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Corentin : Le 17 mars, comme tous les 17 mars, le monde celtique va se parer de vert et descendre des pintes de Guinness - avec modération évidemment - au son du bodhrán et des Cranberries, puisque c’est le retour de la Saint-Patrick. Slawn-che à toi, Thomas !
Thomas : Slawn-che, Corentin, et vive l’Irlande ! … … … Bon ben salut !
Corentin : Hop hop hop, tu peux pas t’en aller comme ça ! Tu vas nous dire qui c’est, ce satané Patrick, comment il est devenu le saint patron de l’Irlande, et pourquoi on célèbre cette fête un peu partout dans le monde, oh !
Thomas : OK, OK… Donc Patrick, ou Padraig comme on dit en irlandais, est un missionnaire et évêque britto-romain du Ve siècle. Appartenant à une famille de notables locaux, il est capturé à l’âge de 16 ans par des pirates irlandais qui le réduisent en esclavage pendant 6 ans. C’est durant cette période de captivité que sa foi chrétienne va naître et croître.
Après s’être échappé, il retrouve sa famille et décide de se dédier pleinement à la religion. Il part étudier sur le continent, puis, après une vision, trouve sa grande vocation : retourner en Irlande pour évangéliser l’île. En plus des habituelles conversions de masse, notamment de nobles pour avoir un impact sur le pouvoir politique et renforcer l’implantation locale de l’Eglise, Patrick réalise deux ou trois miracles, au rang desquels le plus spectaculaire est certainement l’expulsion de tous les serpents d’Irlande.
Corentin : C’est quoi cette histoire ?
Thomas : Ben c’est comme j’ai dit : Saint Patrick est venu, il a dit “barrez-vous” aux serpents, et depuis, il n’y aurait pas de serpents en Irlande. En fait, cette particularité du biome irlandais est soulignée par des naturalistes romains dès le IIIe siècle. Non, en fait, les serpents seraient peut-être une image pour parler des druides, qui persiflaient la mauvaise parole. En outre, j’ai vérifié, dans certains zoos irlandais, on trouve des vivariums où, JE VOUS LE DONNE EN MILLE, il y a des serpents. Cependant, aujourd’hui encore, certaines personnes invoquent Saint Patrick pour lutter contre les serpents, avec des résultats plus ou moins probants.
En outre, Saint Patrick est connu pour avoir converti l’Irlande en utilisant le trèfle, qui poussait déjà en abondance sur l’île verte. En effet, avec ses 3 feuilles - car la plupart des trèfles ont 3 feuilles - le trèfle est un bon exemple pour représenter le concept pas évident de la trinité divine essentielle dans le christianisme.
Corentin : OK, donc c’est ainsi qu’il est devenu le Saint Patron de l’Irlande, que la Saint Patrick est devenu le jour de la fête nationale irlandaise, et qu’au passage le trèfle est devenu l’un des symboles du pays ?
Thomas : Alors oui pour l’accès à son statut de saint patron et la fête nationale, mais concernant le trèfle, il s’agit en fait d’une légende dont la trace la plus ancienne remonte au XVIIIe siècle, soit plus d’un millénaire après le passage de Patrick sur l’île.
En fait, certains anthropologues pensent que si le concept de Trinité a fonctionné en Irlande - et en fait dans toute l’Europe - c’est tout simplement parce que le panthéon irlandais - comme la plupart des panthéons mythologiques européens - font appelle à ce que l’on appelle les triades divines, à savoir un groupe de trois divinités révérées en un seul concept. Ainsi, les anciens irlandais avaient par exemple Morrigan, composée de Badb, Macha et Anand, comme les anciens grecs avaient les Moires.
Non, en réalité, outre cette belle légende sur Saint-Patrick, le trèfle est devenu le symbole de l’Irlande pour la simple et bonne raison qu’on le trouve partout sur l’île.
Corentin : Merci pour cette précision botanique. Est-ce qu’on sait pourquoi c’est célébré le 17 mars, la Saint Patrick ?
Thomas : Tout simplement parce qu’on estime que c’est le jour de la mort de ce bon vieux Padraig. Faut pas chercher plus loin.
Corentin : Et du coup, aujourd’hui, on fait quoi de spécial durant cette fête ?
Thomas : Eh bien on célèbre la culture irlandaise dans tous ses clichés. On va porter des vêtements verts, comme tu l’as dit en début de chronique, si possible brodés de motifs à feuilles de trèfle. On va boire de la bière brune. On va manger des spécialités irlandaises qui tiennent bien au corps comme des ragoûts ou du colcannon, une purée de pomme de terre et de chou. Et puis on va chanter des chansons, qu’elles soient sonores comme le rock des Corrs, ou plus traditionnelles et douces, comme le classique Danny Boy, ici interprété par Johnny Cash.
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Cette chanson - et bien d’autres, comme Molly Malone ou encore The Moonshiner - est chantée à travers le monde lors des célébrations de la Saint Patrick.
Corentin : Alors tu soulèves un point important : comment cela se fait-il que la Saint Patrick soit célébrée comme ça un peu partout sur terre ? Parce que je n’ai pas l’impression que d’autres fêtes nationales soient célébrées à ce point en dehors des frontières du pays concerné.
Thomas : Tu penses certainement aux parades de la Saint Patrick que l’on peut voir dans certaines villes d’Amérique du Nord, au premier rang desquels il y a Chicago qui teint sa rivière en vert pour l’occasion, et New York. Encore une fois, c’est la faute à l’histoire.
Corentin : Ah la la… Qu’est-ce qu’elle a encore fait celle-là ?
Thomas : L’histoire en elle-même, elle n’a rien fait, on se calme. Par contre, on peut dire qu’au fil du temps, le peuple irlandais a souffert. Entre les raids vikings et normands, puis la conquête anglaise, la vie de l’île n’a jamais vraiment été calme pour les populations l’habitant.
Mais ce qui explique ces célébrations internationales, c’est surtout à cause de l’importante diaspora irlandaise. Au milieu du XIXe siècle, une terrible famine frappe l’Irlande et fait environ un million de victimes. Cette famine a de multiples causes, mais la plus directe est une crise biologique, le mildiou de la pomme de terre, qui ravage les plantations du précieux légume qui était la source d’alimentation principale des plus pauvres. En conséquence de quoi, entre 1,5 et 2 millions d’irlandaises et d’irlandais fuient le pays. Note qu’avant cette crise, l’Irlande comptait environ 8 millions d’habitants. En quelques années, l’île perd entre un quart et un tiers de ses habitants.
La majorité de ces irlandais fuient vers les Etats-Unis, et s’implantent dans les grands centres urbains émergents, ce qui explique les célébrations de leurs descendants dans ces mêmes villes encore aujourd’hui. D’autres partent au Canada, en Angleterre, en Argentine ou en Australie. Aujourd’hui, on estime que les descendants de la diaspora irlandaise sont environ 75 millions, alors que la population irlandaise actuelle, si l’on additionne l’Irlande du Nord à l’Irlande irlandaise, est d’un peu plus de 6,5 millions d’habitants.
D’ailleurs, Corentin, je te propose qu’on se quitte en musique, avec le punk celtique des britanniques de The Pogues dans leur morceau The Body of an American, comme quoi, aujourd’hui, être irlandais, c’est aussi un état d’esprit.
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Corentin : Merci pour ces précisions historiques, Thomas, bonne fête à toutes les irlandaises, bonne fête à tous les irlandais, et surtout, bonne fête à tous les Patricks ! A la prochaine !
Thomas : Shlan lät !
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