C : On accueille Benjamin Benoit, qui, pour cette chronique internationale, va nous parler d’une Battle Royale dont personne ne sortira jamais gagnant : Trump contre Kim Jong-Un contre la diplomatie contre l’Internet… et pourquoi ce n’est pas sur Internet que se trouve la solution. Salut Benjamin.
B : Ok. Alors Corentin, nous avons un petit problème. Trois fois rien, mais dans le pire des scénarios, ça peut prendre des proportions gênantes. C’est un souci exposé à la vue de toute personne ayant un poste de télévision ou Internet, car ça se passe sur Twitter. Nous sommes coincés dans un grand drama entre deux personnes qui se tirent la bourre.
C : Bon, tu admettras que ça fait déjà partie de notre quotidien, et surement aussi celui de nos auditeurs.
B : CERTES. Mais une petite particularité quand même : ces deux personnes ont l’arme atomique, et ils ont le pouvoir de bousiller l’ordre mondial.
C : Ah.
B : En effet, « ah ». Je parle bien sûr de Kim Jong Un et Donald Trump, respectivements chef d’État de Corée du Nord et des États-Unis. La première est dernière dictature communiste du monde, dont rien ne sort, sinon une communication officielle extrêmement nébuleuse, puisqu’il impossible de se fier à tout ce qui sort de la Corée Du Nord. Régulièrement, on évoque un fameux intranet aux 17 sites un peu obscurs, mais il n’est jamais possible de confirmer ce genre de choses à 100%. La Corée du Nord et la communication, c’est le second degré de Shrödinger, tu ne sais jamais si c’est du lard ou si c’est du cochon. Évoquons, par exemple, ce compte Twitter, DPRK News Service. Son dernier tweet indiquait que les bookmakers se demandaient si Kim Jong Un allait gagner le prix nobel de Littérature, de Physique ou de Chimie.
C : HMMMMM...
B : Oui, tu as raison d’être sceptique, c’est un fake écrit par un bloggeur. Juste pour dire que Kim Jong Un en tant que figure d’autorité n’est pas pris au sérieux par les internautes occidentaux. Ce qui n’est pas étonnant quand on constate que tout ce qui nous arrive de là-bas se résume à des photos d’un dictateur qui regarde des trucs. Kim Jong-Un regarde un ordinateur. Kim Jong-Un regarde un mélangeur géant. Kim Jong-Un regarde un missile en train de décoller. En bref… nous en rions tous, en tant qu’internautes, comme un réflexe défensif.
Mais ce n’est pas le seul phénomène qui me fascine : les deux chefs d’États ne cessent de communiquer... sans jamais s’adresser directement la parole. Aucun chef d’État américain ne va visiter la Corée du Nord, mais on assiste à une véritable tension médiatique et quasi- sexuelle sur ce début d’ère Trump.
Une ère ou la diplomatie est tout autre. Rex Tillerson, secrétaire d’état américain pas encore atteint par le mystérieux syndrôme du siège éjectable de la Maison Blonche, était en visite à Pékin le dimanche 1er octobre. Il venait d’annoncer que des lignes de communication avaient été ouvertes dans l’espoir d’entamer des discussions avec Pyongyang sur son programme nucléaire.
C : Jusque là, tout va bien.
B : C’est ça. Une approche défaussée par le président Trump, qui a préféré tweeter plutôt que de passer un bon vieux coup de fil. Je vous propose une traduction que voici : “J’ai dit à Rex Tillerson, notre merveilleux secrétaire d’État, qu’il perdait son temps à essayer de négocier avec Little Rocket Man (...) Garde ton énergie Rex, Nous ferons ce qu’il y a à faire !”. C’est hautement symbolique puisque ça voile les efforts diplomatiques de son cabinet et le drape d’une aura militariste. Pour Trump, en théorie, la seule chose à faire est de prendre les armes. Peu étonnant pour le président d’un pays aussi attaché à ses pétoires. Je parle bien entendue de son incapacité à pointer du doigt le port d’armes dans la récente tuerie de Las Vegas.
Les Américains appellent cette décennie les “new tens”, les nouvelles années 10 si vous préférez. Elle est en train de se conclure sur un étrange effet de réel : le président passe sa journée à Twitter sur son compte perso, davantage que sur les canaux officiels. Alors, je ne vais pas commencer à me lancer sur les usages et au verbatime du président américain, hein ?
C : Oui, il faudrait trois jours de chronique, et niveau budget c’est ric-rac.
B : SAD! Comme dirait l’autre. Mais il se passe quelque chose de significatif, à force de twitter n’importe quoi. Il reprend notamment ses menaces verbales à Kim Jong-Un. Je cite : Je viens d’apprendre que le ministre des affaires étrangères de la Corée du Nord allait parler à l’ONU ! S’il ne fait que répéter le petit Rocket Man, ils ne vont pas faire long feu !
[EXTRAIT : TRUMP ROCKET MAN]
B : Donc Trump n’est pas fan d’Elton John, enfin peut-être, mais le Rocket Man pour lui c’est Kim-Jong Un. Il a créé lui-même cette étrange référence lors d’un discours à l’ONU mi-septembre. Mais le fait de menacer clairement l’intégrité d’un pays, après avoir menacé de le supprimer oralement, pose une question improbable. Son compte Twitter enfreint-il les conditions d’utilisations du réseau social ? Et la réponse est oui. Ces menaces sont suffisantes pour être signalées et provoquer la suspension de son compte. Mais même si Trump fait joujou avec l’éventualité d’une guerre nucléaire, il n’est pas n’importe qui et il ne possède pas n’importe quel compte Twitter. Le réseau social a trouvé la pirouette pour ne pas se mouiller dans cette délicate situation en déclarant que son compte était d’intérêt public. Deuxième pirouette, les cadres de Twitter ont décidé de changer les conditions d’utilisation. Trump peut donc insulter qui y veut à volonté.
Mais la vraie raison qui empêche Twitter d’éjecter Trump, elle est financière. Selon une analyse du cabinet Monness Crespi Hardt & Co, si le compte @realDonaldTrump venait à disparaître, Twitter pourrait perdre un cinquième de sa valeur boursière soit deux milliards de dollars. Pour recontextualiser, le réseau social stagne sévère face à Snapchat ou Facebook. Une situation paradoxale pour une entreprise de la Silicon Valley ouvertement anti-Trump (comme toutes les entreprises de la Silicon Valley) mais voilà : à l’instant T ils ont un peu besoin de lui.
C : Et Kim Jong Un dans tout ça ?
B : Et bien, il réplique quand Trump menace son pays. PLOT TWIST ! Il en vient parfois à être plus diplomatique que son homologue, mais lui est noyé sous une montagne de mèmes, car il est plus facile d’en rire. Reddit s’est récemment amusé à parodier une photo de Kim Jong-Un qui venait de refaire surface, où l’on peut voir le dictateur se mettre accroupi, tout sourire, entouré de ses généraux. Idéal pour le photoshopper en face d’un Mini-Trump... ou de le faire décoller tout droit vers l’espace. Kim Jong-Un, lui, n’a pas de compte Twitter, il ne peut donc pas riposter. Eh oui, sans Internet... c’est plus compliqué.
[EXTRAIT : ROCKET MAN - ELTON JOHN.]
B : Voilà. C’était les trois derniers évènements à noter dans ce palpitant feuilleton. Sinon je tenais à dédier cette chronique à LA présentatrice de JT Nord-Coréen, qui a toujours l’air énervée.
[Extrait]
C : Elle a l’air en effet à fond dedans ! Allez, merci Benjamin et à la prochaine.
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