Corentin : Eh, Thomas, avec la dernière saison de Game of Thrones, tu nous ferais pas un petit truc en lien avec l’histoire ? Genre la généalogie des Targaryen ? Ou le système de cooptation au sein de la Garde de Nuit ?
Thomas : Oh, tu sais, moi, Game of Thrones…
Corentin : Ah, je vois ! Monsieur n’aime pas le fun ! Monsieur est au dessus de tout ça ! Snob, va !
Thomas : On va se calmer tout de suite ! Mais entre la cuisine, l’histoire et les BD, ça me laisse assez peu de temps pour regarder la série phare de HBO. Donc non, désolé, j’y connais pas grand chose en Game of Thrones.
Corentin : Oui ben t’es bien sympa, mais on fait quoi en attendant ? Il nous faut une chronique, les abonnés ont payé pour ça !
Thomas : Tu tiens tant que ça à ce qu’on ait une chronique histoire ?
Corentin : C’est ce que j’avais prévu dans le planning, oui…
Thomas : Bon, ben dans ce cas, je te propose quelque chose qui se rapproche de Game of Thrones, sauf que ça s’est passé en vrai !
Corentin : Ah bah voilà ! Des marcheurs blancs ! Des dragons ! Des sauvages du… Attends, t’as bien dit que ça avait eu lieu dans la réalité ?
Thomas : Eh oui ! Et on va beaucoup moins traiter de dragons et tout le tralala, et beaucoup plus de crises dynastiques, de pièces de Shakespeare et d’arbres généalogiques incompréhensibles, puisque l’on va parler de la Guerre des Deux Roses.
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Je me suis dit que mettre Come Alive, de la formidable Janelle Monae, dont le sous-titre est War of the Roses, ça allait aider à faire un peu passer la pillule.
Corentin : Oui, surtout que tu m’as un poil refroidi avec tes histoires d’arbres généalogiques, là.
Thomas : C’est pourtant essentiel pour comprendre les enjeux de cette guerre civile anglaise. Et tu devrais pouvoir faire des parallèles avec ta série préférée, tu vas voir.
Tout commence en 1377, avec la mort du roi Edouard III. Logiquement, celui qui doit lui succéder, c’est son fils aîné, lui aussi prénommé Edouard, pour plus de simplicité. On lui colle le surnom de “Prince noir”. Sauf que le pauvre est mort avant son père. Du coup, on fait quoi dans cette situation ?
Corentin : Eh bien un des frères du prince mort devient roi, j’imagine.
Thomas : C’est effectivement une possibilité. D’autant plus que le Prince noir a 3 frères plus jeunes prêts à monter sur le trône. Sauf qu’Edouard, le prince mort a eu lui aussi un fils. Du coup, à la mort d’Edouard III, la règle de succession de l’époque veut que, même s’il est mort, l’héritier porte la couronne symboliquement avant de la transmettre à son fils aîné. C’est ainsi qu’à l’âge de 10 ans, le jeune Richard II devient roi d’Angleterre.
Corentin : Ah oui… J’imagine que ça crée des petites tensions autour de la table familiale le dimanche, cette histoire.
Thomas : Tu ne crois pas si bien dire ! Les tontons du jeune roi Richard - et leurs descendants - vont être jalousie. En particulier Jean de Gand, duc de Lancaster, le 4e fils du roi Edouard III, et Edmond de Langley, duc d’York, le 5e fils.
Corentin : Rholala, les noms qu’ils se coltinaient…
Thomas : Hep hep hep, un peu de concentration au fond de la classe ! Chaque maison a une rose qui lui est associée : la rose rouge pour les Lancasters, et la rose blanche pour les York. D’où le nom de Guerre des Deux Roses. Bref, pour faire des analogies avec Game of Thrones, on va dire que les Lancasters, c’est les Baratheon, et les Yorks, c’est les Starks.
En 1399, le bon roi Richard II est renversé par ses cousins les Lancasters. Henri IV devient le roi. Il est succédé par son fils, Henri V. Et c’est là que ça se complique.
Corentin : Oui, parce que bon, à part un petit coup d’Etat, je vois pas trop ce qu’il y a de compliqué pour l’instant.
Thomas : Ca se complique parce qu’à cette époque, on est encore en pleine Guerre de Cent Ans. Et donc à la guerre, on meurt, généralement plus tôt que prévu. Et c’est exactement ce que fait Henri V, qui laisse derrière lui un héritier âgé d’un an à peine. Cet héritier, c’est Henri VI. Un peu faible de caractère, on va l’assimiler à Robert Baratheon. Henri VI est conseillé par son ami et cousin, Richard d’York…
Corentin : Ah oui, un peu comme…
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Thomas : Eh oui, comme ce bon vieux Ned Stark qui respire la joie du vivre. Donc Richard d’York et Henri VI sont meilleurs amis, mais c’était sans compter sur Marguerite d’Anjou, l’épouse d’Henri VI, qui n’aime pas du tout son cousin par alliance. Elle est présentée comme très intelligente et assoiffée de pouvoir, prête à tout pour parvenir à ses fins. Et là, forcément, ça te rappelle…
Corentin : Eh bien en toute logique, là, on a Cersei !
Thomas : Bingo ! Bref, à grands coups de complots, Marguerite parvient à faire exiler Richard d’York, et place ses proches à des postes clés de l’administration et l’armée anglaises.
A ce moment-là, la guerre contre la France est terminée. Une armée dirigée par Richard d’York, qui est revenu, part à la rencontre de l’armée du roi, menée par des proches de Marguerite. L’affrontement a lieu près de Saint Albans, une petite ville au nord de Londres. Nous sommes en 1455, et on considère cet événement comme le point de départ de la véritable Guerre des Deux Roses.
