Corentin : Auuuuuujourd’hui on va parler d’un sujet chiant ! Non, ne partez pas ! Tout va bien. On va expliquer en quoi c’est CONCERNANT et SYMPA. Et surtout, c’est avec Benjamin Benoit, notre expert juridique de l’Internet ! Salut Benjamin !
Benjamin : Ah oui, bonjour à tous ! Comme tu dis, aujourd’hui je vais apporter mon EXPERTISE sur un sujet brûlant. Mais arrêtez de bailler, la directive copyright est une problématique qui vous concerne au quotidien. Grosso-modo à chaque fois que vos yeux rencontrent une oeuvre de fiction, ou un contenu qui utilise une oeuvre de fiction. Autant dire 90% de votre champ de vision quand vous êtes conscients.
C : Alors, commence-donc par nous expliquer ce qu’il s’est passé. Cette chronique est avant tout motivée par un évènement récent.
B : La commission JURI du Parlement européen a voté majoritairement mais de justesse, le 20 juin, en faveur de la réforme européenne du droit d’auteur et mon but va être de vous expliquer en quoi elle fait zouker les internets. Blague à part, avec pour volonté de base de renforcer le droit d’auteur, deux dispositions de ce texte explosent à la figure de tout le monde. Mais avant : une musique sympa libre de droits.
[MUSIQUE SYMPA LIBRE DE DROITS 1]
C : Allons-y. Le premier article problématique est l’article 11.
B : Je vais sortir les deux gros mots du droit de la propriété intellectuelle : les droits voisins. L’article 11 veut créer un droit voisin pour les éditeurs de presse. Par exemple, Corentin et Stan, en créant les Croissants, ils ont été exposés à de nombreux droits voisins en termes de musiques et de copyrights, ce sont souvent les petits caractères en bas d’un contrat qui enquiquinent tout le monde. Je vous explique comment ils s’appliquent. Je cite Numérama, qui cite Bruxelles : l’intention est de placer les éditeurs de presse « dans une meilleure position pour négocier l’utilisation de leurs contenus avec les services en ligne qui les utilisent ou en permettent l’accès et pour lutter contre le piratage ». Mais ça pose des problèmes d’organisation, et je vais reprendre l’exemple de Wikipédia. Avec cet article, pour enrichir une page de l’encyclopédie collaborative, il faudrait demander la permission à l’éditeur pour référencer un article de presse. Ce qui n’a aucun sens vu le grand nombre de modifications quotidiennes qui ont déjà lieu.
C : Et cela va à l’encontre de ce qu’est un lien hypertexte.
B : Oui, on appelle le web une toile, avec ses interconnexions. On cite des extraits de phrases, de mots, sous un bon droit et une courtoisie. Changer ça, c’est changer la conception du web telle qu’on la connaît. Ce n’est pas si ésotérique que ça.
C : Passons à l’article 13, qui pourrait forcer les hébergeurs de contenu à mettre en place par défaut un dispositif de surveillance et de contrôle...
B : Toujours dans la perspective du droit d’auteur. Paniquez pas, c’est tout simple. Je vais prendre un exemple parlant. Vous faites une jolie vidéo qui raconte vos souvenirs de vacances. Comme vous êtes un fin esthète, vous mettez du Linkin Park par-dessus pour accompagner. Parce que c’est souvent ce que les internautes font, vous pouvez remplacer par Despacito si vous voulez. Avec l’article 13, le filtrage va détecter la présence de Linkin Park avant même qu’elle ne soit visible par les autres et rendre votre contenu innacessible. Et en fait c’est un renversement de ce qui est établi, puisque à l’instant T les hébergeurs sont tenus de réagir a posteriori.
C : Tu parles de Youtube, mais le site a déjà un dispositif dédié.
