Corentin : Bouleversement chez Facebook, panique chez les médias! Mark Zuckerberg a annoncé le 12 janvier qu’il allait modifier les fils d’actualité de ses utilisateurs pour favoriser les contenus de vos amis et diminuer la visibilité des posts des marques et des médias. Pour les sites d’info qui ont beaucoup misé sur le réseau social pour développer leur audience, c’est une catastrophe. Marie Turcan nous explique pourquoi c’était prévisible, et ce qu’il risque de se passer.
Marie : Ce matin Corentin, je n’ai qu’une question pour toi, et pour nos auditeurs. Et toi. Tu ferais quoi?
[EXTRAIT Si on devait mourir demain (0:38)]
https://www.youtube.com/watch?v=KZEVTPN1hvo
Qu’est-ce qu’on ferait de plus, qu’est-ce qu’on ferait de moins? Et bien, si on pose la question aux médias cette semaine, beaucoup diront sûrement la même chose: on miserait beaucoup, beaucoup moins sur Facebook.
Parce qu’à la surprise de: personne, Facebook a encore décidé de changer son algorithme. Et cette fois, les sites d’info ont vraiment les chocottes. (oui, les chocottes)
C : Bon alors, pourquoi tremblent-ils tant?
M : Et bien Mark Zuckerberg a une idée bien particulière de la notion de “voeux pour la nouvelle année”. En apparence, on dirait une vision de conte de fées: le patron de Facebook a annoncé que son projet pour 2018 était de “rapprocher les gens”. Entendre, qu’ils se rapprochent en utilisant son réseau social hein ? Pas en organisant des apéros-sauvages pour que tu puisses partager un bâtonnet de carotte trempé dans du houmous place de la République avec ton voisin.
En gros, Facebook va changer ton fil d’actu. Aujourd’hui, quand tu ouvres le réseau social, les posts qui s’affichent en premier sont soit ceux des amis avec qui tu interagis beaucoup, soit les médias sur lesquels tu cliques. Souvent, ce sont des vidéos intégrées à la plateforme, car les vidéos, ça buzz, ça clique, ça attire l’attention, et donc ça remonte dans les fils d’actualité des gens.
C : Tu veux dire que bientôt je n’aurais plus de vidéos de chatons mignons ou de tests de buzzfeed qui pour savoir quel personnage du Roi Lion je suis ?
M : Alors, c’est plus compliqué que ça. Facebook veut mettre en avant les publications de tes proches, mais aussi les publications de médias qui “génèrent de la discussion”. Ca implique surtout les posts des sites d’info qui incitent les internautes à se tagger. Du genre: “arriveras-tu à reproduire cette recette de cupcakes à la fleur de courgette?” Ou bien “10 signes que vous êtes en fait un pervers narcissique”.
C : Et les sites d’info qui font de la news brute ?
M : C’est ce cas précis qui est le plus dérangeant. Les grosses pages comme celle du Monde ou du New York Times n’auront probablement pas de souci à “percer”, car elles ont une audience déjà faramineuse.
Mais les plus petits sites vont devoir redoubler d’ingéniosité pour maintenir un “reach” correct. Le “reach”, c’est le nombre de personnes qui vont voir le post publié sur ta page. Ca correspond généralement à 10% du nombre total de fans qu’il y a sur Facebook.
Du coup, en abaissant ce “reach”, Facebook va mécaniquement faire baisser le nombre de visites sur un site d’info. Or, l’audience justifie à la fois les tarifs de la pub en ligne, mais aussi simplement la capacité à être visible et avoir un impact sur le débat public.
C : Mais pourquoi Facebook a décidé de faire volte-face soudain?
M : Et bien je crois que Mark Zuckerberg est aussi fan que moi de Zaho.
[La roue tourne
https://www.youtube.com/watch?v=HMPVdA2v6tQ]
Plus sérieusement, Facebook est un habitué des volte-faces. Et jusqu’ici, les médias ont été obligés de suivre:
Facebook lance les Instant Articles pour que les médias publient directement leurs textes dans sa plateforme ? Plusieurs journaux se lancent dans les Instant Articles.
Facebook favorise le reach des pages qui font de la vidéo ? Les sites d’info font de la vidéo en masse.
Et je ne parle pas des médias comme Brut ou Loopsider, qui n’ont pas de site internet. Brut produit des vidéos qui deviennent virales, et c’est sur ça qu’ils basent leur stratégie — à défaut de gagner de l’argent.
Si Facebook fait baisser leur visibilité, c’est tout leur modèle qui s’écroule.
Bref, c’est une relation de dépendance extrêmement forte.
C : Qu’est-ce que gagne Mark Zuckerberg à faire disparaître les médias de sa plateforme ? Ça crée quand même de l’audience et des interactions, non ?
M : La réponse est plutôt simple: Zuckerberg est complètement dépassé par ce qu’est devenu son réseau social.
Depuis l’élection américaine de 2016, il s’est rendu compte que son réseau social était utilisé pour propager des informations volontairement mensongères, dites “fake news”. Au début, il refusait de reconnaître le rôle de sa plateforme, mais il a été obligé de se rendre à l’évidence. Facebook a donc doublé son nombre de modérateurs, fait des partenariats avec des médias pour vérifier les infos… Mais... ce n’est pas assez. Clairement, les fakes news ont gagné une partie de la bataille.
Du coup, hop, revirement de stratégie. Zuckerberg annonce que son réseau social n’est finalement pas une plateforme d’information, et décide de baisser la visibilité des médias.
C : En gros, on cache la poussière sous le tapis...
M : C’est un terrible aveu de faiblesse. Et Mark Zuckerberg le vit très mal. En fait 2018, c’est l’année où Zuckerberg expérimente un tout nouveau concept: la crise de la quarantaine, mais à 33 ans.
Il réalise que son bébé a été utilisé pour “mettre en danger la démocratie”, comme il dit, et ça ne lui plaît pas, mais pas du tout. D’ailleurs, il a récemment expliqué qu’il voulait que ses deux filles, quand elles seront grandes, “pensent que leur père a construit quelque chose de bien pour le monde”. En gros, il a peur de rester dans l’Histoire comme le mec qui a favorisé l’émergence d’un tas de mouvements antidémocratiques.
C : Et qu’est-ce qu’on en dit du côté des médias ?
M : Pour citer un journaliste américain, c’est le moment où on se rendra compte de la véritable audience d’un site d’information. Beaucoup de média savent générer du trafic, mais combien ont une audience fidèle ? On ne va pas tarder à le savoir.
C : Merci Marie Turcan pour ce revirement annoncé de la stratégie du géant Facebook, et à la prochaine.
Facebook et les médias : couvrez ces fake news que l’on voit trop
La nouvelle politique de Facebook concernant les flux d’actualités n’est pas une bonne nouvelle pour les médias qui avait le pari de cette plateforme. Marie Turcan de « Business Insider France » fait le point… et compte ce qui pourrait bien être les futurs morts.
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