Corentin : Peut-être que quand vous écouterez cette chronique, la situation se sera débloquée. Mais ce qu’on ne pourra pas retirer à Donald Trump, c’est qu’il a battu le record du plus long shutdown de l’histoire des États-Unis, le précédent record étant détenu par l’administration Clinton en 1996 avec 21 jours.
[Extrait avec les burgers ?]
Audrey : Difficile de faire plus américain que cette séquence ! Sur les images, tournées par des journalistes sur place, le président américain présente fièrement le buffet pour les Clemson Tigers, l’équipe universitaire championne nationale de football américain. Sauf que en plein shutdown, pas de cuisinier disponible. Résultat : des centaines de burgers et des pizzas à perte de vues, pour un repas 100% américain … comme il les aime.
Sauf que comme je l’ai dit : si les joueurs n’ont pu se mettre que des big mac refroidi sous la dent, c’est parce que le shutdown sévi. 800 000 fonctionnaire au chômage forcé depuis le 22 décembre … date à laquelle le gouvernement fédéral s’est retrouvé à sec.
C : Comment on en est arrivé là ?
A : Contrairement au reste de la planète, cette situation critique n’est pas dû à une guerre civile, un putsch militaire ni même une révolution … mais une simple confrontation du Congrès américain, composée de la chambre des représentants et du sénat … avec le président des États-Unis.
Et ici, le désaccord se cristallise autour du mur voulu par Donald Trump, à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. D’un côté le président qui demande pas moins de 5 milliards de dollars pour la construction de cette frontière, une promesse de campagne qu’il ne veut pas abandonner. De l’autre, la chambre des représentants désormais contrôlée par les démocrates depuis les élections de mi-mandat en novembre. Et pour eux, impossible d’accepter ce mur
C : Concrètement, quelles sont les conséquences ?
A : Faute de moyen les administrations fédérales américaines sont mises à l’arrêt. Les fonctionnaires jugés « non essentiels » sont alors mis au chômage technique ... le temps qu’un budget soit adopté. Et qui dit chômage technique des employés, dit paralysie des administrations. Sauf que cette fois, ce shutdown est un peu particulier ! Depuis le 22 décembre, c’est un arrêt partiel que connaissent les américain. Du coup, certains administrations y échappent. C’est le cas par exemple La sécurité sociale et de la santé publique, puisque déjà financées en septembre. Côté éducation, rien à signaler : le financement s’opère au niveau des États. Et bien évidemment, l’armée reste épargnée ... sécurité oblige.
C : Mais certains en payent le prix fort
A : Les premiers touchés sont les musées et parcs nationaux … au grand dam des touristes. Mais ça, à la limite, tout le monde devrait s’en remettre ! Ce qui est plus embêtant, c’est que ce shutdown tombe en pleine guerre commerciale avec la Chine. Ainsi, Le département de l’Agriculture … laissant les agriculteurs à travers le pays sans aide de l’État. Ces financements sont pourtant nécessaires pour maintenir leurs exploitations en temps de crise. Même problème pour les industriels, qui devaient être exemptés de droits de douanes supplémentaires, grâce à une aide de l’État .. qui n’a toujours pas été versée. Pire encore : à partir du 1er février, les caisses de la banque alimentaire seront vides, selon l’administration Trump. L’échéance semble un peu plus lointaine .. mais la continuité de cette aide vitale ne serait donc plus garantie pour 40 millions d’Américains à partir de cette date ...
C : Et puis, bonjour les conditions de travail !
A : Le sort des 800 000 fonctionnaires se divise en deux catégories. D’un côté, 380 000 d’entre eux se retrouvent au chômage forcé, renvoyé chez eux sans salaire. Parmi eux, 52 000 employés des impôts … et la majorité du personnel de la NASA sont concernés. Seule solution pour eux, postuler ailleurs pour subvenir à leurs besoins … en attendant le dégel du budget.
