Corentin : On a souvent tendance à penser que les nouvelles technologies sont universelles. De plus en plus de monde a accès à Internet, et il est assez facile de comprendre le fonctionnement d’appareils comme un smartphone ou une console de jeux vidéo. Sauf que c’est faux. Les nouvelles technologies ne sont pas accessibles à tous, comme va nous l’expliquer Lucie Ronfaut du Figaro Tech. Hey Lucie, c’est vrai que la tech c’est pas facile tous les jours pour tout le monde ?
Lucie : C’est vrai. Les nouvelles technologies ne sont pas accessibles à tous ; elles le sont seulement pour les personnes valides. Les utilisateurs atteints de handicap, eux, doivent constamment s’adapter. Comment jouer à un jeux vidéo quand on est amputé ? Comment utiliser un smartphone lorsque l’on est malvoyant ? Ou alors sur le Web comme les autres quand on a la maladie de Parkinson ?
Evidemment, cela ne veut pas dire que les personnes atteintes de handicap n’utilisent pas les nouvelles technologies. Certaines se débrouillent seules pour dépasser certains obstacles, en jouant avec les appareils mis à leur disposition ou leurs paramètres. D’autres se tournent vers des entreprises, des associations ou des logiciels spécialisés, qui peuvent les aider à mieux prendre en main les technologies. Il peut s’agir d’outils à brancher sur son ordinateur ou sa console de jeu, ou d’applications capables d’adapter les couleurs ou de lire le texte d’un site Web.
D’ailleurs, la France est plutôt bien positionnée sur le secteur de ce qu’on appelle la “Handitech”, les technologies au service des personnes en situation de handicap. On compte 170 entreprises spécialisées dans ce secteur.
Un petit exemple. La start-up française Facil’iti propose à ses clients d’adapter leurs sites Web à plusieurs types de handicaps cognitifs ou moteurs. Il suffit de cliquer sur une icône pour que l’interface s’adapte au handicap choisi. Pour les malvoyants, les caractères sont plus gros et les images traitées différemment. Dans le cas des personnes atteintes de la maladie de Parkinson, les icônes sont agrandies et espacées, pour qu’elles soient plus faciles à atteindre, y compris par une personne qui n’a plus la complète maîtrise de ses mouvements. L’entreprise française compte déjà plus de 200 clients, dont des très gros, comme le groupe Carrefour.
C : D’ailleurs, est-ce que les sites Web sont obligées de s’adapter pour être accessibles à tous ?
L : Pas vraiment. Le sujet a déjà été traité par le World Wide Web Consortium, aussi appelé W3C : il s’agit d’un organisme qui regroupe la majorité des professionnels du Web, pour promouvoir des standards compatibles en ligne. Il a déjà édité des normes pour aider les sites à mieux être accessibles aux personnes ayant un handicap. Il s’agit par exemple d’insérer un code qui permet l’utilisation de logiciels de lecture d’écran, pour les personnes aveugles ou malvoyantes. Certains sites ont pris les devants. Twitter et Facebook, qui proposent depuis deux ans une option pour décrire une photo oralement à un utilisateur.
Néanmoins, les normes du W3C sont des conseils, pas des obligations. Beaucoup de sites les ignorent. Et en France, la loi prévoit seulement que les sites officiels de l’administration doivent être accessibles à tous.
C : et les géants des nouvelles technologies, ils en pensent quoi ?
L : Eh bien, ils sont de plus en plus nombreux à s’adapter. YouTube met par exemple à disposition de ses créateurs un logiciel capable d’ajouter automatiquement des sous-titres à une vidéo, pour les personnes sourdes ou malentendantes..
Apple est un autre bon élève. Les iPhone, les Macs, l’Apple TV ou l’Apple Watch disposent de nombreux paramètres pour les personnes handicapées. Ils peuvent adapter des visuels pour qu’ils puissent être vus par des personnes malvoyantes. Décrire et lire le contenu d’un écran. Retranscrire en temps réel un texte à l’aide d’une voix de synthèse, pour les personnes ayant des problèmes d’élocution. Ou remplacer les sons des notifications par des flashs lumineux, pour les personnes sourdes.
Parmi toutes ces options, il y a un logiciel plus connu que les autres : Voice Over. Il peut décrire le contenu d’un écran d’ordinateur et de smartphone, et permet de contrôler un appareil ou d’aller sur Internet juste par la voix.
Par exemple, voici un extrait d’une vidéo de Buzzfeed consacrée à la technologie et aux personnes aveugles et malvoyantes, qui utilise ce genre de technologie pour décrire le contenu de la vidéo ;
[EXTRAIT VOICE OVER]
Ce sont des améliorations qui passent inaperçues pour les personnes valides, mais qui sont très importantes. Elles rendent accessibles la technologie, et à un coût généralement bien plus bas que des appareils spécialisés.
C : Mais je crois que dans le jeu vidéo, ça bouge aussi !
L : Absolument ! J’ai un dernier exemple pour vous, qui est la raison pour laquelle j’ai voulu vous parler de ce sujet. Il s’agit d’une initiative de Microsoft. Le groupe est très engagé sur les questions de handicap. Le PDG de Microsoft, Satya Nadella, connaît bien ce sujet : deux de ses enfants souffrent de handicaps. L’année dernière, Microsoft a annoncé un investissement de 25 millions de dollars pour développer des programmes d’intelligence artificielle capables d’accompagner les personnes en situation de handicap mental et moteur. On pourrait par exemple imaginer un ordinateur capable de s’adapter automatiquement aux spécificités de son utilisateur, en analysant ses gestes. Cet effort est directement lié à la propre situation familiale de Satya Nadella, comme il l’expliquait récemment lors d’une conférence de Microsoft
[EXTRAIT INTERVIEW]
“Nous avons une responsabilité importante, de s’assurer que la technologie puisse atteindre tout le monde, sans exception”
Plus récemment, Microsoft s’est intéressé à un autre secteur difficile d’accès pour les personnes handicapées : les jeux vidéo. Sa solution, c’est la “manette Adaptative Xbox”, une manette de jeu qui s’adapte à toute sorte de handicap. Le principe est simple : la manette fait office de “hub” sur lequel on peut brancher toutes sortes d’accessoires. Développés par Microsoft ou des partenaires, ils permettent de s’adapter au maximum au joueur et à sa situation de handicap. Chaque commande est programmable via l’interface applicative de la console. Différents profils pourront être créés avec des configurations différentes. Pour le reste, elle fonctionnera comme une manette classique : on peut l’utiliser pour jouer contre d’autres joueurs équipés de manettes classiques. La “manette adaptative Xbox” peut se brancher (logiquement) sur Xbox, mais aussi sur ordinateur et d’autres consoles, via des adaptateurs. Elle sera bientôt disponible en ligne, pour le prix de 89,99 euros. Et c’est grâce à ce genre de projet que l’on rendra les nouvelles technologies vraiment accessibles à tous.
C : Une belle initiative en tout cas. Je pense qu’on peut saluer Microsoft pour ça. Merci Lucie, à la prochaine !
Des audiodescriptions aux périphériques spéciaux : quand la tech s’adapte au handicap
La technologie a beau avoir une vocation universelle, il est difficile d’en faire parfaitement usage dès qu’on possède une déficience, qu’elle soit visuelle, auditive, ou autre. Mais certaines entreprises font des efforts pour s’adapter à ces handicaps ! On voit lesquels avec Lucie Ronfaut du « Figaro Tech ».
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