B : Qui s’appelle Content ID. J’explique rapidement. Vous créez quelque chose et le soumettez sur Youtube. Content ID va établir une signature de votre contenu. Des images-clés, ou une mélodie par exemple, c’est possible. S’il repère cette signature ailleurs, et donc qu’en théorie quelqu’un a copié votre contenu, vous pouvez le faire retirer, le monétiser ou au moins en aspirer des données. C’est pour ça que des petits malins essaient de tromper les robots chercheurs de Youtube en altérant les vidéos ou extraits qu’ils utilisent. En réduisant l’image, en rajoutant des défauts... c’est tout une science, et ça prouve que le système est loin d’être parfait. Ca peut aussi atteindre des vidéos dans leur bon droit, et laisser passer des fraudes. Disons que je veux me faire de l’argent facile, je vais réuploader un épisode de websérie populaire, par exemple un épisode de Chroma. J’ai de bonnes chances de la monétiser et de me faire de l’argent dessus si les propriétaires laissent couler. Voilà, c’était la pause Content ID.
[MUSIQUE LIBRE DE DROITS 2]
C : On peut dire que les algorithmes n’y connaissant pas grand-chose en droit d’auteurs.
B : C’est la solution la plus pragmatique. Mais l’article 13 exacerbe les défauts de ce qu’est le Content ID. On censure tout, on prend le risque de blamer encore plus de contenus de bonne foi, et on fait le dos rond face aux ayants-droits. Imaginons aussi un scénario ou les petites plate-formes veulent jouer les bons élèvres et commencent à faire du zêle sur les strike de contenu. Bof.
C : Aucun rapport avec le bowling, notez bien, un strike c’est juste la mise hors-ligne forcée d’un contenu.
B : Donc en ignorant les subtilités d’un droit qui permet quelques passerelles bien spécifiques, la durée des extraits, l’intention de réappropriation... c’est un sacré bazar, niveau juridique je ne me risquerai pas plus loin.
C : En tout cas, ces articles ont provoqué de vives réactions contre.
B : L’argument étant que ces dispositions correspondent à une vision passéiste, qui ne correspond plus au web d’aujourd’hui et à ses mécaniques, et dont les problèmes vont apparaître au fur et à mesure des usages. Dont un frein au journalisme et à son partage. Le camp du pour parle de protection dans la jungle numérique, là je cite Jean-Marie Cavada. L’Europe prend conscience que, leader dans la protection des données personnelles, elle doit le devenir dans la protection des données culturelles fin de citation sur Twitter de l’eurodéputé français. Il y a donc deux camps très tranchés, ceux dont l’angle et la protection des oeuvres et de l’intérêt des auteurs, et celui de l’Internet plus ouvert, sans contrôle automatisé.
C : Et ça recoupe des enjeux considérables !
B : Plus de protection de la culture et des oeuvres, on parle aussi de presse, d’audience, de monétisation. Le camp des éditeurs, ce sont surtout les eurodéputés italiens, français, espagnols et allemand. Le vote doit être confirmé débuit juillet et le débat pourra reprendre son cours.
Et en attendant, d’autres solutions reviennent sur toutes les bouches. Par exemple, rendre les plate-formes responsables légalement de leurs contenu, ce qui changerait la donne.
C : Bon, tout ça m’a pas l’air si terrible.
B : Attend. Avant de rendre l’antenne, je préfère vous prévenir d’un truc. Croisez ce que je viens d’expliquer avec l’utilisation de mèmes telle qu’on le fait actuellement.
C : PLUS DE MEMES ?? C’EST UNE CATASTROPHE. A BIENTOT BENJAMIN, SI L’INTERNET N’A PAS FONDU ENTRE-TEMPS.
La directive copyright expliquée à mes enfants imaginaires
La directive copyright a récemment été votée en commission à Bruxelles. Elle doit maintenant être confirmée en séance plénière devant les parlementaires européens. Cette directive, qui va changer du tout au tout la conception du droit d’auteur sur internet, suscite de vives réactions, notamment à son encontre. Avec Benjamin Benoit, on vous explique pourquoi ce texte inquiète les acteurs du numérique au plus haut point.
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