Mais pour les 420 000 autres, le scénario est encore pire. Car si la fermeture des parcs nationaux n’a pas d’incidence particulière sur la vie des Américains … certains services doivent continuer de tourner coute que coute. Et cela, même sans argent. Leur mission étant jugée nécessaire, ces milliers d’Américains se retrouvent donc à travailler …. gratuitement. Et ils n’ont pas le choix !! C’est le cas pour 88% des fonctionnaires du département de la sécurité intérieure … mais aussi 41 000 forces de l’ordre et surveillants pénitentiaire. Un grand nombre d’agents vivant «paycheck to paycheck», autrement dit sans marge de manoeuvre financière, se retrouvent ainsi dos au mur
C : Comment ça va se finir ?
A : C’est toute la question. Vu que nous sommes face à un shutdown partiel, les élus sont moins enclins à agir vite. Après tout, l’armée et la sécurité sociale tourne … les écoles aussi.
Même si les fonctionnaires ne sont pas payés, d’ailleurs … puisqu’ils y sont obligés. Bref, de l’extérieur, on est loin d’une catastrophe nucléaire. Du coup, chacun reste sur ses positions. Outre atlantique, les médias ont déjà exploré les scénarios possibles … tous peu probables.
Il y’a déjà la théorie qui voudrait qu’un des deux camps plie. Par exemple, si Trump s’inclinait face aux sondages qui lui sont de plus en plus défavorables … ou si Nancy Pelosi, la nouvelle présidente de la chambre des représentants démocrate, décide de financer le mur pour mettre fin au calvaire vécu par les américains. Problème : les deux sont très têtus … et plier dans cette situation ne ferait qu’affaiblir leur leadership. Donald Trump a bien fait une proposition ce week-end. Celle d’offrir un sursis de 3 ans pour le million de migrants présents sur le sol américain … mais en échange, le congrès financerait le mur. Le rejet ne s’est pas fait attendre du côté démocrate, laissant la situation au point mort.
Autre scénario, lui aussi peu probable : les républicains se révoltent contre Trump … et rejette son projet de mur. Mais avec 2020 approchant à grand pas … les républicains n’ont aucun intérêt à se mettre à dos les électeurs de Trump !
C : Donc le plus probable … c’est l’État d’urgence ??
A : En même temps, il était difficile d’imaginer une présidence de Donald Trump sans un tel recours ! La solution paraît extrême mais le président y songe sérieusement. Dans ce cas là, en déclarant l’État d’urgence, il détournerait une partie du budget alloué au pentagone … pour enfin financer la construction de son mur. Néanmoins, ses conseillers sont un peu frileux quant à ce scénario. La justice stopperait probablement la procédure en attendant de voir si ce montage est bien légal. Et au delà de ça, l’usage de l’état d’urgence pour imposer une décision politique ne brille pas par son aspect démocratique …
Mais plus les jours passent, plus l’étau se resserre autour des citoyens américains. Que ce soit les fonctionnaires sans salaires … que ceux qui dépendent des aides de l’État. On pense notamment aux tribues d’amérindiens à qui il manque déjà 1 millions de dollars pour financer les services de base dans les réserves … On peut alors imaginer que la colère des américains sera bien la seule à faire bouger les choses dans les semaines à venir.
C : Merci Audrey pour ces explications sur le shutdown. On en entend souvent parler, mais c’est vrai que de ce côté de l’atlantique, ce fonctionnement peut nous paraître bien étranger. À très vite !
Record du plus long « shutdown » aux États-Unis : Donald Trump est-il bientôt dos au mur ?
En ce début 2019, les États-Unis connaissent la plus longue période de « shutdown » de leur histoire. Ce blocage législatif sur le budget prive ainsi les Américains d’une partie des services normalement assurée par leur administration. Au centre du litige, le fameux mur antimigrants de Donald Trump ! Comment la situation va-t-elle évoluer ? Éléments de réponse avec Audrey Travère.
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