CORENTIN : Bonjour à toutes et à tous ! Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, Xavier va nous parler de Science-Fiction ! Et plus particulièrement de dystopie, avec une société qui a mis en place un système de surveillance de masse ! et de crédit social !
[BLACK MIRROR]
Xavier : Corentin ! Stop ! Arrête toi là ! On est pas dans Black Mirror ! C’est pas de science fiction dont je vais parler !
C : Ah bon ? Mais comment ça ?
X : Non effectivement, je peux comprendre d’où vient l’incompréhension. Je vais vous parler de la Chine et ce qui s’y passe est bien réel !
C : Est-ce que tu peux nous expliquer un peu de quoi il retourne alors ? Parce que ça fait froid dans le dos tout de même.
X : Pour faire simple, quitte à être caricatural, je vais vous relire le pitch de l’épisode 1 de la saison 3 de Black Mirror, intitulé Nosedive. Oui alors je vous vois lever les yeux au ciel avec vos écouteurs dans les oreilles, mais écoutez moi, c’est important pour la suite. “La société utilise une technologie où, grâce aux implants oculaires et aux appareils mobiles, chacun partage ses activités quotidiennes et évalue ses interactions avec les autres sur une échelle de une à cinq étoiles, ce qui influe sur l’évaluation globale de cette personne. La moyenne actuelle d’une personne peut être vue par les autres et a une influence significative sur son statut socio-économique.”
C : Et donc c’est ce qui se passe en Chine ?
X : Eh bien, d’une certaine manière, oui ! Si on oublie la mention des implants oculaires, oui. Faisons un petit retour en arrière : En juin 2014, le Conseil des affaires de l’État de la république populaire de Chine, le principal organisme administratif chinois, publie un document dont le titre, traduit en français, donnerait “Avis du Conseil d’État concernant la publication de l’ébauche de planification pour la construction d’un système de crédit social”
C : C’est beaucoup de jargon administratif donc ça l’air un peu ennuyeux comme ça mais je sens le truc kafkaïen, voire Orwellien, derrière…
X : Eh bien tu n’es pas très loin Corentin. Sur le site officiel du conseil des affaire de l’état de la RPC, on peut lire dans ce document du 14 juin 2014 que le système de crédit social est vu comme “un élément important de l’économie socialiste de marché ainsi que du système de gouvernance sociale”. On y lit aussi qu’il a pour but “d’établir une tradition d’intégrité”, que le mécanisme de récompense et de punition est basé sur la “confiance et la méfiance”. L’objectif final avoué étant de construire une “société socialiste harmonieuse”.
C : Ok, donc je vois l’idée, en gros il s’agit de faire en sorte que les citoyens de la RPC se comportent bien c’est ça ?
X : Absolument ! Une bonne action, des points en plus, une mauvaise action, des points en moins. Les personnes qui ont un bon score auront des avantages ou en tout cas moins de difficultés dans leur vie de tous les jours et certains projets qu’ils pourraient avoir envie d’entreprendre. Ceux qui n’ont pas de bons scores, c’est tout l’inverse : on peut leur refuser des prêts, certains parcours universitaires, leur ralentir leur débit internet ou même les empêcher de se déplacer.
C : Mais par bonnes et mauvaises actions, qu’est-ce que tu veux dire ?
X : Je vais te donner quelques exemples. Acheter trop d’alcool ne sera pas nécessairement une bonne chose, par contre s’il s’agit de couches pour bébé, cela montre un certains sens des responsabilités. Les dossiers gouvernementaux sont aussi pris en compte, y compris les dossiers scolaires et médicaux, les évaluations de sécurité menés par l’Etat ainsi que les dossiers financiers, contriburont aux notes individuelles… ainsi que les scores de leurs amis et des membres de leur famille. Il y a bien évidemment un risque, assez élevé ne nous le cachons pas, que ce système serve aussi à museler des opposants politiques au régime.
C : Mais du coup, comment ça marche ? Tu as parlé de l’épisode de Black Mirror tout à l’heure, quel est le lien ?
X : Tu connais la big data, ce terme qui a été la marotte du secteur des technologies ces quelques dernières années ?
C : Ah oui ! C’était avant la blockchain ! Que de souvenirs.
Eh bien, en fait, c’est ça : ce système repose sur la surveillance quasi permanente des citoyens chinois, et sur le brassage de nombreuses, que dis-je, des multitudes de données qui les concernent. Que ce soit par les système de vidéo surveillance, la traque des déplacements, l’étude de leurs achats en magasin ou en ligne, toutes les données sont scrutées et analysées, et ce grâce au développement de plus en plus important des applications de l’intelligence artificielle.
C : Ok mais tout ça c’est déjà d’actualité ? Parce que tu disais que tout ça remontait à 2014.
X : La période de planification est censée se terminer en 2020, après quoi les processus devraient être standardisés. Cependant les conséquences pour de nombreux chinois, qui ne peuvent plus du tout voyager par exemple, sont déjà bien réelles. Pour l’instant, quelques incertitudes planent encore sur les finesses de ce système, mais le plus gros est là et le parti communiste chinois semble vraiment voir son projet aboutir. Et si des voix qui condamnent ce système se font entendre, mettant en avant toutes les dérives possibles, certains nationaux mettent en avant les bienfaits, qui les pousserait à être, je cite un article de Businness Insider sur le sujet, de “meilleurs personnes”.
C : Tout un programme. On repassera en 2020 pour voir où ça en est en tout cas. Merci Xavier de nous avoir glacé le sang et on se retrouve bientôt !
Quand la Chine joue à « Black Mirror » avec ses citoyens
En Chine, depuis plusieurs années, le gouvernement met en place un système de surveillance de masse de ses citoyens. À la clé, un crédit social individuel calculé en fonction des actions de chacun. Xavier Eutrope nous raconte ce système implacable et glaçant.
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