Corentin : Comme vous le savez peut-être, le journal des Croissants est enregistré le soir, et parfois, après une dure journée de travail, il nous arrive de commander des pizzas parce qu’il faut bien se nourrir et qu’on a parfois la flemme. Et c’est de ça que tu viens nous parler aujourd’hui, Thomas. D’ailleurs, toi, c’est quoi ta pizza préférée ?
Thomas : Salut Corentin ! Concernant la pizza, j’ai un faible pour les pepperoni toutes simples : de la pâte, de la sauce, des pepperonis et de la mozzarella. Rien de plus. C’est chaud, c’est gras, ça croustille, ça coule et ça pique, bref, c’est parfait. Et toi, du coup, c’est quoi ta pizza préférée ?
Corentin : [je te laisse ici écrire un petit quelque chose sur ta pizza fav]. Mais bon, là n’est pas la question. Pourquoi est-ce que tu nous parles de pizza aujourd’hui ?
Thomas : Eh bien parce qu’en plus d’un an de chroniques, j’en avais toujours pas vraiment parlé. Or, c’est quand même super important, la pizza. Tiens, savais-tu que France et Etats-Unis se tirent la bourre au palmarès des plus grands consommateurs de pizza au monde ?
Corentin : Devant l’Italie ?
Thomas : Eh oui ! Devant l’Italie ! La pizza est devenue un plat monde, au point qu’aux quatre coins d’un globe qui n’est pourtant pas carré, on peut chanter ceci :
[01 - we like pizza.mp3]
Corentin : Ah ben je l’attendais, celle-là ! Vous aurez peut-être reconnu We Like Pizza, célèbre chanson devenue meme, interprétée par les biens nommés Pizza Kids. Mais bon, avant de devenir un plat monde, comme tu dis, la pizza est italienne, quand même, non ?
Thomas : Oui. La pizza telle que nous la connaissons aujourd’hui est italienne, napolitaine, même pour être précis, et remonte au XVIIIe siècle. Certains historiens la font même naître au XVIe siècle. Mais des formes anciennes de pains plats recouverts de garnitures diverses existent dès le néolithique.
Corentin : Oui mais les pizzas préhistoriques, très peu pour moi, mon diététicien m’a dit de ralentir ma consommation de fossiles en plus. Donc la pizza qu’on connaît, pourquoi elle existe ?
Thomas : Au départ, c’est un plat de napolitains pauvres : un morceau de pain plat, roulé sur lui même, dans lequel on met un peu ce que l’on veut, mais surtout ce que l’on peut : de l’ail, de l’huile d’olive, de la tomate, en fonction des jours. Sa popularité va grandir au fil du XVIIIe siècle, quand des voyageurs commencent à s’aventurer dans les quartiers populaires pour voir les marins manger, entre autres, leurs pizzas. A partir du XIXe siècle, des échoppes dédiées, les pizzérias, commencent à ouvrir à Naples, soulignant l’intérêt général pour le plat.
La première consécration de la pizza a lieu en 1889, dans la pizzéria d’un certain Rafaele Esposito. Ce dernier sert plusieurs pizzas à Umberto Ier et son épouse Marguerite de Savoie, alors souverains italiens. L’une d’entre elles plaît particulièrement à la reine : elle est composée d’une base de sauce tomate rouge, et est recouverte de mozzarella blanche et de basilic frais vert, aux couleurs du drapeau de la nouvelle nation italienne. En son honneur, le pizzaiolo appelle sa création la Margheritta. Si aujourd’hui de nombreux historiens remettent en question la véracité de cette anecdote, l’anthropologue Sylvie Sanchez y voit un acte fondateur : l’entrée de la pizza dans la gastronomie mondiale. Elle l’explique dans l’émission de France Inter La Marche de l’Histoire, en décembre 2017 :
[02 - sylvie sanchez.mp3]
La pizza, si elle perdure, c’est aussi parce qu’elle a su se créer des légendes et toute une mythologie. Donc là peut-être, ce qui est important avec ce geste du roi, du monarque venu du Nord, il descend à Naples pour essayer de valoriser les Napolitains. Et donc la spécialité de Naples à cette époque, c’est déjà la pizza. Et donc en commandant cette pizza spéciale qui va porter le nom de la reine, il permet de donner une charge symbolique à la pizza napolitaine dont elle était complètement dépourvue avant le geste royal.
Corentin : Et donc à partir de là, la pizza va voyager ?
Thomas : Oui, du fait des différentes migrations d’Italiennes et d’Italiens, notamment de Naples et de Sicile, à travers le monde, tout au long des XIXe et XXe siècles. C’est ainsi qu’elle va arriver aux Etats-Unis, au Canada, mais aussi dans le reste de l’Europe. Les services d’achat à emporter et de livraison vont d’ailleurs changer la donne. Plus récemment, la pizza italienne s’est implantée en Asie, notamment en Chine, en Corée et au Japon.
