Corentin : Bon, pour le premier anniversaire des Croissants, il me semble qu’il est temps que l’on parle de choses sérieuses, Thomas. Il est temps que tu nous parles de viennoiseries. En un mot comme en cent : il est temps que tu abordes la recette des croissants.
Thomas : Salut Corentin. Je savais que ce jour viendrait. Et je ne te décevrai pas. Mais bon, les croissants, à préparer, c’est quand même des démarches.
Corentin : Ah bon ? Pourquoi ça ?
Thomas : Ben parce qu’un croissant, ça n’est ni plus ni moins qu’une pâte feuilletée améliorée. Et Dieu sait que c’est pénible à préparer, la pâte feuilletée. Aussi, si vous désirez préparer vos propres croissants, c’est bien que vous avez du temps à perdre, tiens…
Corentin : Allons allons, Thomas, calme-toi. Tiens, si tu nous parlais un peu de l’histoire des croissants, pour te détendre ? Il me semble que bien qu’associés à la culture française, c’est à Vienne après un siège contre les Turcs qu’ils naissent, non ?
Thomas : Ah, oui, tu parles de cette histoire de siège de la capitale autrichienne en 1683, comme expliqué dans cette capsule de TV5 Monde :
[01 - légende croissant.mp3]
La légende raconte que le croissant serait né à Vienne en 1683. A cette époque, la ville était assiégée par les troupes ottomanes. Une nuit, les boulangers de Vienne entendirent l’ennemi creuser des galeries. Ils donnèrent l’alarme et l’armée pu les repousser. Pour immortaliser l’événement, les boulangers fabriquèrent des petits pains en forme de croissant en souvenir de l’occupant, le croissant étant le symbole de l’empire ottoman.
SAUF QUE C’EST DES BÊTISES TOUT CA ! On retrouve la même histoire en 1684, un an après, avec le siège de Buda.
Corentin : Alors dans ce cas, d’où ça vient ?
Thomas : L’origine du croissant est certainement bien plus ancienne qu’on ne le pense. Il pourrait descendre du kifli d’Europe centrale, sorte de petite brioche en forme de croissant, qui existe depuis au moins le XIIIe siècle. Et ce kifli pourrait lui-même descendre du feteer, une pâtisserie égyptienne dont on trouve les premières traces à -1500.
Corentin : Des croissants depuis la nuit des temps en somme. Mais du coup, comment est-ce que cet aliment d’Europe Centrale et peut-être même égyptien est devenu un incontournable du petit déjeuner français ?
Thomas : Il arrive en France via une célèbre autrichienne : Marie-Antoinette. Lorsqu’elle arrive à Versailles, elle amène avec elle quelques cuisiniers et pâtissiers autrichiens qui vont s’empresser de préparer des kifli pour la jeune princesse atteinte de mal du pays. Pendant près d’un siècle, le croissant reste une nourriture de cour.
Il faut attendre la première moitié du XIXe siècle pour qu’un certain August Zang, ancien soldat autrichien, ouvre la première boulangerie viennoise à Paris. Le succès est immédiat, et nombre de boulangers vont se mettre à revisiter les spécialités autrichiennes, en y ajoutant une touche française. Ainsi, le kifli évolue, sa pâte à brioche s’enrichissant de beurre, en y intégrant la technique de la pâte feuilletée. Le croissant et le concept des viennoiseries sont nés. Réservé à un public urbain jusqu’au XXe siècle, c’est à partir de l’après-guerre que le café-croissant s’impose comme l’archétype du petit déjeuner à la française, toutes catégories sociales confondues.
Corentin : Merci pour le fact checking sur la légende du croissant, mais tu ne peux pas retarder plus ce qui te pend au nez, Thomas. Il est temps de nous apprendre à préparer les croissants.
Thomas : Ca va être long et pénible, hein. Je vous aurais prévenu…
Corentin : Oui, oui… La recette, là.
Thomas : Bon, alors on va commencer par la préparation de la pâte feuilletée levée, qui est le nom fancy que l’on donne à la pâte à croissants. On va en faire un kilo, ce qui permettra de faire entre 15 et 20 croissants.
Pour ce faire, il faut faire une détrempe, qui est le nom fancy que l’on donne aux pâtes simples. Pour votre détrempe, vous allez commencer par hydrater 15 grammes de levure de boulanger sèche dans un fond d’eau tiède (pas beaucoup). Ca permet de réveiller et réactiver la levure.
A côté, dans un grand saladier, vous mélangez bien 500 grammes de farine de blé standard, 50 grammes de sucre en poudre, et un peu de sel (2 grosses pincées).
Corentin : Bah ça a pas l’air compliqué pour l’instant. Donc que je récapitule : on hydrate 15 grammes de levure de boulanger dans un peu d’eau tiède, et dans un saladier, on mélange 500 grammes de farine, 50 grammes de sucre et un peu de sel.
