Corentin : Dans la vraie vie, on apprend à éviter les situations dangereuses, comme les cambriolages, les vols ou les agressions. Sur Internet, c’est plus compliqué. Le cyberharcèlement est une réalité. Il reste pourtant un phénomène mal compris et dont la gravité est trop souvent sous-estimée. Bien des victimes se sentent impuissantes et n’osent pas témoigner. Lucie Ronfaut du Figaro Tech va nous apprendre à mieux nous protéger, et à dénoncer ces actes lorsqu’ils se produisent.
Lucie : Je vais commencer par la chose la plus importante : malheureusement, face au harcèlement en ligne, il n’existe pas de solution miracle. Selon son profil et le contexte du harcèlement subi, les réponses varient pour chaque individu ciblé par les harceleurs. Il existe néanmoins quelques réflexes utiles pour, d’une part, mieux se protéger, et, d’autre part, dénoncer ces actes lorsqu’ils se produisent.
Le premier conseil que je vous donnerais, c’est de connaître vos vulnérabilités. Pour se protéger un maximum de potentiels harceleurs, il faut être attentif aux traces que l’on laisse sur Internet, afin qu’elles ne soient pas utilisées à mauvais escient. De temps en temps, cherchez votre nom sur Google et d’autres moteurs de recherche. Inspectez les résultats: votre adresse personnelle se trouve-t-elle en ligne? Peut-on retrouver facilement votre mère, votre père ou vos frères et sœurs? Les projets que vous soutenez sur Patreon? Des photos gênantes sont-elles associées à votre nom et votre prénom? Vous pouvez ensuite réagir comme vous l’entendez, selon le caractère plus ou moins privé des informations.
C : d’ailleurs, sur Google il est possible de créer une alerte automatique pour être prévenu de la publication d’un contenu en ligne portant votre nom ou votre pseudonyme, par mail. Cette option peut-être pratique pour repérer rapidement les articles ou les discussions sur des forums qui vous mentionnent.
L : Un autre risque, quand on est cyber-harcelé, est de voir ses comptes en ligne piratés. Il faut donc veiller à leur sécurité. Protégez vos comptes d’un mot de passe solide et différent pour chaque compte. L’utilisation d’un gestionnaire peut être précieuse si vous êtes inscrits sur des nombreux sites. Pensez par ailleurs à activer la double authentification pour les plateformes qui le proposent. Cette option vous permet de vous connecter sur votre compte en deux étapes: avec votre mot de passe, puis un code que vous pouvez obtenir via, par exemple, un SMS. De cette manière, si une personne tente de forcer votre compte, vous en serez vite informé... et protégé. Sur Twitter et Facebook, cette option est disponible dans les paramètres, puis dans le menu dédié à la sécurité. On peut aussi l’activer sur YouTube, Instagram, Snapchat, Amazon, etc.
[Prevention harcelement]
Lorsque l’on est harcelé en ligne, il est tentant de ne pas se laisser faire et de répondre aux messages insultants. Cette méthode demande de l’endurance et peut être épuisante, voire contre-productive sur le long terme. Il n’y a pas de honte à se cacher de harceleurs, de la même manière qu’on utilise une moustiquaire quand on se rend dans une région envahie par les insectes.
Deux options s’offrent à vous, selon vos envies et les plateformes: bloquer ou «muter».
Dans le cas du “bloc”, votre compte sera inaccessible à la personne, et vous ne verrez plus ses contenus non plus. Muter est une méthode légèrement différente. Elle permet de ne plus voir les contenus d’une personne. Cette dernière, en revanche, pourra toujours accéder à votre profil, mais elle ne sera pas informée qu’elle est «mutée». C’est une fonctionnalité utile si vous souhaitez gagner un peu de tranquillité d’esprit, sans alerter les personnes qui vous harcèlent. Enfin, pour vraiment se planquer, pensez à l’option de passer votre compte en privé, sur Instagram ou Twitter. De cette manière, seules les personnes que vous acceptez peuvent consulter vos messages, photos et vidéos.
C : et enfin, il faut rappeler que l’on peut signaler les contenus problématiques aux équipes de modération des réseaux sociaux, et surtout porter plainte pour cyberharcèlement.
L : On a tendance à l’ignorer, mais on peut absolument porter plainte en cas de cyberharcèlement. Cette procédure peut être faite en commissariat ou à la gendarmerie. Il est conseillé de collecter le plus de preuves possible, au travers de captures d’écran. Même si vous ne connaissez pas l’identité de vos agresseurs, une enquête peut permettre de les retrouver.
On en a eu la preuve qu’en matière de cyber-harcèlement justice peut être rendue dans les tribunaux. Comme la annoncé le journal du soir d’Europe 1, le 3 juillet dernier :
[Son Europe 1]
En effet la journaliste Nadia Daam, victime d’une campagne de cyberharcèlement particulièrement violente, a porté plainte, entraînant l’identification de sept suspects, dont certains ont depuis été condamnés comme on vient de l’entendre.
L : En France, le Code pénal prévoit des sanctions pour punir le harcèlement moral et/ou sexuel, de manière individuelle à travers des actions répétées. Par ailleurs, le projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes, déjà adopté à l’Assemblée nationale, prévoit de punir les actions de cyberharcèlement groupé. Une personne pourra être condamnée même si elle n’a envoyé qu’un seul message dans le cadre d’un «raid».
Le cyberharcèlement est malheureusement un phénomène fréquent, qui touche tout type d’internautes. Souvenez-vous en: rien ne justifie, ou ne mérite, d’être harcelé sur les réseaux. Même si vous communiquez fréquemment en ligne, que vous publiez souvent des photos de vous ou que vous aimez partager votre opinion. Tout le monde a le droit de naviguer sur Internet comme il l’entend, à condition de respecter les lois et les autres.
C : Merci lucie pour ce point sur ces gestes à adopter en cas de cyber-harcèlement. D’autant que ça peut vraiment arriver à tout le monde. À bientôt !
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