Corentin : L’hiver, ça me donne des envies de plat réconfortant. T’as pas une idée, Thomas ?
Thomas : Ah ben si. Une petite soupe, peut-être ?
Corentin : Boarf, c’est un peu commun, ça… Non, je pensais à quelque chose d’un peu plus solide.
Thomas : Ah, ben pourquoi pas une bonne grosse raclette ? Ou une fondue ? Ou un Mont d’Or ?
Corentin : Bah c’est pas que je veux pas, mais ma copine aime pas trop les odeurs de fromages qui embaume tout l’appart…
Thomas : T’es un peu compliqué mon Corentin, là. Bon, et des lasagnes ? Ca te dit des lasagnes ?
Corentin : Voyons voir… Ce sont des pâtes mais en fait pas vraiment donc y’a une sophistication… Ca cuit au four donc ça sent pas l’étable dans le salon pendant 15 jours… Y’a de la tomate donc ça nous rappelle les couchers de soleil italiens de l’été dernier… Et en plus y’a suffisamment de calories dedans pour faire le tour du Mont Blanc à poil sans risquer l’hypothermie. J’achète ! Alors ça vient d’où, les lasagnes ? D’Italie, j’imagine ? Attends, non, de Chine ! Avec Marco Polo et compagnie.
Thomas : Eh bien désolé de te décevoir, Corentin, mais ta première proposition était la bonne. L’idée comme quoi Marco Polo aurait ramené la recette de la pasta de ses voyages en Extrême Orient est fausse. En fait, les pâtes ont été inventées par plusieurs civilisations, indépendamment les unes des autres. En Europe, ce sont les Grecs les premiers à fabriquer ce qui ressemble à des pâtes. Ils appellent ce plat laganon. Au temps de la République romaine, à partir du VIe siècle avant JC, la recette va voyager jusque dans la région de Naples, où le plat prendra le nom de laganum.
Corentin : Attends, le mot lasagne vient de cette racine gréco-romaine ?
Thomas : Bingo ! La première recette de ce qui ressemble à des lasagnes est répertoriée dans le célèbre De re coquinaria, que l’on attribue au gourmet Apicius. Cet ouvrage paraît à partir du IVe siècle après JC. A partir de là, les recettes vont évoluer. Au milieu du Moyen ge, ces lasagnes sont un plat de riches. On trouve par exemple au XIIIe siècle une improbable recette très roborative de tourte de lasagne aux raviolis.
Corentin : Attends, que je comprenne bien : dans une pâte à tourte, on met des couches de pâtes à lasagne, et entre ces couches et la sauce, on met des raviolis ?
Thomas : C’est bien ça.
Corentin : OK, je comprends mieux les peintures de nobles médiévaux au ventre rebondi.
Thomas : Pas d’inquiétude, je te rassure tout de suite, c’est pas la recette que je propose aujourd’hui. D’ailleurs, je ne vais pas proposer de recette. Je vais plutôt donner quelques astuces pour pimper ses lasagnes et sortir des recettes classiques de lasagna al ragu de Bologne.
Corentin : Tu brûles les étapes mon ami. C’est quoi, une lasagne al ragu traditionnelle de Bologne, là ?
Thomas : Je vais laisser l’émission Les Carnets de Julie répondre à ma place, parce que je parle beaucoup, dans cette chronique, je trouve.
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Les lasagnes, l’un des trésors d’Emilie-Romagne, une région du Nord de l’Italie, composée de l’Emilie, connue pour ses élevages de porcs, et de la Romagne, réputée pour sa production de blé. Une recette en forme d’étendard : du blé pour les pâtes, et de la pancetta et de la chair à saucisse pour une sauce savoureuse que l’on appellera “bolognaise”, du nom de Bologne, la capitale de l’Emilie-Romagne.
On a donc deux éléments essentiels, les feuilles de pâte, et la sauce à la viande, aujourd’hui tomatée, pour hydrater tout ça. Et la plupart du temps, on y met aussi du fromage, pour créer de la cohésion et ajouter du gras, parce que, eh, hein, on serait rien sans ça. Donc voilà, avec tous ces éléments assez simples, on peut faire une bonne lasagne.
Corentin : Y’a pas de béchamel dans la lasagne ?
Thomas : Ca dépend à qui l’on s’adresse. Dans le nord de l’Italie, il ne sera pas rare que la sauce bolognaise, ou le ragu, soit mélangé à de la béchamel pour l’enrichir et apporter de l’onctuosité. Par contre, dans le sud de la botte, elle est absente, remplacée par plus de fromage.
Corentin : C’est-à-dire ? Parce que je suis pas super fan de béchamel…
Thomas : C’est bien simple : à la place de ta couche de béchamel, tu vas mettre de la mozzarella à faible teneur en humidité (celle qu’on met sur la pizza par exemple), ou bien de la ricotta. Ou un mélange des deux. Si tu optes pour la ricotta, mélange-la avec un peu de zeste de citron qui va apporter un peu de fraîcheur au plat.
Corentin : C’est noté. Et comment on fait la sauce bolognaise ? Parce que je suis sûr que si je te ramène un pot de sauce industrielle, tu vas criser, encore une fois…
Thomas : Bah tu fais comme tu veux, hein. Mais une bonne sauce ragu dans les règles, ça se fait avec 2 types de viande différents : du porc, sous forme de chair à saucisse et de pancetta en lardons, et du boeuf (ou du veau). On va d’abord faire rissoler le porc dans un mélange aromatique classique (carotte, céleri, oignon, ail), avant d’ajouter des morceaux de boeuf à braiser, comme du gîte, du paleron ou du plat de côtes. Vous recouvrez tout ça de tomates pelées en boîte, d’un peu de concentré de tomate, et d’eau. Il faut que ça cuise doucement, pour que les viandes se détachent. Au bout de quelques heures, on a une sauce réduite, à manger directement comme ça sur des pâtes, ou à utiliser dans des lasagnes.
Corentin : C’est quand même très viandard ton histoire. Et si je veux faire une version végétarienne, c’est possible ?
Thomas : Bien entendu. Une des versions les plus connues, c’est les lasagnes chèvre-épinard. Mais comme c’est quelque chose de vu et revu, pourquoi pas changer pour des goûts plus hivernaux. On peut imaginer une purée de courge - butternut ou autre - s’intercalant entre les couches de pâtes, de sauce tomate et de fromage. On peut même y ajouter des brisures de noix qui apporteront une texture supplémentaire.
Et sinon, en été, on peut très bien imaginer de fines tranches de légumes-fruits comme les courgettes, les aubergines, les poivrons…
Corentin : Ca a l’air sympa comme alternative végétarienne, ça. Une dernière suggestion avant de conclure la chronique ?
Thomas : Oui, comme dit un peu plus tôt, les lasagnes, ça peut être un peu lourdaud. Donc pour trancher dans le gras et alléger un peu le tout, c’est important qu’on y ajoute un élément acide. Ca peut être le zeste de citron dans la ricotta, mais ça peut aussi tout simplement accompagner vos lasagnes d’une bonne salade verte à la vinaigrette. En mangeant tout ça ensemble, vous vous sentirez un peu plus légers en sortant de table. Ca évite de faire la sieste comme un sac tout l’après-midi après.
Corentin : Eh bien merci pour cet ultime conseil lasagnesque, Thomas. A bientôt !
Thomas : A bientôt !
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