Thomas : Voilà. Et puis dans votre mélange sec, vous allez ajouter peu à peu 28 cL de lait. C’est la première étape pénible de la recette, puisqu’il faut incorporer le lait, mais pas trop travailler la pâte. Il ne faut pas qu’elle soit trop élastique. Quand le lait est à peu près absorbé par la masse, vous ajoutez la levure hydratée, et vous retravaillez, de façon à former une boule. Encore une fois, il ne faut pas trop pétrir, pour ne pas donner trop d’élasticité. Quand la pâte est assez lisse et homogène, vous la couvrez d’un linge propre, et vous la laissez reposer au frigo au moins 2 heures, mais dans l’idéal une nuit.
Corentin : Donc on ajoute 28 cL de lait à la farine, en prenant garde à ne pas trop pétrir la pâte, et après, on ajoute la levure. Encore une fois, on veille à ne pas trop travailler l’ensemble. Quand ça fait une boule lisse et pas trop élastique, on couvre et on met au frigo au moins deux heures, au mieux une nuit. On peut faire les croissants maintenant ?
Thomas : Oh là, non ! C’est que le début de la galère. Non, maintenant qu’on a une détrempe levée et détendue, on va faire le tourage, qui est le nom fancy pour parler du processus de fabrication d’une pâte feuilletée. Donc vous allez étaler votre pâte de façon à avoir un grand disque d’au moins un centimètre d’épaisseur. Au milieu de ce disque, vous allez étaler 220 grammes de beurre doux mou. Puis vous allez rabattre les 4 bords de votre cercle vers le centre, de façon à enfermer le beurre dans une sorte de portefeuille de détrempe.
Corentin : Ca fait beaucoup de mot pour une étape simple, je trouve. Vous sortez votre pâte, pardon… votre détrempe, que vous étalez en disque. Au milieu du disque, vous mettez 220 grammes de beurre mou comme une délicieuse pizza au gras, et vous enfermez hermétiquement le beurre avec les rebords de la détrempe.
Thomas : Je n’aurais pas dit mieux. Vous aplatissez à nouveau votre détrempe enrichie, de façon à former un long rectangle. Et vous allez replier ce rectangle deux fois, comme pour une enveloppe. Vous venez de réaliser votre premier tour, constitué de 3 couches. Vous filmez la pâte, et vous l’envoyez au frigo pendant au moins 20 minutes, pour que le beurre durcisse et soit plus simple à travailler.
Quand vous ressortez la pâte, vous lui appliquez le même procédé : on étale en rectangle, on le plie en enveloppe en 3. Ca fait 9 couches. On refilme, on renvoie au frigo au moins 20 minutes, et on répète une dernière fois l’opération, de façon à avoir au final 27 couches. Vous filmez une dernière fois, et ça part encore au frigo, cette fois au moins une heure.
Corentin : Ouh là, OK, je vois. Donc avec la détrempe au beurre initiale, on va former un rectangle que l’on va ensuite plier comme une enveloppe, deux fois, de façon à avoir 3 couches. On filme la pâte, on la met au frigo, et on répète cette opération 2 autres fois, de façon à avoir 27 couches en tout. On approche de la fin ?
Thomas : Presque. Je t’avais dit que c’était pénible, hein… Bon, bref, on va étaler une dernière fois notre pâte à croissant en un rectangle d’une épaisseur de 4 à 5 millimètres. Dans ce rectangle, vous allez découper des triangles rectangles réguliers. Et c’est le moment de les former. Vous allez légèrement humidifier la pâte pour qu’elle adhère plus facilement. Puis, à partir du côté le plus court, vous allez rouler le triangle sur lui-même. Il faut que ça soit assez serré.
Quand vous avez formé vos croissants, il faut encore attendre, puisqu’il faut à présent les laisser pousser pendant au moins une heure, protégés par un linge, dans un endroit tiède. On veut qu’ils doublent de volume.
Quand c’est enfin le cas, vous pouvez les dorer à l’oeuf, puis vous les enfournez 15 à 20 minutes à 180°C. Voilà, c’est prêt. J’espère qu’il y a du monde chez vous parce que vous avez à présent une quinzaine de croissants frais sur les bras.
Corentin : Bon, alors pour finir, on étale la pâte sur 4 à 5 millimètres, on la découpe en triangles qu’on va rouler sur eux-mêmes en commençant par le côté court. On les laisse pousser dans un endroit tiède pendant au moins une heure, et c’est enfin l’heure de les cuire, après les avoir doré à l’oeuf. 15 à 20 minutes dans un four à 180°C, et c’est prêt !
Si je ne veux pas faire l’ensemble des croissants tout de suite, y’a une solution ?
Thomas : Oui, tu peux congeler tes croissants juste après les avoir formés. Quand tu auras envie de t’en préparer, il te suffira de sortir la quantité désirée, de laisser décongeler et pousser pendant une heure, et zou, au four, pareil.
Corentin : Bon, effectivement, c’est pas une sinécure, mais au moins, à présent, on a la recette. Merci Thomas, et à bientôt !
Thomas : A bientôt !
Thomas des « Croissants » nous apprend à faire les croissants !
À l’occasion de l’anniversaire des « Croissants », Thomas Hajdukowicz nous apprend à les faire ! Les croissants ! Une recette rébarbative, mais au moins, comme c’est Thomas, on est sûrs de s’en tirer avec un petit cours d’histoire en prime !
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