pour l’instant celui qui m’a donné le plus de satisfaction.
A froid, dans la casserole, vous allez mélanger les 4 grammes d’agar au sucre. Puis petit à petit, en touillant bien pour que ça ne fasse pas de grumeaux, vous allez ajouter l’eau. Normalement, le mélange doit devenir transparent. Je dis bien normalement, parce que bon, voilà, hein, pour ma part… [les sanglots reprennent]
Corentin : Thomas, on a une chronique à finir…
Thomas : Oui, oui… Bon, alors vous allez faire chauffer tout ça à feu doux, en touillant constamment, jusqu’à ce que le mélange commence à prendre. Lorsque ça a une consistance sirupeuse, vous refroidissez votre casserole dans des glaçons pour stopper la cuisson. Puis vous verser le liquide tiède dans vos moules. Quelques heures au réfrigérateur, et TADA, vous devriez avoir des trucs gélifiés, tremblotant, et transparents. Démoulez, et servez saupoudré de kinako, avec un trait de kuromitsu. Le kinako est une poudre de soja qui va donner un côté pâtissier au dessert, et le kuromitsu est un sirop de sucre brun. Vous pouvez le remplacer par du sirop d’érable ou du miel.
Pour ma part, c’est vraiment la transparence que je ne maîtrise toujours pas. C’est pourquoi pour mes prochaines tentatives, je vais essayer avec du colorant alimentaire.
Corentin : Parce qu’il y aura des prochaines fois ?
Thomas : Un peu mon neveu ! Je vais pas me laisser abattre par un dessert nul !
Corentin : Eh bien on sera là pour prendre des nouvelles. En attendant, vous pouvez à votre tour essayer de relever le défi du Mizu Shingen Mochi. Merci Thomas, à la prochaine !
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