Corentin : Je ne peux pas repousser l’inéluctable sans cesse, et je me résigne, Thomas. C’est bon, tu vas pouvoir la faire, ta chronique sur la coquille Saint-Jacques. Ca fait plusieurs fois que je fais mine de ne pas voir le sujet, mais je ne peux y échapper. Alors, voilà, vas-y, le micro est à toi.
Thomas : Merci Corentin. Je savais que ma persévérance allait payer ! Tu vas voir, tu ne vas pas le regretter ! Bon, commençons par le plus simple : sais-tu ce qu’est une coquille Saint-Jacques, Corentin ?
Corentin : Nan mais prends-moi pour un idiot tant que tu y es ! Evidemment que je sais que la Saint-Jacques est un mollusque bivalve, donc comme la moule ou l’huître, de la famille des pectinidés. Tout le monde sait ça, enfin !
Thomas : Je demandais juste pour vérifier, et je suis ravi de constater que tu maîtrises tes Saint-Jacques facts. Les Saint-Jacques vivent en moyenne une dizaine d’années et a un super pouvoir pour un coquillage, à savoir l’hydro-propulsion : en faisant claquer ses valves, le coquillage pour expulser une grande quantité d’eau à grande vitesse, lui permettant de se déplacer instantanément sur de courtes distances.
C’est un produit riche en fer et très recherché pour son goût fin, pastel, même, je dirais. En France, elle est pêchée entre début octobre et mi-mai, donc à l’heure où nous enregistrons cette chronique, nous sommes toujours en pleine saison. Les principales zones de pêche françaises sont dans la Manche et le nord de l’Atlantique.
Corentin : Oui, d’ailleurs, cette saison de la Saint-Jacques est propre à la France et ça a donné lieu à des altercations avec nos voisins d’Outre-Manche, si je ne me trompe pas.
Thomas : Tu as raison Corentin. Comme la coquille Saint-Jacques n’est pas un produit soumis à des quotas européens, chaque pays fait un peu comme il veut. Or, le Royaume-Uni, contrairement à la France, n’a pas mis en place de saison particulière. Et certains pêcheurs britanniques n’hésitent pas à venir sur les côtes des îles anglo-normandes…
Corentin : Donc principalement les îles de Jersey et Guernesey.
Thomas : Celles-là mêmes. Donc des bateaux de pêche anglais profitent de la zone économique exclusive de ces îles et des eaux internationales pour venir pêcher la Saint-Jacques quand les français ne peuvent pas. Depuis 2012, ça donne lieu à ce que certains appelles la guerre de la coquille, comme présenté ici dans un reportage de France 3 Basse Normandie datant de cette même année, réalisé à bord d’un bateau de pêche français :
[01 - guerre coquille.wav]
Ils reprochent à leurs voisins d’Outre-Manche de draguer copieusement les gisements. Les premiers bateaux anglais pêchaient près de la baie de Seine dès le mois de juillet, deux mois avant l’ouverture de la Saint-Jacques côté français, et ce en toute légalité.
C’est du pillage. Nous, on est là, on travaille intelligemment, on préserve la ressource, on la laisse pondre au mois de mai, on la laisse grossir pendant l’été, on travaille intelligemment, et puis c’est les autres qui viennent récolter le bénéfice. Alors on n’est pas d’accord.
Car le calibrage d’une coquille Saint-Jacques est important. En moyenne, elle pèsera environ 200 grammes, dont plus de la moitié est de la coquille, impropre à la consommation.
Corentin : Ah, oui, parlons du manger, parce que c’est une chronique cuisine après tout. Ah, mais avant, est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi elle s’appelle Saint-Jacques, cette coquille ?
Thomas : Mais bien entendu. Pour trouver l’origine du nom, il faut remonter au Moyen ge. A partir du IXe siècle, le pèlerinage vers la ville de Saint-Jacques de Compostelle, localisée dans le nord-ouest de l’actuelle Espagne, est un des principaux pèlerinages de la chrétienté. En effet, la ville est connue à l’époque pour accueillir les reliques de Saint Jacques le Majeur, un des douze apôtres.
En souvenir et pour prouver le long périple qu’ils ont accompli, les pèlerins récupèrent les coquillages qu’ils trouvent sur les plages de de Galice. Rapidement, le fameux coquillage plat va devenir le symbole des pèlerins de Saint-Jacques, puis celui de l’ensemble des pèlerins. Par association, cette coquille va devenir la coquille Saint-Jacques.
Corentin : Merci pour ce dernier point, maintenant, en cuisine !
Thomas : Je vais vous proposer deux recettes simples de Saint-Jacques. Après tout, ça reste un produit cher, avec lequel on va avoir tendance à faire beaucoup de déchets, comme la coquille, la barbe ou encore le corail. Donc on ne va pas prendre de risques.