L’armée d’York remporte la bataille, capture le roi, vire les usurpateurs et réinstalle Henri VI sur le trône. Richard est également fait Main du R… euh… Lord Protecteur du Royaume. Enfin, lui et ses descendants obtiennent la garantie de succéder à Henri VI si ce dernier devenait inapte à gouverner. La paix semble être revenue, mais c’est en fait un piège, Corentin !
Corentin : Oh non, pas un piège !
Thomas : Ben si, un piège, parce que dans la Guerre des Deux Roses, rien n’est simple, et c’est tout le temps le bazar ! Donc les partisans des Lancasters et des Yorks continuent à être pas contents, ils se battent, et du coup, leurs chefs se battent aussi, ce qui résulte en la mort de Richard, avant qu’il ait pu monter sur le trône. Certains disent même qu’il aurait été décapité…
BREF, lors d’une deuxième bataille à Saint Albans - OUI, PARCE QUE RIEN N’EST SIMPLE - Edouard, le fils aîné de Richard d’York, se proclame roi d’Angleterre en 1461, et devient Edouard IV. Il devient le premier Star… le premier York à monter sur le trône.
Corentin : Donc si on continue l’analogie avec Game of Thrones, Edouard IV, c’est… Robb ?
Thomas : C’est cela ! Et comme Robb, Edouard IV va commettre une terrible erreur stratégique : il va faire un mariage d’amour plutôt que de raison. Un mariage SECRET ! Plusieurs alliés des York y voient une trahison, et se tournent du côté des Lancasters. Et c’est là que ça devient encore plus compliqué.
Corentin : QUOI ENCORE ? Ils vont nous faire les noces pourpres aussi ?
Thomas : Non, pas à ce point-là, ça, c’est plutôt inspiré de l’histoire écossaise, MAIS ON N’A PAS LE TEMPS POUR CA. Non, c’est encore plus compliqué puisqu’avec le changement des allégeances, le parti des Lancasters reprend du poil de la bête. Henri VI est même réinstallé sur le trône entre 1470 et 1471, avant qu’Edouard IV ne reprenne les rênes du royaume.
Corentin : Ah oui, les chaises musicales, je connais.
Thomas : Oui, si on veut. Le règne d’Edouard IV se termine dans une paix relative jusqu’à sa mort en 1483. Mais tu sais bien que tout ne peut pas se passer tranquillement, Corentin. Du coup, alors que le jeune fils aîné du roi doit être couronné sous le nom d’Edouard V, Richard, le frère d’Edouard IV, déclare le couronnement illégitime, puisqu’étant le fruit d’un mariage secret, ses neveux ne peuvent accéder au trône. Il s’octroie donc le titre de roi et devient Richard III…
Corentin : Ah oui, je le connais celui-là ! C’est un fameux salaud, un assassin d’enfants ! C’est lui qui a mis ses neveux dans la Tour de Londres et qui les a fait exécuter, non ?
Thomas : Je vois que quelqu’un connaît Shakespeare ! Oui, c’est de lui que je parle. Sauf que de nombreux historiens sont revenus sur cette réputation de monstre, et que peut-être d’autres personnes seraient responsable de la mort des petits princes. D’autres personnes comme le dernier protagoniste de notre histoire, que je vais présenter sous peu. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à lire “La fille du temps”, un excellent polar, de l’autrice Joséphine Tey. Mais revenons à Game of Thr… à la Guerre des Deux Roses.
Donc Richard devient Richard III. C’est une sorte de Stannis Baratheon. Mais ce couronnement rencontre pas mal d’opposition dans le clan des York, déjà pas mal divisé. Et quelqu’un va en profiter, de l’autre côté du détroit séparant la France de Wester… de l’Angleterre. En France, on trouve Henri, de la maison Tudor, un descendant direct des premiers Lancasters. Il est en exil pour rébellion…
Corentin : Attends… mais ça veut dire que cet Henri, c’est…
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Thomas : Eh oui ! Henri Tudor, c’est Daenerys. Alors il ne va pas traverser la Manche avec des dragons, hein, mais avec une armée, qui va rapidement mater celle de Richard III. En 1485, Henri Tudor se fait couronner et devient Henri VII. La Guerre des Deux Roses est terminée - même si certains historiens poussent jusqu’à 1499, avec l’exécution d’un usurpateur se faisant passer pour l’un des fils d’Edouard IV, qui aurait survécu à la Tour de Londres.
Corentin : Bon, et qu’est-ce qu’on retient de tout ça ?
Thomas : Ben déjà que quand on est roi, il faudrait faire moins d’enfants pour ne pas créer trop de jalousie. C’est valable pour l’Angleterre comme pour Westeros. Ensuite que la fin du Moyen Âge en Angleterre, c’est pas facile facile, puisqu’en 100 ans, le pays se mange la peste noire, la guerre de Cent Ans et la Guerre des Deux Roses. Enfin, qu’en la jouant fine et en unissant les maisons de Lancaster et d’York, Henri VII Tudor crée une dynastie qui va marquer l’Europe pendant plus d’un siècle.
Corentin : Eh bien merci pour ces clarifications Thomas. Et surtout, ce que je retiens, de mon côté, c’est que c’est Daenerys qui va se retrouver sur le Trône de Fer. Merci pour le spoil…
Thomas : Mais ça va pas de dire des choses comme ça !?
Game of Roses, War of the Thrones : quand l’histoire inspire la fiction
La série « Game of Thrones » est un succès international comme on en a rarement vu. Mais saviez-vous qu’une partie de son scénario s’inspire de faits réels ? Thomas Hajdukowicz nous parle l’histoire derrière la fiction, en nous racontant la guerre des Deux-Roses.
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