Corentin : On va parler maintenant de l’ordinateur du futur dans les Croissants avec Geoffroy Husson de Tom’s Guide. Alors, qu’est-ce que tu nous as concocté ? On va parler de supercalculateurs ou d’informatique quantique ?
G : Non, tu sais très bien qu’en matière de supercalculateur, rien ne pourra égaler la formidable chronique de Laura Aupiais, disponible dans le brunch. On va être un peu plus terre à terre aujourd’hui et s’orienter vers le grand public. L’idée, c’est de réfléchir ensemble à une idée qui a émergé chez la boîte française Blade : le Shadow PC. Ça te dit quelque chose ?
C : Pas grand-chose, non, en quoi ça consiste ?
G : Eh bien c’est tout simple, c’est un ordinateur dans le cloud...
C : Geoffroy, on avait dit qu’on arrêtait les termes marketing à la mords-moi-le-nœud. Je repose ma question : en quoi ça consiste.
G : Eh bien en fait c’est un ordinateur complet, avec un système Windows, une carte graphique, du stockage, de la mémoire vive et un processeur. Un ordinateur comme le tien ou le mien, mais qui n’est pas rangé à la maison. En fait l’ordinateur n’est accessible que via Internet. Il est stocké dans un data center, comme n’importe quel site Web. Du coup, il te suffit de t’y connecter via ta connexion pour avoir accès à un système Windows classique, sur lequel tu peux installer n’importe quel logiciel et surtout tes jeux favoris. Ou même écouter de la musique.
[Insert : Shadows]
C : Okay, je pense que je vois un peu mieux. Mais à quoi ça sert, puisque j’ai déjà un ordinateur.
G : Je le vois ton ordinateur là, il est en face de moi. Et c’est un MacBook, pour le préciser aux auditeurs. Dis-moi, est-ce que Fortnite tourne bien dessus ?
C : Bof.
G : C’est normal, ton ordinateur portable n’a pas de carte graphique. Et Overwatch ?
C : Alors je n’ai jamais réussi à l’installer…
G : Logique, puisque le jeu n’est disponible que sur Windows. En fait c’est là tout l’intérêt de Shadow. Concrètement, le service se présente sous la forme d’un logiciel. Il te suffit de le lancer pour que s’affiche, en plein écran, une interface Windows. Tu peux alors y naviguer comme sur ton propre ordinateur et surtout, retrouver ce PC à distance depuis n’importe quelle machine. Si tu veux jouer dessus depuis ton PC au bureau, tu peux. Si tu veux y accéder chez toi depuis ton MacBook, pas de souci. Pareil depuis un vieux PC portable sous Linux ou même un netbook. Théoriquement, tu peux même en profiter depuis un smartphone…
C : Comment ça « théoriquement » ?
G : Parce que forcément il y a quelques limites. Il y a encore quelques zones d’ombre au pays de Shadow. La première limite, notamment sur smartphone ou tablette Android et iOS, c’est que les contrôles sont limités. Si tu n’as pas de clavier ni de souris ou de manette Bluetooth compatible, il est très compliqué de jouer.
Et puis la principale contrainte d’un ordinateur auquel on accède via Internet c’est… c’est… ?
C : C’est la connexion Internet ?
G : Bravo Corentin ! Effectivement, c’est la connexion Internet. Certes, le système nous permet d’accéder quand on le souhaite à un véritable ordinateur avec une carte GTX 1080, 12 Go de RAM et 256 Go de stockage en SSD, mais ce n’est pas sans contrainte. En fait, concrètement, pour que vous puissiez interagir avec l’ordinateur, Shadow utilise une solution de streaming. Vous cliquez en fait sur une vidéo qui est lue en direct via Internet même avec une connexion plutôt faible, grâce au codec H265.
[Insert H265]
C : Ah je vois, comme sur Twitch ou sur Facebook Live par exemple…
G : Tout à fait, c’est le même principe, mais avec une petite différence. Sur Twitch, s’il y a un décalage de quelques secondes avec le streameur, ce n’est pas grave, tu ne perds quasiment rien au change. Sur Shadow, si jamais ta connexion n’est pas hyper stable, parce que tu es en Wi-Fi, par exemple, ou que tu as une mauvaise bande passante, c’est bien plus embêtant.
Si ta connexion Internet est capable de lire une vidéo YouTube sans interruption, c’est parce qu’elle va tout télécharger d’un coup, plus rapidement que la lecture. Du coup, une microcoupure ne se sentira pas, puisque la suite de la vidéo a déjà été téléchargée. Sur Shadow, il n’y a pas de « suite de la vidéo ». Ça serait aller dans le futur. Du coup, une microcoupure, ça veut dire une à deux secondes durant lesquels l’écran va se figer, et c’est particulièrement embêtant.
C : Et ça arrive souvent ?
G : De temps en temps, même s’il faut bien le dire, dans l’ensemble la connexion est particulièrement stable et l’expérience très fluide. C’est très efficace à condition que vous soyez connecté en filaire à votre routeur ou votre box et ce, même avec une connexion à 10 Mbps.
Non en fait l’autre souci de Shadow pour l’instant, c’est la gestion des périphériques. Actuellement, il n’est quasi pas possible de connecter un périphérique USB à son ordinateur pour qu’il soit reconnu par Shadow. Impossible de brancher une webcam pour streamer, impossible d’utiliser une tablette graphique pour les graphistes ou, pire encore, impossible même d’utiliser un micro filaire pour communiquer en jeu. Tous ces périphériques sont accessibles uniquement si on a acheté ou loué une petite boîte spéciale en plus, même s’ils devraient arriver avec la version logicielle grâce à des mises à jour. Parce que le boîtier est complètement optionnel, comme l’explique Jérôme de la chaîne YouTube Nowtech.
[Insert : Jerome]
C : Oui donc du coup Shadow c’est encore en chantier quoi…
G : C’est un peu ça, oui. Le concept est hyper attrayant, mais encore trop limité pour justifier un abonnement de 30 euros par mois minimum, soit 1080 euros pour trois ans, le prix d’un PC neuf.
Reste que le défi technologique est hyper intéressant et que ça nous pousse à nous poser des questions quant à l’avenir de l’informatique. Quel est l’intérêt d’acheter un véritable ordinateur de gamer pour chez soi ? C’est gros, lourd, compliqué à monter même si on est passé par PC Building Simulator et ça coûte cher en électricité.
Au-delà même de la solution de Shadow, il y a un véritable marché pour les solutions informatiques déportées. L’idée qu’on puisse accéder de n’importe où, n’importe quand, à partir de n’importe quel périphérique à sa machine principale, c’est quelque chose qui peut complètement rebattre les cartes de l’informatique personnelle. Et les grosses marques l’ont bien compris. De plus en plus, les éditeurs de jeux, les fabricants de cartes graphiques ou même les fabricants de consoles proposent des solutions de jeux dans le cloud. Ce n’est plus la machine sur laquelle tu joues qui génère les images, mais un serveur informatique. Et il faudra peut-être deux ans, trois ans ou une décennie, mais après avoir testé Shadow et, malgré ma déception, je suis persuadé que c’est ça, l’avenir des ordinateurs personnels.
C : Merci Geoffroy pour cet optimisme et ces explications sur Shadow et l’informatique personnelle dans le cloud.
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