Corentin : Aujourd’hui on reçoit un Geoffroy Husson de Tom’s Guide qui… qui… mais arrête avec ces grimaces, tu fais quoi là ?
Geoffroy : Tu ne reconnais pas l’emoji visage avec un sourcil relevé ? Ou avec un sourire en coin, Corentin ?
C : Si, si… et là c’est celui du visage qui salive… et là… non, là je l’ai pas.
G : Facile pourtant, c’est l’emoji yeux levés.
C : Mais pourquoi tu souris ? Personne ne sourit en levant les yeux au ciel.
G : Il faut dire ça à Samsung alors, parce que de leur côté ça faisait des années qu’ils avaient compris que lever les yeux au ciel, ça avait un côté amusant. Contrairement à l’aspect lassé, exaspéré que Twitter, Facebook, Google ou Apple donnait au symbole
C : Attends comment ça se fait ça ?
G : Eh bien tu l’as sûrement déjà remarqué, mais les emojis ne sont pas du tout les mêmes sur tous les appareils ou les réseaux sociaux. Selon le constructeur ou le site sur lequel tu vas envoyer un emoji, il aura une apparence différente chez les destinataires de ton message. C’est le principe même des emojis, le consortium Unicode laisse les éditeurs dessiner eux-mêmes leurs propres emojis…
C : Attends c’est quoi ça le consortium Unicode ?
G : C’est tout simple, c’est une organisation qui regroupe notamment Apple, Microsoft, Yahoo, IBM ou Huawei et qui établit les règles en termes de communication. L’idée à l’origine, c’est de permettre à tout le monde d’utiliser les mêmes règles, pour être sûr qu’un signe É soit bien retranscrit sur tous les appareils à travers le monde, quel que soit le pays de l’émetteur, du destinataire, le constructeur de leurs appareils ou leurs systèmes d’exploitation.
Ensemble, ces différentes entreprises ont donc créé en 1991 le standard Unicode.
C : Okay, je comprends, mais je vois mal le rapport avec les emojis
G : Eh bien les emojis sont comme des signes, des lettres ou des caractères. Ils fonctionnent de la même façon. Et dès lors, il revient au consortium Unicode de se réunir régulièrement pour proposer, approuver ou refuser de nouveaux emojis qui seront intégrés quelques mois plus tard sur les smartphones, les systèmes d’exploitation et les réseaux sociaux. C’est ce qu’expliquait Le Monde en juin 2017.
[Insert Le Monde]
Du coup à chaque fois qu’un nouvel emoji est accepté, le consortium ne valide qu’une courte description. Par exemple, pour le visage étourdi, il s’agit « d’un visage étourdi, ayant l’air malade ou confus après avoir tourné en rond de trop nombreuses fois ». Tu admettras que c’est vague.
C : Et du coup, sur la base de cette définition, Apple, Samsung ou Facebook vont devoir proposer leurs propres designs.. ?
G : Tout à fait. Dans l’exemple du visage étourdi, Apple et Samsung ont par exemple mis des croix à la place des yeux, quand chez Microsoft, Google ou Facebook, il s’agit de spirales pour montrer le côté malade.
C’est ce qui explique aussi l’affaire de l’emoji hamburger. Chez Apple, le fromage était situé sur la viande, quand chez Google il était sur le bun inférieur. Ça a créé un mini-scandale dans le petit monde de la tech et Google a dû se plier aux recommandations de cuisiniers et l’a modifié pour positionner la tranche de cheddar au-dessus du steak.
C : Ah je vois, du coup ça explique aussi ton imitation de l’emoji avec les yeux au ciel de chez Samsung.
G : Tout à fait mon cher Corentin. Samsung avait initialement proposé un design qui ressemblait à un visage avec un petit sourire en coin et les yeux de côté. Le souci c’est que si un possesseur d’iPhone pensait envoyer un signe de dédain à un possesseur de smartphone Samsung, celui-ci pouvait y voir un signe de satisfaction. Le message était alors particulièrement équivoque et ça cassait l’objectif même du consortium Unicode. Le site emojipedia, qui référence tous les emojis et leur interprétation par les éditeurs, a même mis un drapeau rouge sur la page dédiée : « L’apparence diffère grandement selon les plateformes, à utiliser avec précaution ». Pourtant, comme l’explique très bien le documentaire “Le Monde Secret des Emojis”, attention à ne pas se tromper
[Insert Monde Secret]
C : Oh non Geoffroy par pitié, pas ça...
G : Du coup, Samsung a fini par faire marche arrière mi-février 2018 avec un nouveau design qui correspond davantage à l’interprétation des autres plateformes.
Un autre emoji qui a été modifié par certains acteurs, cette fois pour se différencier, c’est celui du pistolet. On avait déjà la distinction entre l’automatique et le six-coups. Désormais Apple, Whatsapp et Samsung se sont distingués encore plus, en en faisant un pistolet à eau. Une manière de faire passer aussi un message politique sur des sujets sensibles.
C : Parce que les emojis sont politiques ?
G : Oh que oui Corentin. Désormais, le consortium Unicode ne cherche plus tant à faire passer des caractères identiques partout dans le monde, mais à refléter l’état du monde. Et ça passe forcément par un choix sur les emojis sélectionnés. Typiquement, la question c’est « Est-ce qu’on va ajouter un emoji pizza, un emoji taco, un emoji falafel ? ». Parce que la place est limitée sur les claviers d’emojis.
Par exemple, pour revenir aux visages, il y a eu un ajout assez majeur en juillet 2017, celui d’une femme voilée. En fait, l’emoji avait été proposé par une jeune femme saoudienne, Rayouf Alhumedhi. En 2016, elle avait lancé une campagne en ligne et un site Internet, « The Hijab Emoji Project », comme elle le racontait à France 24 en novembre 2017.
[Insert France 24]
L’idée est évidemment de proposer une plus grande représentation du monde à travers ces petites icônes et c’est pour ça que tout le monde peut désormais proposer son dossier, à condition qu’il soit suffisamment étayé. Qui sait, un jour on pourra retrouver un emoji croissant sur iPhone ou Facebook… ah non, c’est déjà le cas !
C : Eh oui, et on en est bien content d’avoir un emoji juste pour nous. En tous cas, merci Geoffroy pour cette exploration du monde secret des emojis.
Les émojis : un monde pas si secret
Les émojis représentent un moyen de communication particulièrement répandu et disponible sur tous les téléphones et autres messageries instantanées. Mais au fait, comment est-ce possible ? Geoffroy Husson de « Tom’s Guide » va nous parler de la manière dont le monde de la tech est parvenu à rendre ces petites icônes quasiment universelles.
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