CORENTIN : Aujourd’hui, Xavier Eutrope va venir nous parler d’une décision de Facebook qui a beaucoup fait parler récemment : la suppression du ciblage des utilisateurs en fonction de critères ethniques et religieux. Est-ce que j’ai bien compris Xavier ?
XAVIER : bonjour à toutes et à tous, bonjour Corentin ! Le 21 août, le blog corpo de Facebook dédié aux questions “business” publie un article intitulé “keeping advertising safe and civil”, comprendre “Assurer la sécurité et la civilité de la publicité”.
C : Mais qu’est-ce que ça veut dire, “Assurer la sécurité et la civilité de la publicité”, Xavier ?
X : eh bien dans le post de blog, on apprend que Facebook va, d’ici l’automne, supprimer 5000 options de ciblage publicitaire afin, je cite, “d’éviter les abus”. Lesdites options pouvaient ainsi permettre de ne pas montrer des publicités à certaines personnes sur des bases religieuses ou ethniques. Le communiqué du réseau social précise que certaines des options qui disparaîtront bientôt ont pu être utilisées de façon légitime mais qu’il était préférable de limiter les risques d’usages mal intentionnés.
C : J’ai du mal à me représenter ce que ces 5000 options de ciblage représentent, est-ce que c’est important par rapport à l’ensemble des possibilités données aux annonceurs ?
X : Alors c’est une très bonne question. Le site AdExchanger, spécialisé dans la publicité en ligne, l’a d’ailleurs posée à un porte-parole de Facebook. Ainsi on apprend que le réseau social ne donne pas le nombre exact d’options de ciblage qu’il propose aux annonceurs mais on comprend aussi que cette suppression n’aura pas d’effet vraiment significatif sur le nombre total.
C : Mais alors qu’est-ce qui a motivé Facebook à prendre cette décision ? Généralement le réseau social ne prend pas trop des décisions de ce genre sauf s’il y a eu un scandale...
X : tu as tout à fait raison Corentin. En fait Facebook s’est fait taper sur les doigts. Dans le courant du mois d’août, le Département du logement et du développement urbain des États-Unis a déclaré dans une plainte administrative que Facebook avait violé le Fair Housing Act, une loi garantissant un accès équitable au logement pour les citoyens américains. En cause : les systèmes de ciblage mis en place par Facebook permettant aux annonceurs d’exclure certains publics, comme les familles avec de jeunes enfants ou les personnes handicapées, de voir des annonces de logement.
[REPONSE]
Là on vient d’entendre un extrait d’un segment sur la chaîne CNBC durant lequel la journaliste rapporte les propos du porte parole de Facebook disant notamment que la discrimination n’a pas sa place sur la plateforme, cela en réponse à l’action du département du logement. Mais il n’était pas le seul à taper sur les doigts de Facebook.
C : Comment ? Il y avait un autre challenger dans la bagarre ???
X : Oui ! Un autre acteur de l’État s’en est mêlé ! Le ministère de la Justice américain ! Rien que ça ! Ce dernier a soutenu une poursuite intentée contre Facebook par des défenseurs de l’accès au logement. Les plaignants avancent à peu près les mêmes choses que dans le cas du département du logement : les outils publicitaires de Facebook permettent à ceux qui mettent en avant leur bien immobilier d’opérer des discriminations en excluant du ciblage certaines personnes.
C : Bon ok. Mais j’imagine qu’il faudra attendre un peu pour voir ce que tout cela donne ?
X : Probablement Corentin. Mais il faut se rendre compte que tout cela ne date pas d’hier ! Une partie de cette affaire remonte à 2016. Cette année-là, le site Propublica, spécialisé dans les enquêtes visant à défendre l’intérêt public, avait apporté la preuve que le réseau social permettait à certains annonceurs de procéder à ce genre de ciblage, effectivement discriminant. À l’époque, un cadre de Facebook avait défendu l’outil de la société en expliquant qu’il est parfois important pour les annonceurs d’avoir la possibilité d’inclure et d’exclure des groupes lorsqu’ils testent la performance de leurs opérations marketing.
C : Mais Facebook était resté sans rien faire à l’époque ?
X : Non. Le 11 novembre 2016, soit environ deux semaines après le papier de Propublica, Facebook publiait un post indiquant qu’ils allaient travailler sur des outils désactivant automatiquement l’utilisation de la fonction d’affinité ethnique dans certains cas. En l’occurrence, les annonces qui concernent le logement, un emploi ou un crédit.
C : je crois me souvenir qu’il y a eu une polémique autour du ciblage publicitaire des adolescents l’année dernière ?
X : Tout à fait Corentin. Ici la problématique n’est plus celle de l’exclusion discriminatoire sur base religieuse ou ethnique mais d’un ciblage sur des critères... très discutables. En mai 2017 une enquête du journal The Australian montre que la branche australienne du réseau social donne la possibilité aux annonceurs de cibler des adolescents lorsqu’ils sont en état de détresse. Les journalistes ont mis la main sur un document de Facebook de 23 pages à destination des professionnels du marketing qui énumère les possibilités offertes par les algorithmes du réseau social qui analysent les données des utilisateurs. Ainsi il est possible pour une marque de s’intéresser particulièrement aux jeunes qui se sentent “stupides” ou “inutiles” et de leur montrer des publicités spécifiques qui capitalisent sur cet état de faiblesse. Dans ce cas ou dans celui qui nous a intéressé au début de cette chronique, les perspectives sont peu réjouissantes. Et c’est sans parler d’autres utilisations du ciblage, ethniques notamment, à des fins politiques et électorales. Ce sera peut-être pour une autre chronique.
C : Il s’en passe décidément des choses dans les méandres algorithmique de Facebook. Merci en tout Xavier de nous avoir exposé ce problème relatif à la pub sur ce réseau et à la prochaine.
Ciblage ethnique : Facebook sommé d’arrêter de voir en noir et blanc
Facebook s’est récemment fait épingler pour avoir permis aux annonceurs certaines méthodes de ciblage. En l’occurrence, en fonction de leur couleur de peau ou de leur religion, certaines personnes ne pouvaient pas voir des publicités pour des logements ou des offres d’emploi. Voyons comment le réseau social a réagi avec Xavier Eutrope.
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