Corentin : Facebook, fondé il y a quatorze ans, connaît depuis quelques années de graves turbulences. Une enquête du New York Times révèle ce qui s’est passé en coulisse pendant ce temps là. Xavier Eutrope est venu faire un point sur l’affaire. Salut Xavier, alors, de quoi est-il question.
Xavier : Bonjour Corentin ! Bonjour à toutes et à tous. Le 14 novembre, le quotidien américain a publié une enquête intitulée “Delay, Deny and Deflect: How Facebook’s Leaders Fought Through Crisis” dans la langue de Shakespeare, ce qui donnerait en Français “Retarder, nier et dévier : Comment les leaders de Facebook ont lutté contre la crise”. Cette enquête s’attarde, comme tu l’as dit Corentin, sur les cuisines internes de Facebook face aux crises, et particulièrement entre deux personnes.
C : j’imagine que Mark Zuckerberg fait partie de ces deux personnes ?
X : Bien vu Corentin, mais en même temps tu n’as pas vraiment pris beaucoup de risque ! Mais le créateur de Facebook n’est pas la seule personne autour de laquelle cette enquête est centrée, puisqu’elle concerne aussi Sheryll Sandberg, ex Google et qui a travaillé dans l’administration Clinton dans les années 90. Elle est actuellement la COO de Facebook, ce qui équivaudrait en France au poste de Directeur de l’exploitation. Autant dire qu’elle est très importante dans l’entreprise, où elle travaille depuis 2008, mais aussi plus globalement dans de nombreux cercles de la tech outre atlantique, et même dans le champ politique.
C : Bon Xavier, quelles sont les crises dont tu parlais tout à l’heure ?
X : très bonne question Corentin, commençons par le commencement. Disons que Facebook doit affronter de nombreuses problématiques. Tout d’abord, et c’est peut-être l’un des sujets les plus clivants, politiquement parlant aux Etats-Unis, c’est la probable collusion du pouvoir russe dans l’élection présidentielle américaine de 2016, qui a vu Donald Trump être élu à la fonction face à Hillary Clinton au terme d’une campagne particulièrement tendue.
C : oui effectivement, on s’en souvient, c’était pas tout le temps super beau à regarder.
X : Il y a aussi, et c’est toujours lié à l’élection présidentielle américaine, l’affaire Cambridge Analytica, société qui travaillait pour la campagne de Donald Trump. Celle-ci a obtenu de façon franchement douteuse puis utilisé des données de très nombreux utilisateurs de facebook dans le but de les profiler de la façon la plus précise.
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C : franchement c’est un bazar sans nom cette affaire.
X : La troisième grosse crise est celle qui touche à la responsabilité de Facebook dans les évènements qui ont touché le Myanmar. Pour rappel, le gouvernement de ce pays d’asie du sud-est majoritairement boudiste a violemment attaqué les Rohingas, minorité en grande partie musulmane présente dans plusieurs pays de la région. De nombreuses exactions ont été rapportées par des journalistes sur place et l’ONU estime que ces violences qui ont commencé en août 2017, peuvent être qualifiée de génocide. Facebook a permis, par ses nombreuses fonctionnalités, le partage de contenus qui incitaient aux violences contre les rohingas et à la désinformation. Cette critique n’est pas spécifique à ce pays, mais les conséquences étant particulièrement dramatique, c’est un peu l’exemple du pire que permette Facebook. Il y a eu de nombreux autres problèmes et critiques abordés dans l’article, mais ce sont à mon sens les trois plus représentatifs.
C : Oui effectivement, c’est extrêmement grave. Mais que nous dit l’article ?
X : Dans un sens, il révèlent avec des dates et des situations précises ce qui se pensait déjà pas mal : que les leaders de Facebook ont été dépassés, ou n’ont pas voulu regarder les choses en face, ont laissé les choses pourrir ou n’ont pas voulu prendre de décisions eux-mêmes. Concernant l’activité des hackers russes sur le réseau social pendant l’élection présidentielle, la décision prise à la tête de la société a été de ne pas le rendre publique avant plusieurs mois puis de minimiser l’ampleur des évènement et de ne jamais parler clairement de la Russie. Pour ce qui est de l’utilisation du service pour propager des messages haineux et violents, comme cela a pu être le cas lors de la campagne de Donald Trump, des considérations politiques ont amené la société a ne pas prendre trop de risque.
C : Politiques ? C’est à dire, à quel niveau ?
Comme pour l’affaire des hackers russes, il semblerait que les têtes de Facebook ont estimé qu’aller trop profondément dans ces affaires, cela risquait d’endommager l’image de la société auprès des élus républicains et des pro-trump, qui auraient vu là une alliance objective avec les démocrates. Si on revient à ce qui s’est passé au Myanmar, Facebook a ignoré les appels des chercheurs qui avaient établis l’importance des outils proposé par Facebook dans le partage de contenu toxiques. Et sur Cambridge Analytica, les cadres ont essayé de jouer la montre et ont, globalement, un peu fait les autruches, avant évidemment de se confondre en excuse. Concernant le Myanmar, Facebook a très récemment admis ne pas avoir fait assez.
C : C’est très perturbant. Quelles vont être les répercussions ?
X : il est encore très tôt pour le dire et honnêtement, je ne sais pas s’il se passera quoi que ce soit. Pour Mark Zuckerberg, qui est accusé de ne pas avoir participé à certaines des prises de décision les plus importants à Facebook, il ne se passera probablement rien. Peut-être sera-t-il de nouveau convoqué au congrès pour être questionné sur l’intervention russe. Sheryl Sandberg, qui n’était apparemment pas contente des enquêtes menées en interne sur les hackers russes, ne risque probablement rien non plus. Reste que la société n’a pas demandé le retrait de l’article, ce que fait généralement une société lorsqu’elle estime qu’une histoire est totalement fausse, comme le fait remarquer le site Recode.
C : ah oui tiens, quelle a été la réponse de Facebook ?
X : eh bien le conseil d’administration, dont font partie Mark Zuckerberg et Sheryl Sandberg, soutient Mark Zuckerbeg et Sheryl Sandberg décrit l’article comme étant grossièrement injuste. Comme ça on avance bien.
C : En effet c’est un peu court. Merci en tout cas Xavier d’avoir fait le point avec nous sur cet article du New York Times ! À très vite.
Facebook et les crises : une gouvernance de plus en plus pointée du doigt
2018 a été annus horribilis pour Facebook. Comment les plus hautes sphère de l’entreprise, à commencer par Mark Zuckerberg, ont-elles géré les différentes crises qui ont frappé le réseau social ? Mal, à en croire le « New York Times » dans un récent article. Xavier Eutrope nous résume tout ça.
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