Corentin : Oui, ce qu’on a l’habitude de manger, c’est la noix de Saint-Jacques, qui ressemble à un petit steak de la mer. D’ailleurs, à part la coquille qui n’est pas vraiment utilisable en cuisine, peut-on utiliser ce que l’on peut considérer comme du déchet ?
Thomas : Oui, tout à fait ! Vous pouvez faire cuire doucement corail et barbes avec une carotte et un oignon avant de les mixer avec de la crème pour faire une sauce pour accompagner… des noix de Saint-Jacques poêlées. Saint-Jacques poêlées qui sont notre première recette.
Donc alors que tous les trucs qui ne sont pas de la noix sont en train de cuire gentiment à part pour faire la sauce que je viens de décrire, vous allez prendre vos noix de Saint-Jacques et bien les sécher avec du papier absorbant. A côté, vous faites chauffer une bonne noix de beurre dans une poêle. Quand le beurre est fondu et commence à colorer, salez vos Saint-Jacques et déposez les dans la poêle. Laissez-les colorer à feu moyen: ça doit durer moins de 2 minutes. Quand vous voyez une belle coloration caramel, retournez-les et faites les dorer autant de temps que pour la première face. Servez-les sans attendre accompagnées de la sauce, avec une fondue de poireaux, par exemple.
Corentin : Ah oui, on est dans la simplicité. Donc qu’on récapitule : on sèche les noix de Saint-Jacques, on les assaisonne, et on les fait dorer sur chaque face environ 2 minutes. Et puis on sert avec la sauce que vous avez préparé avec les parures, le tout accompagné de poireau au beurre.
On prend combien de Saint-Jacques par personne ?
Thomas : Pour une bonne entrée ou un plat léger, on va dire 3 noix par personne.
Corentin : Bien noté. Et du coup, quelle est ta deuxième recette ?
Thomas : On va partir sur une recette crue. Car la Saint-Jacques s’apprécie également crue, comme le dit le chef Frédéric Simonin, dans l’émission Très Très Bon, sur Paris Première :
[02 - saint jacques crue.wav]
En carpaccio, on sait que si on prépare un carpaccio, c’est très très fin comme ceci. Donc là, nous ce qu’on veut, c’est un peu la texture de la noix de Saint-Jacques. C’est aussi le but pour ce plat. Et puis ceviche, c’est un peu plus épais.
Corentin : Donc tu nous proposes un ceviche de Saint-Jacques ?
Thomas : Non, va opter pour le carpaccio. Mais tu vas voir, encore une fois, c’est très simple. Donc pour une entrée fraîche et funky, prévoyez 3 à 4 noix de Saint-Jacques par personne. Là encore, séchez-les bien avec du papier absorbant. Puis tranchez-les dans l’épaisseur.
Corentin : C’est pas trop difficile, ça, de faire des tranches fines de Saint-Jacques ?
Thomas : Avec un couteau bien effilé, ça devrait bien se passer. On ne cherche pas non plus à faire de la dentelle. Dans une noix standard, vous devriez pouvoir tirer 4 ou 5 tranches. L’important, c’est d’avoir quelque chose d’un peu délicat quand même.
Vous allez disposer vos tranches de Saint-Jacques uniformément sur une assiette plate, et vous allez assaisonner.
Corentin [accent du sud ouest] : Et dites-moi, père Thomas, qu’est-ce qu’on met donc comme assaisonnement ?
Thomas : On va rester sobre : un filet d’huile d’olive, du zeste de citron, un peu de sel. Pour un côté plus floral, vous pouvez ajouter quelques baies roses concassées. Vous préparez un plat chic après tout ! Et surtout, vous allez ajouter quelques accoutrements supplémentaires pour donner plus de texture à votre plat.
Corentin : Ah, tu m’intrigues…
Thomas : Eh oui, parce que juste des Saint-Jacques assaisonnées comme ça, c’est un peu triste. Et surtout, un peu mou. Je vous invite donc à ajouter des rondelles de radis rose, des petites sommités de brocoli, de fines tranches d’oignon blanc… Si vous avez gagné au loto, vous pouvez même ajouter des lamelles de truffe ! On veut jouer sur un contraste de textures sans pour autant cacher le goût délicatement iodé de la Saint-Jacques.
Vous pouvez manger ce carpaccio tel quel, ou déposé sur des tranches de pain grillé et beurré.
Corentin : Eh ben en tout cas, ça fait bien envie ! Merci pour ce point sur la Saint-Jacques, on retrouvera les recettes sur ton blog. Bon appétit, et à bientôt !
Thomas : A bientôt !
Saint-Jacques : le mollusque sort de sa coquille
De la fin de l’automne à la mi-mai, la coquille Saint-Jacques revient sur les étals des poissonniers. Thomas Hajdukowicz nous donne quelques bonnes astuces pour apprêter ce mets de luxe. Retrouvez la recette du carpaccio : https://mongeylanourriture.wordpress.com/2017/11/01/geometrie-crue/
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