Corentin : Depuis sa création en 2005, YouTube s’est confronté à diverses problématiques éthiques, morales et salariales, aussi.
A la fin mai, Le Monde a enquêté sur ce qui est la nouvelle jurisprudence de la YouTube sphère : le potentiel travail illicite des enfants sur les vidéos publiées sur la plateforme.
Angèle : 2 millions. C’est parfois le nombre de vues que génèrent des vidéos gérées par des parents, mais avec des enfants.
Parmi elles, les plus populaires : Studio Bubble Tea ou Mademoiselle Sabina. (EXTRAIT 1)
Sur ces chaînes, on mêle les déballages de cadeaux, la peinture, les jeux en extérieurs. Tout est fait pour que les enfants mettent en scène leurs vies. Sauf que vous le savez aussi bien que moi, YouTube est un vrai business. Derrière chaque vidéo se cache des milliers d’euros, des sponsors et des partenariats avec des marques.
C : L’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, l’OPEN a donc mis le holà il y a quelques semaines
A : A mis le holà oui, tout du moins a commencé à pointer du doigt ce qui pourrait être du travail illicite. Aux yeux de la loi, faire apparaitre un enfant de moins de 16 ans à la télévision, au cinéma ou à la radio est un véritable casse-tête. Outre l’autorisation logique écrite des parents, il faut aussi faire sa demande au Préfet du siège de l’entreprise mais aussi à la Commission des enfants du spectacle.
Parmi d’autres points, il y a aussi l’interdiction de faire travailler un enfant la première semaine de rentrée scolaire. Les pauses sont très réglementées et le salaire aussi, bien évidemment.
Bref, un bazar pas possible dont sont dispensés les parents qui mettent en scène leurs enfants sur YouTube.
C : Par contre, c’est bien plus facile de gagner de l’argent
A : Il y a deux manières d’en gagner sur YouTube vous le savez sûrement : les vues et le sponsoring.
Des marques payent les YouTubeurs pour qu’ils parlent de leurs produits. Parfois, ce sont des rémunérations physiques dans le sens où les produits leurs sont donnés, à défaut de les payer.
C : Combien les vidéos de leurs enfants leur rapportent-ils ?
A : Comme souvent, la question de la rémunération est un peu floue. C’est difficile d’avoir des informations, comme ça l’est pour les gros YouTubeurs comme Cyprien, Squeezie ou Norman. Selon 20 Minutes, la chaine Démo Jouets qui compte plus de 900 000 abonnés, toucherait environ 5000 euros par mois, grâce à la pub. A titre d’exemple.
C : Se pose alors là la question du temps de travail, comme dans n’importe quel boulot
A : Même si l’OPEN ne vise aucune chaîne à travers sa lettre, certaines publient presque trente vidéos par mois avec leurs enfants. Des vidéos qui peuvent aller jusqu’à 11 ou 12 minutes. Sans compter les rushs et scènes coupées, cela représente un temps de travail considérable.
Il est d’autant plus difficile pour un enfant de se rendre compte de ça tant son job consiste à ouvrir des cadeaux, en recevoir et à jouer en rigolant. Mais comme le note Le Monde, il n’est pas certain que les enfants distinguent de la publicité, du placement de produit à un simple test de jouet, par exemple.
Au niveau de la rémunération, c’est bien évidemment les parents qui encaissent l’argent récolté via YouTube. Beaucoup se sont défendus en déclarant mettre tout de côté pour leurs enfants jusqu’à leur majorité.
C : Aux Etats-Unis, les chaînes familiales ont déjà eu leur lot de polémiques
A : En novembre, l’une des plus célèbres, Toy Freaks a même dû fermer. Le père avait été accusé de maltraiter ses deux filles de 9 et 7 ans. Impossible de vous en retrouver des extraits mais en gros, il jetait par exemple des crapauds dans leur bain, il mettait de la mousse à raser sur elles alors qu’elles étaient en train de pleurer…
C’est aller plus loin pour le YouTuber Michael DaddyOFive Martin. Lui et sa femme ont perdu la garde de leurs cinq enfants l’année dernière. En cause, leurs canulars mis en scène. (EXTRAIT 2)
Il y a eu moins de polémiques en France. On se souvient quand même de la vidéo de Tony, 7 ans, mis en scène par son frère en train de dire : « bonjour, je m’appelle Tony et j’ai une grosse bite », en proférant ensuite un certain nombre d’insultes.
Il y a encore peu de polémiques oui, mais les psychologues se posent aussi beaucoup de question de l’impact sur le moral des enfants en faisant ces vidéos.
C : Ont-ils le choix, jusqu’à quel point travaille-t-il ou est-ce encore du plaisir pour eux…
A : Tout à fait. Créer une vidéo avec ses enfants peut aussi, sans forcément parler tout de suite d’argent, partir d’une démarche narcissique. Des parents aiment mettre en scène leurs enfants. Un peu comme des mamans inscrivent leurs filles à des concours de Miss, tu vois.
Comme le dit Marion Haza, une psychologue membre de l’OPEN et interrogée par Le Monde, c’est un peu le prolongement d’eux-mêmes.
Pour le directeur des opérations d’e-Enfance, une association de protection de l’enfance sur Internet, Samuel Comblez, « se dévoiler tout le temps n’est pas sain pour la construction du rapport à soi et aux autres ».
Se pose aussi encore une fois le problème de l’argent. Le chanteur Jordy par exemple, s’est retrouvé confronté à un gros problème (EXTRAIT 3)
Véritable bébé-star planétaire avec son tube Dur dur d’être un bébé, il eu la mauvaise surprise de découvrir un compte en banque bien maigre à sa majorité. Dans sa biographie sortie en 2006 et intitulée Je ne suis plus un bébé, il raconte comment son père et ancien producteur avait récupéré l’argent que son fils avait gagné alors qu’il avait seulement 4 ans à la sortie de cette chanson.
Ce que son père réfute, mettant en cause la maison de disque. Bref, un véritable imbroglio, là aussi.
C : On ne souhaite pas ce sort à tous les enfants de YouTube mais c’est effectivement ce qui peut arriver. Si la justice française s’intéresse à ce que dénonce l’OPEN, ce serait une première. Merci Angèle Chatelier d’avoir fait le point la-dessus, et à très vite.
Chaînes YouTube mettant en scène des enfants : travailler n’est-il pas jouer ?
Elles sont nombreuses, ces chaînes où de petits enfants déballent avec joie des jouets et autres friandises. Et les parents également sont bien contents quand ils déballent les chèques issus des revenus publicitaires ou de sponsorinq. Avec Angèle Chatelier, on regarde si, oui ou non, il n’y aurait pas un peu de travail déguisé là dessous.
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