Corentin : J’imagine qu’à partir de là, il faut parler de pizza américaine, pizza française, pizza italienne…
Thomas : Et même, en allant plus loin, de pizza napolitaine, sicilienne, marseillaise, niçoise, new-yorkaise, chicagoane, buenos-airienne… La pizza a développé des spécificités régionales au fil du temps. Si le sujet vous intéresse, je vous recommande le livre Pizza, cultures et mondialisation, de Sylvie Sanchez, justement.
Corentin : Merci pour ce petit cours d’histoire et de géopolitique, mais ce qui nous intéresse maintenant, c’est comment on la fait, la pizza. Quels sont les ingrédients fondamentaux ?
Thomas : Traditionnellement, la pizza, c’est d’abord trois éléments essentiels : de la pâte - la plupart du temps à base de farine de blé, de la sauce tomate, et du fromage, bien souvent de la mozzarella fior di latte, moins aqueuse que la mozzarella di buffala. A partir de là, on a un canevas sur lequel le pizzaiolo pourra construire ce qu’il veut. Tout dépend de ce que l’on cherche, en fait. La recette de la pizza napolitaine, par exemple, est inscrite dans le marbre depuis les années 1980, et on doit répondre à un cahier des charges très précis - en terme d’ingrédients comme de gestes techniques - pour pouvoir utiliser la dénomination “napolitaine”. Il y a un comité très sérieux qui veille au grain à ce sujet, et c’est cette pizza qui est entrée au patrimoine immatériel de l’UNESCO en 2017.
Mais fondamentalement, aujourd’hui, la pizza, c’est ce que vous en faites. Et, au risque de choquer quelques auditeurs et auditrices : oui, on peut mettre de l’ananas sur la pizza.
Corentin : Ca a le mérite d’être clair. Pour finir, est-ce que tu aurais une recette pour nous ?
Thomas : Oui, une recette de pâte à pizza toute simple. Pour 4 pâtons, il vous faudra 400 grammes de farine T55 ou T65, 200 mL d’eau, une cuillère à café de levure de boulanger, deux cuillères à café de sel, et un peu d’huile d’olive.
On va commencer en faisant un levain, en mélangeant la moitié de l’eau avec la levure et 50 grammes de farine. Ce mélange permet d’activer en amont la levure, et de permettre une fermentation lente et régulière. Laissez reposer ce mélange pendant une demi-heure. Il doit faire des bulles.
Corentin : Donc on commence en mélangeant une cuillère à café de levure de boulanger, 50 grammes de farine et 100 mL d’eau pour faire un levain. Une fois que la demi-heure est passée, que fait-on ?
Thomas : C’est très simple : on mélange le reste des ingrédients, et on ajoute le levain. Pétrissez bien la pâte, c’est important qu’elle ne colle plus et qu’elle soit lisse. Lorsque vous la pressez du doigt, l’empreinte que vous laissez doit se résorber lentement. Quand la pâte est souple, vous la divisez en 4 pâtons, que vous refaçonnez en boule, puis que vous mettez chacun dans un saladier. Recouvrez de film plastique, et mettez tout ça à lever lentement au frigo.
Corentin : Ah ben c’est super simple ! On mélange tout le reste, on pétrit bien, on divise, on façonne et on envoie au frigo. Tu parles de fermentation lente, ça va prendre combien de temps, cette histoire ?
Thomas : Il faut au minimum 24 heures pour que ça pousse bien. Mais dans l’idéal, si tu peux attendre 48 voire 72 heures avant d’utiliser ta pâte, ça serait parfait.
Corentin : Ah ouais quand même.
Thomas : C’est le secret des pizzaiolos napolitains pour avoir une pâte croustillante et aérée. La fermentation lente permet un meilleur développement du gluten, qui va faire de longues chaînes de protéines, qui vont générer le croustillant.
D’ailleurs, dernière astuce si, comme l’immense majorité de la population mondiale, vous ne possédez pas de four à pizza. Pour la cuisson de votre pizza, je vous recommande de commencer à la poêle : vous étalez votre pâte, puis vous la mettez à sec, dans une poêle chaude. Ca va permettre au dessous de bien croûter. Pendant que la pâte cuit, ajoutez vos ingrédients. Puis, au bout de quelques minutes, finissez la cuisson à four très chaud, une ou deux minutes, pour que le fromage fonde sur le dessus et prenne une jolie coloration. Vous aurez alors un résultat proche de la pizza de pizzéria.
Corentin : Merci pour ce dernier conseil, tu nous auras une nouvelle fois mis en appétit de bon matin, et à bientôt Thomas !
Thomas : A bientôt !
Partout dans le monde, on fait la part belle à la pizza
Quand on rentre, fatigué, après une dure journée de travail, on est parfois tenté de se faire livrer une bonne vieille pizza. Mais connaissez-vous les origines de ce plat désormais incontournable partout sur la planète ? Retour sur un monde devenu fou de pizzas, avec Thomas Hajdukowicz.
0:00
7:45
Vous êtes sur une page de podcast. En cas de difficulté pour écouter ce document sonore, vous pouvez consulter sa retranscription rapide ci-dessous.