CORENTIN : Bonjour à toutes et à tous. Aujourd’hui, Xavier Eutrope est venu nous parler d’un sujet…. un peu… compliqué. Je ne suis pas prêt du tout.
Xavier : Courage Corentin, tu peux le faire !
C : donc Xavier va nous parler d’une série de vidéo qui a fait son petit effet sur Twitter et qui pose beaucoup de questions sur le business modèle de YouTube. Maintenant c’est à toi Xavier, moi je vais me boucher les oreilles.
X : Merci Corentin, bonjour à toutes et à tous. Pour commencer, je vais vous faire écouter un court son, préparez vous.
[Johnny1]
X : je vais vous décrire rapidement ce qui vient de se passer. Il s’agit d’une courte vidéo , qui dure environ une minute trente, dans laquelle on voit, dans une animation de synthèse pas géniale un bébé avec une grosse tête nommé Johnny. Tout d’abord, et c’est l’extrait que nous avons entendu, son papa lui demande de se lever. Ce que fait Johnny très rapidement. Mais, ce qu’il faut savoir, c’est que Johnny est allongé à côté d’une sorte de grosse glace qui dort aussi ? C’est vraiment très étrange. Puis Johnny va se laver et se prépare pour aller à l’école, toujours sur la même chanson.
C : C’est...un peu perturbant.
X : Si je vous parle de ça aujourd’hui, c’est parce que le 18 août 2018 un utilisateur de Twitter a posté une vidéo du compte YouTube BillionSurpriseToys, qui combine « Johny Johny Johny Yes Papa » avec la chanson « Baby Shark », que je vais vous faire écouter tout de suite :
[Baby Shark]
Et bien évidemment de nombreux meme ont suivi. Mais aux origines, le papa demande à Johnny s’il a mangé du sucre, il lui répond que non, papa demande s’il ment, Johnny reste sur la négative, papa lui demande d’ouvrir la bouche, etc. tout ça sur le même air. Puis il y a eu de nombreuses variantes, toutes plus aliénantes les unes que les autres.
C : Mais d’ou viennent Johnny et ses parents ?
X : Alors la chaîne YouTube Billion Surprise Toys n’a rien inventé. L’air est bien connu, il s’agit d’ah vous dirai-je maman, une comptine qui remonte au 18ème siècle, adaptée sous le nom de Twinckle Twinckle Little Star en Anglais. Mais les paroles de la chanson, dans laquelle papa demande à Johnny s’il a mangé du sucre et s’il ment remonterait aux années 80, voire aux années 60. La première version animée de la comptine semble avoir été mise en ligne en 2009 si on en croit le site Know Your Meme. On voit un papa face à son enfant qui a une main dans le pot de sucre. Puis en 2012 une vidéo mettant en scène un personnage ressemblant à Peter Griffin de Family Guy dans la même situation est uploadée. Elle accumulera près de 7 millions et demi de vues en trois ans. Puis les copies se sont multipliées au fil des années. En réalité, les vidéos “Johnny Johnny” s’insèrent dans une mouvance plus globale qui pose de nombreuses questions.
C : C’est à dire Xavier, de quelle mode tu parles ?
X : Depuis quelques années, il y a une multiplication des contenus qui ressemblent à des programmes pour enfants, reprenant les codes de ce que l’on peut voir à la télévision ou sur les plateformes de Streaming type Amazon Prime ou Netflix… mais qui sont proposés par des comptes dont on ne sait pas grand chose. Ce que l’on sait en revanche, c’est que ces vidéos engrangent des millions de vues, que ces comptes en cumulent des milliards
C : Tu disais juste avant qu’il y avait différents types de vidéos de ce genre, tu peux nous donner quelques exemples ?
X : L’un de ceux qui me vient le plus vite à l’esprit reste sans doute les vidéos qui mettent en scène Spider-man et Elsa du film disney la reine des neiges, deux personnages extrêmement populaires auprès des plus jeunes. Mais d’autres personnages de licences connues les accompagnent. Et comme c’était le cas plus haut avec Johnny, il y a une espèce de multiplication des situations, parfois incongrues et pas nécessairement adaptées aux plus jeunes. Certaines chaînes imaginent des aventures inédites de personnages comme Peppa Pig, mais encore une fois, c’est très perturbant. Et puis il y a aussi les unboxings d’oeufs surprises, qui sont eux aussi très populaires.
C : Donc c’est pas juste une niche de programme un peu spéciaux, comme il en existe des tas sur YouTube.
X : Non, il y a clairement un modèle économique là dessous. Ces fermes à contenu, car il s’agit de ça au final, savent comment marchent les algorithmes de YouTube, ou en tout cas ils savent comment l’utiliser à leur avantage : les enfants adorent regarder en boucle le même genre de contenu qu’ils aiment, et si vous ajoutez à ça l’autoplay… ils ne font pas forcément encore la différence entre les différents contenus qu’ils peuvent voir, si c’est quelque chose d’officiel, le personnage qu’ils aiment à l’origine, ou une parodie, une sous-copie. Les outils de recommandations de YouTube prennent le relai et lorsque vous trempez ne serait-ce qu’un doigt dans ce lac de contenu bien incertain, les vidéos du même type s’enchaînent sans interruption, avec à la clé beaucoup d’argent issu des annonces publicitaires.
C : Et personne ne sait qui crée ces vidéos ?
X : Dans le cas des vidéos de Johnny, la société Billion Surprise Toys qui les produit, est basée à Dubaï. Mais il n’est pas impossible du tout que certaines des vidéos dont je vous ai parlé jusqu’à maintenant aient pu être créées automatiquement par des logiciels qui agencent entre eux des termes qui ont chacun beaucoup de succès sur YouTube pour donner ces contenus.
C : Mais c’est super inquiétant non ? YouTube reste sans rien faire ?
X : Alors, comme beaucoup de grandes boîtes de la silicon valley, YouTube a une certaine inertie, qui fait qu’elle a un peu de mal à réagir aux problèmes qui surviennent sa plateforme. Si on s’en tient aux vidéos pour enfants, le problème ne date pas d’hier, puisqu’il y a une explosion de ce genre de contenus aux alentours de 2016-2017. En novembre 2017, la société a commencé à réagir en annonçant travailler sur une nouvelle forme de modération qui permettrait aux parents d’éviter ces vidéos : l’application YouTube Kids, dédiée aux enfants donne la possibilité de signaler ces contenus, ce qui les rend indisponibles sur le service. Une solution qui paraît plutôt bonne de prime abord...sauf que YouTube kids n’est pas exempt de défaut.
C : Et évidemment, la première barrière entre les enfants et ce genre de contenus, sont les parents. N’hésitez donc surtout pas à regarder du côté des outils de contrôle parental de vos appareils. Il y en a qui sont faciles à utiliser et très efficace. Ils sont même régulièrement déjà intégrés par les constructeurs. Merci Xavier, on se retrouve la prochaine fois !
« Johnny Johnny Yes Papa » : quand YouTube montre tout et surtout n’importe quoi aux enfants
Elles cumulent des millions, quand ce ne sont pas des milliards de vues, et inquiètent parfois les parents. Certaines chaînes YouTube pour enfants diffusent des vidéos étranges, voire franchement dérangeantes. L’une d’entre elles est connue sous le nom de « Johnny Johnny Yes Papa » et elle est devenue culte sur les réseaux sociaux tant elle est bizarre. On décortique tout ça avec Xavier Eutrope.
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